À la veille du Super Bowl LII, épisode 51 de notre rétrospective exceptionnelle, le Super Bowl LI.
New England Patriots (AFC) vs. Atlanta Falcons (NFC) – 5 février 2017
Mieux que les Red Sox du début du 20e siècle. Mieux que les Ottawa Senators des années 20. Mieux que les Minneapolis Lakers du début des années 50. Mieux que les Steelers, les Cincinatti Reds et les A’s des 70’s. Mieux que les 49ers des 80’s. Mieux que les Cowboys des 90’s. Dignes des Maple Leafs des années 40. Dignes des Packers des 60’s. Dignes des L.A. Lakers et des Edmonton Oilers des 80’s. Dignes des Bulls des 90’s. Dignes des Yankees du tournant des années 2000. Dignes des Spurs du 3e millénaire. Encore loin des Yankees de l’entre-deux guerres jusqu’aux 60’s. Encore loin des Celtics des années 60. Encore loin des Canadiens des 50’s jusqu’aux années disco. Depuis 15 ans, les Patriots s’inscrivent au Panthéon des plus grandes dynasties du sport majeur nord-américain. Après avoir enfin renoué avec le titre deux ans plus tôt, ils ont de nouveau rendez-vous avec l’histoire. Et ils vont faire les choses en grand.
Alors que revoilà les Patriots
Guess who’s back ? Pour la 7e fois en 15 ans, Tom Brady et Bill Belichick jouent les prolongations jusqu’au premier dimanche de février. Un règne de 15 ans qui semble voué à ne jamais prendre fin. Tommy Boy approche dangereusement d’une quarantaine souvent fatale pour le commun des quarterbacks. Et alors ? Rattrapé par la patrouille pour une histoire de ballons dégonflés, le quarterback est suspendu pour les 4 premières semaines. Pas si grave. Biberonné en douce au football sauce Pats depuis deux ans, Jimmy Garoppolo a été drafté pour ce genre d’éventualités. Jimmy G se fait démonter l’épaule par Kiko Alonso en semaine 2. Avez-vous déjà entendu parler de Jacoby Brissett ? En insupportables premiers de classe plantés sous le nez du prof, les Pats ont réponse à tout. Quand le numéro 12 reprend son bâton de maréchal en semaine 5, les Patriots n’ont perdu qu’une fois. Sèchement. À Foxboro. Face aux Bills. 0-16. Un accro presque anecdotique. Leur boss est de retour. La saison peut enfin démarrer. Rois incontestés de l’AFC Est depuis 8 ans, finalistes AFC depuis 5 ans — à tel point qu’on se demande si la ligue ne devrait pas les qualifier d’office, rouleau compresseur capable de se renouveler sans cesse, l’objectif tombe sous le sens : gagner. Encore. Toujours. Ajouter une nouvelle ligne dorée à leur incroyable palmarès. Écrire un nouveau chapitre à cette dynastie sans commune mesure dans le monde du ballon à lacet.
Battus d’un souffle aux portes du Super Bowl par des Broncos en route vers le titre 8 mois plus tôt, les Pats ne font pas dans la dentelle. Emmenés par Tom Brady et ses 39 printemps, ils ne perdent qu’une seule fois. Au retour de leur semaine de congé, dans leur antre de Foxboro, ils tombent face à une défense de Seattle revancharde qui leur claque la porte de la endzone en pleine face dans les derniers instants. Ils ne s’inclineront plus une seule fois de toute la saison. Champions en titre bien ternes plongés en pleine crise existentielle, les Broncos ne font pas le poids dans leur propre écurie de Mile High. Dans un Heinz Field de Pittsburgh dans lequel Brady se croit chez lui, les hommes d’acier sont liquéfiés. Victimes préférées des joueurs de Boston, les Jets sont vaporisés (41-3). Rien ne résiste à un Tom Brady gonflé à bloc après le scandale du Deflategate. Il ne lui faut que 12 matchs pour arracher 11 succès, empiler 3554 yards et 28 touchdowns, ne lâcher que deux petites interceptions, pondre la 2e meilleure évaluation de la ligue (112.2) et être nommé Pro Bowler pour une 12e fois.
Depuis le triomphe sablonneux de deux ans plus tôt face aux Seahawks, l’arsenal offensif du numéro 12 n’a pas vraiment changé. 98 réceptions, 1106 yards records en carrière et 3 touchdowns, Julian Edelman enfile son plus beau costume de Wes Welker et se gave dans les secteurs courts et intermédiaires. Brandon LaFell parti à Cincinnati, Bill Belichick et son coordinateur offensif Josh McDaniels sortent deux nouveaux noms de leur tiroir. Chris Hogan. Malcolm Mitchell. Vous tremblez ? Non, c’est normal. Ancien joueur de lacrosse à Penn State, redevenu footballeur chez les obscures Hawks de Monmouth, oublié de la draft 2011, Chris Hogan a rongé son frein dans les practice squads des 49ers, Giants et Dolphins avant d’enfin passer le cut à Buffalo et bouffer les restes dans une attaque des Bills nettement plus intéressée par le plancher des vaches. Pour sa première saison à Foxboro, Hogan n’a besoin que de 38 ballons pour dévaler 680 yards et inscrire 4 touchdowns dans un rôle de dynamiteur de défenses dans le champ profonds. Ancien freshman bourré de promesses abandonné par son genou en 3e année puis revenu sur le devant de la scène pour sa dernière saison à Georgia, Malcolm Mitchell a été drafté au 4e tour quelques mois plus tôt. 32 réceptions, 401 yards et 4 touchdowns, il rentabilise au mieux un temps de jeu limité. Rares titularisations, une blessure à la cheville face à ses anciens Rams qui le prive des 4 dernières semaines, Danny Amendola vit une saison merdique et ramasse les miettes. 23 petites réceptions, 243 yards et 4 touchdowns, sa véritable saison débutera en janvier. Danny Playoffs.
