[Statistiques avancées] Patrick Mahomes : Prince du Chaos

Patrick Mahomes est grand, très grand, mais jusqu'à quel point ?

Patrick Mahomes

En 2018, le tsunami Patrick Mahomes a pris par surprise l’ensemble de la ligue. Titularisé après un an sur le banc à apprendre derrière le vétéran Alex Smith, il éclabousse de son talent cette édition avec des statistiques folles, 50 touchdowns et un titre de MVP.

Sa domination n’est plus à présenter et un sentiment d’habitude pointe même le bout de son nez. Parfois même d’agacement face à la machine à highlights qu’il incarne. Son côté spectaculaire fait parfois oublier la vraie nature de son talent : la constance en toute situation.

Présentation en chiffre de la domination du quarterback numéro un de la ligue. Pour les néophytes de cette série d’article, les EPA (Expected Points Added ou points attendus) sont présentés en détail dans ce précédent article sur les statistiques avancées.

Patrick Mahomes : une domination statistique sans partage

Depuis son entrée dans la ligue, quatre de ses cinq saisons se situent dans le top 10 des meilleurs performances de la ligue. Aucun autre joueur n’en a plus d’une sur les 5 dernières saisons.

Statistiques EPA par jeu Patrick Mahomes

Le nombre d’EPA générés n’a aucun égal sur la période 2018-2022. Son début de carrière est d’autant plus impressionnant quand on le compare aux grands noms de ces 20 dernières années.

Statistique EPA cumulés Patrick Mahomes

Note : Peyton Manning n’est pas présent sur le graphe car sa première saison a eu lieu en 1998. Saison pour laquelle les EPA n’ont pas été calculés.

Sa grandeur précoce n’est plus à démontrer. Mais alors, qu’est-ce qui explique une telle domination ? Si Mahomes avouait sans honte ne pas savoir lire une défense durant sa première année, c’est en apprivoisant l’aléatoire que le natif du Texas a fait la différence.

La stabilité statistique

Pour expliquer cela il faut replonger dans la sémantique des statistiques. Un des éléments clé quand on créé une statistique dans le sport est sa stabilité dans le temps. Elle représente le pouvoir prédictif d’une donnée.

À titre d’exemple, regardons la stabilité des statistiques usuelles d’une année à l’autre pour un quarterback (données Football Outsiders). Ces données représentent la corrélation d’une statistique d’une année à l’autre:

En dehors de la transition rookie/2ème saison, le taux de sack d’un quarterback ou son taux de complétion sont assez stables dans le temps. Cela peut s’expliquer par le fait que ce sont des caractéristiques inhérentes au jeu de chaque lanceur.

En revanche le pourcentage d’interception est instable car il dépend de plusieurs facteurs extérieurs : ballon mal lancé, mais également, positionnement de la défense, adresse du défenseur sur le ballon… Pour palier à cela, Pro Football Focus a introduit les Turnover Worthy Throw qui recensent lancer par lancer les ballons qui auraient pu être interceptés. Cette statistique permet aujourd’hui de mieux prédire le total d’interception d’une année à l’autre que le taux d’interception lui-même.

Et les EPA dans tout ça ?

Beaucoup de statistiques avancées sont également considérées comme instables pour un quarterback. C’est le cas des EPA dans des situations fortement soumises à l’aléatoire. Les troisièmes tentatives ou les jeux sous pression en sont des exemples. À l’inverse les performances sur les deux premiers jeux ou dans une poche propre sont des valeurs prédictibles pour chaque quarterback.

Toute performance dans ces domaines d’instabilité sur une saison ou un match n’est pas une garantie pour la suite. En tout cas pour la grande majorité des quarterbacks. Car c’est justement dans ces situations que le talent de Patrick Mahomes peut vraiment s’exprimer.

La constance de l’inconstance

Sur les 5 dernières saisons, en plus de briller sur les deux premiers essais (seulement surpassé par Drew Brees), ses performances sur troisièmes tentatives ne connaissent pas d’égal :

C’est aussi le cas dans les moments les plus clutch de chaque match :

Il en est de même quand il est mené au score :

Mahomes excelle dans la constance, là où les autres quarterbacks sont victimes de l’aléatoire. Il ne connait d’ailleurs presque pas de mauvais jours. Sur tous les lanceurs ayant joués plus de 30 matchs sur les 5 dernières années, il affiche le meilleur taux de bons matchs (EPA>0) avec 89 %. Tom Brady et Aaron Rodgers en cumulent « seulement » 74% sur la même période !

Le calme et la tempête

Le résumer à sa maitrise du chaos en serait presque réducteur. Depuis son arrivée dans la ligue les défenses se sont adaptées à son style de jeu explosif. En utilisant plus de Cover-2 avec deux safeties, les coordinateurs défensifs ont voulu contenir au maximum son explosivité en limitant sa capacité à pousser le ballon dans le fond du terrain depuis n’importe quelle position.

En réponse à cela Andy Reid a adapté son système. Il a cherché au maximum les zones courtes, engendrant ainsi une baisse de l’agressivité de Mahomes. D’une moyenne de 9,1 yards de profondeur par lancer à son entrée dans la ligue, le quarterback des Chiefs est aujourd’hui à 7,2 yards. Après un petit recul en 2021, il semble bien avoir pris la mesure de son nouveau système lors de la saison passée :

Malgré ce nouvel aspect de son jeu, ses forces n’en sont pas diminuées. Entre 2021 et 2022, il était toujours second de la ligue en EPA sur les actions où il subissait de la pression. Le « gunslinger » des premières années est en train de faire place à un quarterback méthodique capable d’allier sens de l’improvisation et réflexion rapide.

Conclusion

Dominant dès sa première titularisation, le quarterback des Chiefs n’a eu de cesse de contrôler les moments sur lesquels les autres n’ont pas d’emprise. Sous pression, en troisième tentative ou en jouant de l’arrière, Mahomes n’est jamais aussi bon que quand l’aléatoire se déchaine.

Mais il mute de plus en plus en passeur réfléchi, capable de prendre simplement ce que la défense lui donne. C’est peut être ce dernier élément qui est le plus inquiétant pour le reste de la ligue. Le pire reste à venir.

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