[Statistiques avancées] Qui a le mieux réussi sa Draft NFL 2022 ?

Les Ravens ont joué la carte de la patience, les Patriots ont joué au plus malin.

Chaque année experts, journalistes et aficionados, passent des heures à décrypter, analyser, quantifier les performances des futurs draftés. Une fois la draft passée des notes sont données, les choix sont discutés et les running-back pris dans les deux premiers tours sont moqués.

Dans toutes ces analyses, il n’a pas échappé au fan avisé que les notes données à la suite de ce processus de sélection sont aussi diverses que variées. Comment peut-on évaluer une draft alors que ses effets ne seront quantifiables que dans quelques années ? Essayons de répondre à cette question et d’appliquer notre réponse à la Draft 2022.

Qu’est ce qu’une draft réussie ?

Lors d’un précédent article, nous expliquions qu’il était impossible de bien drafter sur la durée. Le processus de la draft impliquant bien trop d’aléatoire, il est difficile d’être consistant d’une année à l’autre. Ici il est question de quantifier la réussite d’une draft sans avoir vu les joueurs sur un terrain professionnel. Ainsi la réussite d’une draft au sortir du 7e tour ne pourra s’analyser que comme une cohérence du processus de chaque équipe durant les 3 jours de sélection. Ce qui est valorisé n’est pas de prendre un joueur qui sera bon dans 5 ans, car nous n’en savons (pour l’instant) rien, mais de prendre un joueur à l’endroit où il doit être pris.

Chaque choix (ou «pick») a une valeur, et en utiliser un sur un joueur qui serait disponible 32 choix plus tard serait un énorme gâchis de ressources. Une bonne draft est donc une draft où l’équipe ne «reach» pas en plus de prendre des joueurs correspondant à ses besoins (le «reach» est l’action de prendre un joueur trop tôt, à l’opposé du «steal»).

Mais comment déterminer le choix où chaque joueur aurait dû être pris ?

Le Consensus Big Board

Depuis 2014 le journaliste Arif Hasan regroupe les « mock-draft » de 82 analystes NFL. A partir de ces simulations, il créé une draft faisant la moyenne de ces 82 avis. Si l’on compare cette draft qu’il intitule le « Consensus Big Board » aux choix qui sont réellement fait le soir de la draft pour chaque joueur, on obtient le graphe ci-dessous :

Les choix théorique du Consensus Big Board sont corrélés à 70% à la réalité. Cette similarité est d’autant plus impressionnante que les analystes disposent de beaucoup moins d’informations que les équipes de scouting NFL. Plus on avance vers la fin de la draft, plus la corrélation diminue. Cette régression est logique, le nombre de joueurs qui peuvent être pris en fin de draft augmente car le niveau est de plus en plus homogène.

Maintenant qu’on a l’emplacement de la draft où chaque joueur aurait dû être pris et les choix réels de cette année, on peut regarder l’écart entre les deux. Un « steal» s’illustrera par une valeur positive et un «reach» par une valeur négative.

Cette méthode présente une impasse. Si une équipe choisit en 5e position un joueur qui aurait dû être pris en 15e position, son « reach» a une valeur équivalente à un reach de la 195e place à la 185e. Les deux cas ne peuvent pas être traitées de la même façon. Plus on se rapproche de la fin de la draft plus le nombre de joueurs prenables à ces positions est grand et donc les écarts sont de moins en moins représentatifs. Il faut pondérer les choix.

La charte de Fitzgerald-Spielberger

Pour cela nous allons utiliser la charte Fitzgerald-Spielberger. Dans le précédent article sur la draft nous avions déjà parlé de ce type de charte qui essaye de quantifier la valeur de chaque choix de draft et nous avions proposé une alternative.

La charte de Jimmy Johnson, la plus utilisée, était considérée comme trop optimiste et valorisait excessivement les premiers tours. Ici la charte de Fitzgerald-Spielberger se base sur le montant moyen des contrats signés après le contrat rookie pour donner une valeur à chaque choix.

La charte de Fitzgerald-Spielberger considère de manière plus homogène les différent choix. Là où celle de Johnson donne au choix 31 une valeur presque 6 fois inférieure au choix numéro 1. Cette approche permet d’avoir une modélisation plus proche de la réalité en intégrant la part d’aléatoire inhérente à la draft.

Maintenant que nous avons notre méthode pour pondérer chaque choix nous pouvons analyser cette draft 2022.
Pour chaque choix nous allons regarder l’écart entre la valeur (selon la charte) du choix où le joueur aurait dû être pris soustrait à la valeur du choix où le joueur est pris.

Sans surprise les Patriots se placent en dernière position avec de nombreux reachs, notamment celui sur Cole Stranger lors du premier tour. Les Ravens, qui ont laissé la draft venir à eux, sont largement premiers.

On peut également regarder les 5 meilleurs et les 5 pires choix de la draft 2022:

Les quarterbacks étant projetés bien plus haut avant la draft, il n’est pas étonnant d’en retrouver deux ici dans les « steal ».

De même, c’est sans surprise que l’on trouve des hauts choix car les écarts sont bien plus importants dans le haut de la draft selon notre modèle.

Si l’on exclut les deux quarterbacks, le top 5 est complété par Jamaree Slayer et Tariq Woolen.

Mais pourquoi le reach est un si mauvais choix ? Ben Baldwin, la référence en analyse statistique NFL pour le média The Athletic l’explique simplement :

« D’une part, l’équipe choisit un joueur avant de nombreux autres que les analystes estiment être meilleurs. D’autre part, ils font preuve de trop de confiance dans leurs propres compétences d’évaluation. Reacher pour un joueur c’est envoyer le message que vous pensez être un meilleur évaluateur que vos pairs. Si on se base sur les précédentes draft, il y a peu de raisons pour une équipe de penser que c’est le cas. »

En effet nous avions conclu dans notre précédent article sur la draft qu’il était difficile pour une équipe d’être plus intelligente que les autres, sinon le système ne serait pas équilibré. Ainsi personne ne peut se permettre de jouer au plus malin lors de la draft. Les autres équipes sont souvent aussi compétentes les unes que les autres.

Bien sûr, il ne faut pas suivre aveuglément le consensus de la draft, chaque équipe a ses besoins. Pris au cas par cas un reach n’est pas toujours une mauvaise chose, tout comme un steal peut être une mauvaise décision. Mais à vouloir prendre des joueurs trop tôt, les équipes se tirent une balle dans le pied en abaissant la valeur de leur choix. Car même si la draft a une part d’aléatoire assez importante elle suit une certaine tendance. Elle est, en moyenne, assez cohérente pour sortir les bons joueurs aux bons endroits

Rien ne garanti que les joueurs pris par les Ravens cette année seront meilleurs que les autres. Mais en terme de processus ce sont eux qui repartent avec la couronne de la draft la plus cohérente.

Pour conclure, le journaliste Sheil Kapadia, en s’adressant aux équipes NFL, disait:

« Ne soyez pas trop confiant en votre capacité à évaluer le talent. »

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