Au milieu d’une escouade de receveurs qui tourne essentiellement autour de Julian Edelman, les vraies stars de l’arsenal offensif de Tom Brady : ses tight ends et ses coureurs. Après un automne au ralenti à cause d’une hanche douloureuse qui le prive des deux premières rencontres et le transforme en fantôme lors des deux suivantes, Rob Gronkowski subit une contusion pulmonaire en week 12 face aux Seahawks avant que son dos ne l’envoie définitivement sur la réserve des blessés deux semaines plus tard face aux Jets. La tuile. Brady perd son jouet préféré. Les Pats perdent une carte essentielle de leur jeu offensif. En un peu plus de quatre matchs en pleine possession de ses moyens, le Gronk aura trouvé le moyen de capter 25 passes pour 540 yards et 3 touchdowns. En son absence, l’ancien Cowboy, Giant et Bear Martellus Bennett sort du bois. Échangé en compagnie d’un choix de 6e tour contre un choix de 4e quelques mois plus tôt, le tight end n’aura pas vraiment eu l’occasion de faire revivre un duo digne de celui formé par Gronkovski et Aaron Hernandez quelques années plus tôt. Au lieu de ça, il va sauver les miches d’une attaque de Foxboro capable de se réinventer comme personne. Aussi grand que Gronkovski, aussi rapide, Bennett attaque la saison à toute vitesse et finit l’année avec 701 yards et 7 touchdowns. Meilleur coureur des Pats, LeGarrette Blount l’ancien cancre assagi emboutit 1168 yards au sol et inscrit la bagatelle de 18 touchdowns pendant que James White se goinfre sur les screen passes et lancers courts pour empiler 551 yards et 5 touchdowns dans les airs. Deux running backs aux profils ultra complémentaires qui résument à eux seuls une attaque bien équilibrée, 4e dans les airs et 7e au sol.
Jamie Collins envoyé à Cleveland en plein milieu de la saison contre un choix conditionnel de 3e tour sans qu’on ne sache trop pourquoi, le pass rush pique du nez et végète dans le ventre mou. 16e, il envoie 34 passeurs au tapis et repose très largement sur les épaules de l’ancien Razorback Trey Flowers et ses 7 sacks. Débarqué de St. Louis juste avant que les Rams ne se barrent à L.A. et après 7 saisons gâchées par la médiocrité de Jeff Fischer, Chris Long signe 3 petits sacks dans un rôle de rusher de situation. Tauliers au cœur du jeu, Dont’a Hightower, nommé capitaine après le départ à la retraite de Jarod Mayo, monte en puissance chaque semaine, pendant que le vétéran Rob Ninkovich s’épanouie dans son rôle de papa de la défense. 65 plaquages, 2,5 sacks, un safety et une poignée de passes coupés, l’ancien Crimson Tide de Bama fait parler sa versatilité et file au Pro Bowl pour la première fois de sa carrière. Pour sa dernière saison NFL, Ninkovich et sa barbe empilent une trentaine de plaquages et 4 sacks, et bétonnent une défense des Pats 3e contre la course (88,6 yards au sol par match). Malgré une escouade qui pointe à la 12e place dans les airs, personne ne concède moins de points que New England (15,6 points). Propulsé sur le devant de la scène un soir de février 2015 dans l’Arizona, Malcolm Butler pique 4 ballons, pendant que Logan Ryan signe 92 plaquages, coupe 11 passes et en vole deux. Dernier défenseur dans le fond du terrain, Devin McCourty rôde souvent près de la ligne et amasse 83 plaquages en route vers un 3e Pro Bowl où il tiendra compagnie au roi des équipes spéciales, Matthew Slater.
Conquérants en attaque, équilibrés en défense, les Patriots signent une 7e saison consécutive à 12 victoires ou plus. Du jamais vu. Une régularité ahurissante. Les Texans écartés en douceur pour leur entrée en lice, les joueurs de la Nouvelle-Angleterre se préparent pour leur 6e finale AFC consécutive. Face à des Steelers déjà victimes expiatoires aux portes du Big Game lors de leurs couronnements des Super Bowls XXXVI et XXXIX, Tom Brady récite son football, Chris Hogan se transforme en Hulk et les Pats s’envolent pour une énième finale. Encore eux. Toujours eux. Un 6e Super Bowl en tant que head coach, Bill Belichick rejoint le légendaire Don Shula. Un 10e Super Bowl sur un banc NFL, peu importe le poste, Bill dépasse l’iconique Dan Reeves. Un 7e Super Bowl pour Tom Brady, du jamais vu pour un joueur dans l’histoire cinquantenaire du Big Game. Mieux que 28 franchises NFL. Stratosphérique.
De leur histoire, les Falcons n’ont connu qu’un seul Super Bowl, eux. À cette époque là, Matt Ryan n’avait que 13 ans. Depuis qu’ils ont tutoyé les étoiles en 98, les Falcons ont tout connu. La fin du cycle Chris Chandler/Dan Reeves, l’emballement des premières années Michael Vick, l’excitation d’une finale NFC en 2004, le désenchantement du scandale des combats de chien, une triste saison 2007 aux allures de tanking pré-reconstruction, puis l’espoir. Un nouvel espoir nommé Matt Ryan. L’aube d’un jour nouveau. Mike Smith a peine nommé head coach après 4 saisons passées à piloter la défense des Jaguars, il fait du géant de Boston College le 3e choix générale de la cuvée 2008. Effet instantané. De 4-12 à 11-5. Smith est nommé Coach de l’Année, Ryan Rookie Offensif et les Falcons sont balayés par l’ouragan Larry Fitzgerald dès le premier tour. 9-7. 13-3. 10-6. 13-3. Les saisons dans le vert s’enchaînent et les échecs en playoffs aussi. Après les Eagles en 2004, ce sont les 49ers qui les rembarrent aux portes du Super Bowl en 2012. Comme usés par tous ces efforts et lâchés par une défense en pleine transition, les Faucons perdent leur ailes et s’écroulent. 4-12. 6-10. Mike Smith a grillé tous ses jokers. Il est viré.
Julio Jones, Matt Ryan, une belle bande de playmakers autour d’eux et quelques talents prometteurs en défense, Dan Quinn débarque à Atlanta comme un messie. Centurion de la Legion of Boom sacrée en 2013, il doit redonner vie à une escouade abîmée dans les profondeurs de la ligue. En 2014, aucune défense ne concède plus de yards par match que celle des piaffes de Georgie (398,2). Avec 26,1 points de moyenne, ils sont 6e de la ligue en partant du bas. Des cancres qui clouent au sol l’une des attaques aériennes les plus performantes de la ligue. 32e rideau le plus perméable en yards en 2014, les Falcons bondissent au 17e rang un an plus tard et ne concèdent plus que 21,6 points par match. Des progrès prometteurs. Pourtant, leur salut passera par l’attaque. Car quand la défense retombe dans ses travers en 2016, la troupe emmenée par Matty Ice flambe. 2e attaque la plus gourmande en yards (6653), 3e dans les airs (4725), 5e au sol (1928), aucune escouade offensive n’inscrit autant de touchdowns qu’eux (58), ni ne marque autant de points par match (33,8). Une arme de destruction massive.
Portés par un Matt Ryan aérien, les Faucons se ramassent pourtant d’entrée dans un vieux Georgia Dome au crépuscule de sa vie. Face aux Bucs, la défense sombre, l’attaque plafonne, les rapaces tombent. Une défaite à domicile face à un rival de division dès la première semaine. Quelle idée de merde. Un mois plus tard, après deux démonstrations de force offensives au Superdome de La Nouvelle-Orléans et face aux Panthers, et une série de 4 succès consécutifs, tout va de nouveau pour le mieux dans le meilleur des mondes. Malgré un revers sur le fil au CenturyLink Field (24-26) et une défaite en prolongations face aux Chargers, les protégés de Dan Quinn arrachent la victoire face aux Packers d’Aaron Rodgers et envoient les Bucs par le fond avant de céder face aux Eagles. 6-4 et une semaine de repos qui arrive à point nommé. Incapables de conserver un semblant de régularité et souvent mis à mal par une défense bien trop généreuse, le moindre faux pas pourrait être fatal aux ambitions des Falcons. Vainqueurs du derby des oiseaux face aux Cards, ils se font scalper à la maison par les Chiefs et s’offrent un dernier mois de toutes les peurs. 42 points à Los Angeles, 41 face aux Niners, 33 à Charlotte, 38 face aux Saints. 4 sur 4. 4 ans après, les Faucons retrouvent le trône de l’AFC Sud et s’offrent une semaine de congé. Un parcours collectif houleux, aux antipodes de la saison en roue libre de leur quarterback.
4944 yards, 38 touchdowns, 7 interceptions, une évaluation de 117.1, 12 matchs avec un rating à trois chiffres et quelques prestations XXL, comme à Charlotte, en semaine 4, quand Matt Ryan fait voler en éclat la défense des Panthers et balance 503 yards et 4 touchdowns. MVP, Joueur Offensif de l’Année, 9 ans après son arrivée dans la ligue, l’ancien Aigle de Boston College se plaît en Faucon. Phénomène physique hors norme, Julio Jones n’a besoin que de 14 matchs pour capter 83 ballons, engloutir 1409 yards et croiser 6 fois la ligne dans un costume de go-to-guy qu’il étrenne avec classe. Fraîchement atterris à Atlanta en provenance de l’Ohio, Mohammed Sanu et Taylor Gabriel font parler leur complémentarité. L’ancien Bengal et ses mains en or empilent 653 yards dans les airs et marquent 4 fois pendant que l’ancien Brown et ses jambes de feu s’amusent dans le slot, cavalent 579 yards et inscrivent 6 touchdowns. Drafté deux ans plus tôt au 4e tour, Devonta Freeman régale par sa polyvalence. Coureur explosif et rapide, il dévore 1079 yards au sol et marque 11 fois. Receveur habile, il ajoute 462 yards et 2 touchdowns. Sélectionné au 3e tour en 2015 pour dynamiser davantage encore le backfield offensif, Tevin Coleman et sa grosse pointe de vitesse engloutissent 921 yards et 11 touchdowns au sol comme dans les airs, bien aidés par le centre Alex Mack, en route vers son 4e Pro Bowl. Dans des rôles de subalternes, le tight end Levin Toilolo, le receveur Justin Hardy et le rookie Austin Hooper s’offrent tous un peu plus de 200 yards et une poignée de touchdowns.
Une attaque gourmande. Et heureusement. Car la défense est presque aussi généreuse. 5e la plus vulnérable dans les airs, dans le ventre mou contre la course, elle pointe au 8e rang en partant de la fin au nombre de yards concédés et 6e au nombre des points encaissés (25,4 par match). Retour à la case départ pour une défense qui avait laissé entrevoir des progrès prometteurs un an plus tôt. Pourtant le talent ne manque pas. Leaders expérimentés d’un pass rush qui sort enfin la tête de l’eau, Adrian Clayborn et Dwight Freeney se mettent à deux pour envoyer 8 passeurs au tapis. 8e choix général un an plus tôt et seul Pro Bowler en défense, Vic Beasley explose. Repositionné linebacker côté fort, l’ancien de Clemson rafle 15,5 sacks, force 6 fumbles, inscrit un touchdown et finit meilleur pass rusher de la ligue. Atlanta tient enfin son bouffeur de quarterbacks. Celui qui la fuyait désespérément depuis des années. Deion Jones, Keanu Neal, avec ses deux premiers choix de draft, Thomas Dimitroff injecte une dose de jeunesse dans l’arrière garde. Meilleur plaqueur (108) et intercepteur (3) de son équipe, l’ancien linebacker de LSU s’impose rapidement au milieu du terrain. Malgré des débuts NFL retardés par des pépins physiques, Neal empile 105 plaquages, 9 passes défendues, 5 fumbles forcés et un recouvert dans un rôle de cogneur qui lui va comme un gant pendant que Ricardo Allen ajoute 90 plaquages et 2 interceptions. De la jeunesse et de l’expérience qui n’empêchent pourtant pas les Faucons de pointer dans le wagon de queue et obligent l’attaque à se surpasser toujours plus.
Une défense perméable, une attaque destructrice. En playoffs, le cocktail peut rapidement devenir explosif et jouer des mauvais tours. Pas à Atlanta. Des points, la défense va en concéder, c’est certains. Mais ne comptez pas sur Julio et Matty Ice pour passer au travers. 36-20 au premier tour face aux Seahawks. Legion of What ? 44-21. En finale de conférence, les Cheesers sont transformés en fondue. En deux rencontres, Matt Ryan vient de balancer plus de 700 yards et 7 touchdowns. Les Patriots sont prévenus. La défense la plus radine en points face à l’attaque la plus vorace. Par le passé, 5 fois le Super Bowl a offert pareille affiche. 4 fois la meilleure défense l’a emporté. Les Falcons sont prévenus.
Un rêve cauchemardesque
Punt. Punt. Punt. Punt. Dans un NRG Stadium qui rappelle aux Patriots de délicieux souvenirs, les défenses font une OPA sur les 15 premières minutes. Tom Brady rate les mains de Julian Edelman pour débuter la partie, se rattrape juste après pour 9 bons yards, Deion Jones fauche LeGarrette Blount sur la ligne. Punt. Sur un rapide toss sur la gauche, Devonta Freeman s’envole pour 37 yards énergiques, Trey Flowers engloutit Ryan 10 yards derrière la ligne. Punt. Shotgun, play actions, Danny Amendola, Chris Hogan, James White et Malcolm Mitchell, Tom Brady passe son arsenal offensif en revue et bondit de 46 yards, Courtney Upshaw dévore son vis-à-vis et sack le numéro 12, Grady Jarrett prend le périph et envoie Brady brouter le synthé. Punt. Tevin Coleman et Freeman dénichent quelques brèches au sol, Matt Ryan se connecte avec Patrick DiMarco et se prend la double cisaille Jabaal Sheard/Alan Branch dans la tronche. Punt. En à peine 15 minutes totalement prises en otages par les défenses, les deux équipes ont déjà signé deux sacks chacune. Des bases dignes du Super Bowl 50. Les attaques sont en panne sèche.
Après 15 minutes à se rentrer dedans de façon stérile, Deion Jones passe à l’action. Verrouiller le jeu, c’est bien mignon, mais il y a une bague à aller chercher. Surtout que l’attaque des Patriots commence à donner des signes de vie. 13 yards dans les gants de Julian Edelman, une petite dizaine tout en patience et en puissance de Blount et Tom Brady, peinard dans une poche complètement disloquée qui isole un rush à trois impuissant, se connecte avec son joujou préféré 27 yards plus loin. La peinture n’est plus qu’à 33 unités. Le danger rôde. Deion Jones aussi. Le linebacker arrache violemment le ballon des mains d’un LeGarrette Blount figé en pleine mêlée et Robert Alford plonge dessus. Turnover. La défense vient de montrer l’exemple. Au tour de l’attaque de capitaliser. Julio Jones, Devonta Freeman. Le drive va se résumer à deux hommes. En deux catchs le receveur montre la voie et se téléporte 42 yards plus loin. Le running back prend la relève au sol, 15 yards lumineux de vision sur la droite, 9 sur la gauche, puis un cut supersonique de cochon et l’ancien Seminole de Florida State s’en va piquer une tête dans la peinture rouge sang. 7-0. Un modèle du genre. Les Faucons prennent les commandes avec autorité.
Un, deux, trois, punt. La défense d’Atlanta ne se sent plus, se met à martyriser un Tom Brady sans solutions, C.J. Goodwin stoppe James White sur un plaquage d’école sur un 3e essai et Matt Ryan régale par son sang froid et sa maîtrise. 24 yards dans les gants d’un Taylor Gabriel seul en plein cœur du terrain, 18 dans ceux de Julio Jones sur un numéro d’acrobate du receveur en bord de touche, une micro course de Tevin Coleman histoire de, une première connexion manquée avec Austin Hooper et une seconde victorieuse qui envoie le tight end dans la endzone sur un modèle de ballon placé. 14-0. Un football brillant. Il reste 8 minutes et 48 secondes à jouer, Tom Brady décide de garder le ballon le plus loin possible des mains chaudes du passeur des Falcons. Péniblement, entre deux salves de passes ratées, des courses stériles à répétition et des holdings défensifs qui leurs sauvent les fesses par trois fois sur des 3rd downs, Martellus Bennett décroche deux premiers essais cruciaux et les Patriots remontent le terrain. En 14 actions et près de 5 minutes 30 de jeu, ils se téléportent de leurs 25 aux 23 d’Atlanta. L’en-but est à portée. Là. Tout près. 3e et 6. Shotgun. Pas pressé de se rendre dans la endzone, Brady fait feu dans le slot vers Danny Amendola. En couverture de zone, Robert Alford a tout lu. Il a tout vu. Le cornerback bondit devant le receveur, intercepte le ballon comme une bombe sur la ligne de 18, dépose un Tom Brady impuissant et déploie ses ailes pour s’envoler vers le Paradis, 82 yards plus loin. Le numéro 12 est à terre. De loin, écrasé sur la pelouse, il regarde Alford trottiner jusque dans la peinture rouge. Lentement, tête basse, il se relève. En 33 matchs de playoffs, jamais il n’avait lancé de pick-6. 21-0. Les Patriots sont en train de passer à côté de leur sujet. Dépassés par des Falcons en apesanteur. Pieds fous, bras mollasson, Tom Brady n’a jamais autant eu l’air d’avoir 39 ans. Même George Bush et ses 92 printemps avaient l’air plus en forme au moment du toss.
« Ça s’est passé exactement comme nous ne l’avions pas prévu, » expliquera Brady en conférence de presse. « Tout ce que nous ne voulions pas faire, nous l’avons fait en première mi-temps. Ça a été nettement mieux en seconde. Un match incroyable. »
Il reste 21 secondes avant le 2-minute warning. Un peu plus de deux minutes pour aller chercher des points. Même trois tous petits points. Mais il leur faut quelque chose à se mettre sous la dent. Revenir au vestiaire bredouille serait dramatique. Surtout qu’au retour, ce sont les Falcons qui attaqueront. James White en douceur, il reste 2 minutes. Harcelé par un pass rush créatif, Brady se fait violemment percuter au moment de lâcher le ballon et décoche une passe en cloche aussi hideuse que périlleuse qui tournoie et retombe à deux à l’heure. Martellus Bennett passe par là, se jette en avant pour s’emparer du ballon et grappille une poignée de mètres en plus pour faire avancer les siens de 15 yards inespérés. Le genre d’action qui aurait pu s’avérer désastreuse. Le genre d’action qui regonfle le moral. Tom Brady rate un Julian Edelman grand ouvert avant de trouver les mains de James White sur le bord du terrain. Le coureur laisse son vis-à-vis sur le cul, repique vers l’intérieur et accélère avant d’être immobilisé 28 yards plus loin. Deux jeux plus tard, le running back refait parler de lui sur un 3e essai importantissime. Bill grille son 2e temps mort. Une passe ratée vers Edelman, une courte connexion réussie vers James White annihilée par un holding de Bennett, une screen pass désastreuse vers le tight end qui fait reculer les Pats de 3 yards, 4th down. De 41 yards, Stephen Gostkowski ouvre le compteur de New England. 21-3. Il faudrait un miracle pour renverser la vapeur.
La chute des Faucons rouges
Comme endormies par l’interminable pause concert du Super Bowl, les deux attaques sont pataudes au retour des vestiaires. Devonta Freeman avance de 3 yards dans la mauvaise direction et les Falcons sont rapidement contraints de punter. La défense de la Nouvelle-Angleterre bombe le torse et serre les biceps. Ils avaient terriblement besoin de ce stop. Sur un long punt de Matthew Bosher, Julian Edelman remonte 26 yards et le stade se met à grogner. Et si ? Non. Une passe ratée, un drop d’Edelman et une course dans le mauvais sens plus tard, le silence est de retour. Tom Brady cherche encore un mojo porté disparu depuis le début du match. Pas du tout impressionné par ce bref regain d’énergie, Matt Ryan sort son scalpel, enfile sa blouse de chirurgien et se met à disséquer la défense de Matt Patricia. Gros gains dans les airs, gains minimalistes au sol. Juste ce qu’il faut pour maintenir l’attention des linebackers sur les deux coureurs. En shotgun, derrière le popotin de son centre, dans un fauteuil, sous pression, Matt Ryan fait la totale et Taylor Gabriel sort un double move délicieux qui envoie Butler sur les fesses. En trois passes vers Gabriel et Mohammed Sanu, les Falcons bondissent de 65 yards. 9 yards en avant, 3 en arrière, Devonta Freeman n’est plus qu’à 9 unités de la ligne. Héros du Super Bowl deux ans plus tôt, Malcolm Butler se fait épingler pour un holding et annihile un stop à deux pas de l’en-but. Rien ne va. Rien ne s’arrange. 1st and goal. À 6 yards de la peinture bleue, Kyle Shanahan envoie malicieusement Tevin Coleman sur l’extérieur. Pris de court et trop lent, Rob Ninkovich ne peut rien faire et le coureur se faufile dans la endzone le long de la ligne. 28-3. Impensable. Invraisemblable. Les Patriots ne sont que l’ombre d’eux-mêmes. Les Falcons récitent leur football. Rien ne peut leur arriver.
Rien, sauf Tom Brady peut-être. Avec 21 minutes à disputer, les statistiques sont formelles : New England a 99,8% de chances de s’incliner. 0,2% de chances de revenir du Royaume d’Hadès ? C’est amplement suffisant pour Tommy Boy. Josh McDaniels sort Dion Lewis de sa poche, gave ses trois coureurs à toutes les sauces et l’attaque de Foxboro avance enfin. Julian Edelman se met à tenter des passes, Tom Brady se met à cavaler 15 yards, bienvenue dans la 5e dimension. Sur un 4e et 3 de toutes les peurs, le numéro 12 trouve les mains de Danny Amendola et le receveur arrache 17 yards. Les chances des Pats viennent de passer à 0,5%. LeGarrette Blount déblaie le chemin dans la redzone, et James White finit le travail dans les airs. Sur une rapide passe sur l’extérieur, le coureur attrape le ballon dos au jeu, se retourne et plonge dans l’en-but. Touchdown. Enfin. Et si ? Non. D’ordinaire si précis, Stephen Gostkovki rate la cible. 28-9. Rien de fatal, mais la sale impression que même lorsque les choses se mettent enfin à tourner rond, elles ne tournent pas si rond que ça. La tentative d’onside kick ratée, la pression fond de nouveau sur la défense. Autoritaire pendant les 15 premières minutes, submergée depuis, elle est la clé du match. Sans elle, même toute la magie de Tom Brady ne servira à rien. Des stops rapides, des turnovers, à son tour de monter au front pour réécrire l’histoire. Jake Matthews sanctionné pour un holding qui fait reculer les siens de 10 yards, défense déboussolée, problème d’équipement, Dan Quinn grille déjà son deuxième temps mort. Matt Ryan se fait engloutir par Kyle Van Noy et Trey Flowers, manque Austin Hooper sur l’action suivante et Matthew Bosher entame le dernier quart-temps par un punt déposé sur les 14 yards de la Nouvelle-Angleterre.
Le jeu au sol réduit au strict minimum, Tom Brady pilonne comme un dégénéré et en trois passes vers Malcolm Mitchell, propulse son attaque 40 yards plus loin. Parfaitement protégé, le quarterback retrouve sa précision et son tempo et dépose une merveille de passe par-dessus les épaules de Martellus Bennett, directement dans ses gants. Sur un 3e essai, il n’avait besoin que d’un petit yard, il vient d’en dégoter 25. Une fois. Deux fois. En deux temps et deux sacks dans la redzone, Grady Jarrett sonne la fin de la récrée et Bill Belichick se résout à prendre les 3 points. Un peu moins de 10 minutes à jouer et 16 points à remonter. Deux touchdowns et deux conversions à deux points. Improbable ? Un peu. Impossible ? Certainement pas. Déterminés à garder le ballon loin des mains bouillantes de Tom Brady le plus longtemps possible, les Falcons lâchent la cavalerie et Tevin Coleman entame l’opération Chronophagie avec autorité. Puis c’est le drame. Endiablés pendant le premier quart-temps, endormis pendant les deux suivants, les pass rush reprennent de l’allant des deux bords. Lancé comme un missile, Dont’a Hightower dépose un Devonta Freeman totalement à la rue, contraint de jouer les bloqueurs malgré lui après que Coleman ait été touché sur l’action précédente, et croque Matt Ryan tout cru au moment où le quarterback commence à armer son bras. Le ballon gicle de la sa main, Alan Branch plonge dessus. Turnover ! Le scénario de l’impossible commence tranquillement à se dessiner. La probabilité de victoire des Pats passe à 1,8%.
Sacké par Dwight Freeney d’entrée, Tom Brady reste stoïque, se rassure avec James White dans le petit périmètre, décroche le premier essai sur une passe laser vers Malcolm Mitchell et fait exploser le stade sur un quick out létale vers Danny « Playoffs » Amendola. Les deux doigts au ciel, Tom Brady coupe court aux célébrations et James White réduite l’écart à 8 points sur un direct snap plein de malice. La copie conforme de la conversion à deux points de Kevin Faulk lors du Super Bowl XXXVIII. Impériaux en défense, magistraux en attaque, les Falcons commencent lentement à se pisser dessus. La probabilité de victoire grimpe à 6,1%. Le rouleau compresseur est en marche et en dehors d’un pass rush qui fait de son mieux pour casser la mécanique redevenue si parfaite de Tom Brady, le reste de la défense est impuissant. Les Pats retrouvent leur confiance. Ils peuvent le faire. Ils le savent. Ils se sont préparés pour.
« Pas de panique, » confiera Matthew Slater à ESPN. « Nous nous sommes entraînés en équipement toute la semaine. Nous avons triplé d’effort toute la semaine. Nous avons travaillé pour ça. Nos corps et nos têtes étaient prêts, et nous n’avons jamais cessé de croire en nous. »
Un peu moins de 6 minutes à disputer et une possession d’écart, plus question de jouer au malin en faisant s’envoler les secondes, Atlanta a besoin de 3 points. 3 points pour tuer le match pour de bon et ruiner le comeback insensé des Patriots. Acculé contre son en-but, Matt Ryan dégaine vers un Devonta Freeman complètement oublié par une couverture partie très loin dans le fond du terrain. Le coureur sécurise le ballon, accélère, dépose Duron Harmon sur un cadrage débordement PEGI 18 et remet le turbo vers l’intérieur avant d’être finalement rattrapé par Elandon Roberts 39 yards plus loin. Deux jeux plus tard, Ryan dompte la pression, grimpe dans sa poche, décoche une flèche et Julio Jones fait du Julio Jones. Malgré une couverture parfaite d’Eric Rowe, le receveur étire ses bras pour agripper en deux temps un ballon lancé à 1000 à l’heure loin devant lui, pose son pied gauche au sol et vient frapper le gazon de la pointe de son pied droit juste avant de s’écraser dehors pour un catch absurde de 27 yards. Phénoménal. Les poteaux sont à portée de Matt Bryant. La peinture n’est plus qu’à 22 yards. L’équation est simple. Courir, faire couler le chrono, se rapprocher autant que possible des perches et pourquoi pas mieux. Passer le ballon ? À quoi bon. Simplissime. Sauf pour Kyle Shanahan. Partisan d’un play calling agressif, le coordinateur offensif appelle une passe à haut risque, le jeu se développe lentement, bien trop lentement, Matt Ryan tarde, ne tente pas de se débarrasser du ballon et se fait engloutir par Trey Flowers, Atlanta recule de 12 yards, les poteaux s’éloignent d’autant. Jake Matthews ruine l’avancée de 9 yards de Sanu en commettant un holding, Matty Ice manque les mains de Taylor Gabriel, les Falcons se résolvent à punter. Il ne leur fallait que 3 petits points pour tuer tout suspense. Ils viennent de lamentablement échouer. Tom Brady revient sur le terrain. L’histoire poursuit son inéluctable marche.
« Rien ne peut le déconcentrer, et pendant tout le match, pas une seule fois nous n’avons lu dans son regard le moindre signe de résignation, » racontera Chris Hogan à ESPN. « Il n’y avait pas le moindre doute dans ma tête. Nous avons l’un des meilleurs quarterbacks de l’histoire. »
3 minutes 30 et 91 yards à combler pour le GOAT. C’est bien plus qu’il n’en faut. Le quarterback vit pour ces moments là. Ces drives de la dernière chance ont forgé sa légende. Acculé dans son en-but et frappé bas, le numéro 12 balance sa première passe dans le vide. Expédiée loin en profondeur, la deuxième fuit les gants de Chris Hogan. 3rd & 10. En shotgun toujours, la troisième fait mouche et Hogan fait avancer les chaînes de 16 yards. Un laser sur la gauche vers le rookie Malcolm Mitchell, first down. Trop rapide, trop précis, Tom Brady se fraie tranquillement un chemin dans la couverture défensive des Faucons et Julian Edelman se prend pour un fils de charpentier de Nazareth. Véritable faiseur de miracles, le receveur plonge au milieu de trois maillots rouges vers un ballon détourné par un Robert Alford à deux doigts du doublé et qui retombe dangereusement en cloche.
« Je l’ai attrapé ! Je l’ai attrapé ! » beugle Edelman dans son casque.
Tranche de jambon dans un véritable sandwich humain, Edelman se relève avec le cuir, les arbitres annoncent un catch, personne n’en croit ses yeux, Joe Buck est presque excité, Dan Quinn balance son mouchoir rouge. En vain. Il vient de perdre son dernier temps mort. Les yeux rivés sur le ballon de bout en bout, Minitron profite d’un rebond sur la jambe d’Alford pour glisser sa main sous le cuir en plongeant, les gants de Ricardo Allen le maintiennent éloigné du sol et le numéro 11 des Pats referme son étreinte en deux temps. David Tyresque. Jermaine Kearsesque. The Ankle Catch. Julian is the man. 8,7% de chances.
« Je n’y croyais pas, » confiera Brady. « Une des réceptions les plus folles. Vous savez qu’on a été de l’autre côté du ballon sur une poignée d’actions du genre par le passé. »
Boostés par l’incroyable réception d’Edelman, les Patriots s’emparent du momentum, bondissent de 23 yards et se retrouvent confortablement installés en territoire ennemi. Danny Playoffs loin sur la droite, 20 yards. 13,2 % de chances. James White juste derrière la ligne de mêlée, 13 yards. James White à nouveau, 7 yards. Plus qu’un seul à combler. Déchaîné, James White transperce la ligne. Plus que deux points pour accomplir la remontée la plus folle de l’histoire du Super Bowl. Une rapide screen pass sur la gauche, Hogan et Edelman en écrans, Danny Amendola casse la ligne. Le mouchoir jaune est pour Dwight Freeney, les deux points sont pour les Patriots. 28-28. Fabuleux. 53% de chances. New England bascule du bon côté de l’instrument de pronostic d’ESPN. Comment les Falcons ont-ils laissé s’envoler une avance de 25 points ?
« Quand tu te retrouves très largement mené dans un match, il te faut à tout prix réussir des gros jeux et que tout se déroule à la perfection, » confiera Josh McDaniels.
La perfection, les hommes de Foxboro sont en train de lui rendre un vibrant hommage. 52 secondes à jouer, pas le moindre temps mort, Mohammed Sanu et Austin Hooper grignotent 16 yards, Matt Ryan spike le ballon, le quarterback est à deux doigts d’être intercepté sur l’action suivante et Matthew Bosher dégage son camp au pied. Plus que 3 secondes. Les Patriots feintent le genou au sol, Tom Brady s’en va vers la droite, Dion Lewis embarque le ballon sur la gauche et cavale 13 yards avant d’être lâché par son genou. Tout seul. Comme un grand. Pour la première fois de l’histoire, le Super Bowl s’offre du rab et file en prolongations au terme de 60 minutes renversantes. Pour la première fois depuis le Greatest Game Ever Played entre les Giants et Colts de 1958, le titre se jouera en overtime. Gagner à la dernière seconde en défense, les Patriots l’ont déjà fait. Gagner à la dernière seconde sur un coup de pied, les Patriots l’ont déjà fait. Deux fois même. Gagner en prolongations, jamais ils ne l’ont fait. « Heads ! » lâche Matthew Slater avec conviction. Face, New England remporte le toss et prend le ballon. Tout leur sourit. Objectif endzone. Les Pats viennent d’inscrire 25 points sur leurs 4 dernières séries offensives. Pas question de s’arrêter en si bon chemin. Dans 80 yards, ils ont rendez-vous avec l’histoire. Les Falcons sentent tranquillement le bourreau leur nouer la corde au cou.
Tout le terrain à remonter et un titre à aller décrocher. Pour les Pats de Tom Brady, une douce mélodie. Pour la défense d’Atlanta, un cauchemar éveillé. Un rapide lancer vers James White, un délice de passe vers Danny Amendola, une nouvelle merveille de timing et de précision pile dans le numéro de Chris Hogan, une screen ratée qui fait reculer James White, une passe laser dans les bras de Minitron, une passe écran parfaitement déguisée vers White, en 6 actions, les joueurs de Foxboro sont déjà dans la redzone. L’issue semble inéluctable. Dos au jeu, sans jamais tourner la tête, De’Vondre Campbell se paye Martellus Bennett sur la ligne, les mouchoirs jaunes s’envolent, defensive pass interference, 1st & goal sur la ligne. Dans un vibrant hommage à Pete Carroll, les Pats appellent une passe. Descendu en couverture sur Bennett et bien calme toute la soirée, Vic Beasley détourne le ballon et passe à deux doigts d’une interception libératrice. Fini de déconner, Brady balance un rapide toss sur la droite vers l’omniprésent James White. Le running back s’échappe vers l’extérieur, repique brusquement à l’intérieur pour essayer de prendre à contre-pied une défense d’Atlanta qui a tout lu, résiste au plaquage et s’arrache de tout son long pour casser la ligne. Touchdown. 34-28. Le stade explose. Les sismographes s’affolent dans toute la Nouvelle-Angleterre. Joe Buck est excité pour de bon. Les Patriots courent comme des tarés aux quatre coins du terrain. Ils viennent de réaliser un exploit insensé. Menés de 25 points au milieu du 3e quart, ils sont revenus de l’enfer pour étouffer l’une des attaques les plus prolifiques de la ligue, éparpiller une défense véritable talon d’Achille des Falcons et ajouter un nouveau chapitre doré à leur légende. Jamais dans l’histoire des séries, une équipe n’avait remonté pareil déficit dans le 4e quart temps. Jamais de leur histoire, les Patriots n’avaient remonté pareil déficit tout court.
Depuis plus de 50 ans, pick-6 avait toujours rimé avec défaite. Mais voilà, Tom Brady n’aime pas faire les choses comme les autres et aura su effacer une première mi-temps chaotique en pilonnant le terrain comme un dégénéré. 62 passes tentées, 43 réussies, 466 yards, du jamais vu dans un Super Bowl. Dans une finale de tous les superlatifs, ce sont pas moins de 30 records qui viennent s’ajouter au Guinness Book version gridiron. 7 Super Bowls disputés, 309 passes tentées, 207 réussies, 2071 yards et 15 touchdowns. Aucun quarterback n’a fait mieux dans l’histoire. 14 réceptions, 3 touchdowns et 20 points records, 139 yards, James White aura été le héros surprise de ce match. Même Tom Brady, couronné homme du match voit en son coureur le véritable MVP de la rencontre. Après deux années émaillées de scandales, Robert Kraft savoure sa plus belle victoire.
« Beaucoup de choses se sont passées les deux dernières années, et je ne pense pas avoir besoin d’en dire davantage, » racontera le propriétaire des Patriots. « Mais je veux dire à nos fans, nos incroyables coachs, nos fantastiques et si spectaculaires joueurs : c’est sans aucun doute la plus savoureuse des victoires. »
Un génie sur le banc. Un géant sur le terrain. À 15 ans, la dynastie Patriots est plus jeune que jamais. Demain à Minneapolis, elle a une fois de plus rendez-vous avec l’histoire. Le marronnier hivernal de la NFL.