À 20 semaines du Super Bowl LII, épisode 31 de notre rétrospective exceptionnelle, le Super Bowl XXXI.
New England Patriots (AFC) vs Green Bay Packers (NFC) – 26 janvier 1997
Oubliés. Usine à champions d’une NFL encore balbutiante, rois des deux premiers Super Bowls de l’histoire, les Packers sont tombés dans l’oublie. Incapables de se renouveler et de faire honneur à leur illustre passé. Incapables de marcher dans les pas de Curly Lambeau, leur glorieux bâtisseur. Incapables de faire raisonner l’immense talent et l’amour du jeu sans limite du génial Vince Lombardi. Les Packers sont resté coincés dans le passé. Dépassés par une NFL qui aura grandi sans eux. Après des décennies de balbutiements et d’égarements, il est temps de rattraper le temps perdu.
Leçon d’histoire
Quand Mike Holmgren débarque dans la baie des Puants en 92, il doit effacer 23 années d’une lose sans égal. Depuis leur triomphe du Super Bowl II, les hommes en vert ont sombré dans les abysses d’une NFL qui va trop vite pour eux. De 1968 à 1992, les Cheesers ne passent le cut des séries que deux fois. Une défaite sans relief face aux Redskins en 72 (3-16), un succès plein de panache face aux Cards de St. Louis (41-16) avant de subir la loi des Cowboys dans une saison 82 amputée par la grève, puis c’est reparti pour une interminable attente de 10 ans. Curly Lambeau et Vince Lombardi doivent se retourner dans leurs tombes. Piètre spectacle, résultats risibles, climat polaire, ville de ploucs dans un marché rikiki, aucune star ne veut aller passer son hiver dans le fin fond du Wisconsin. Un cercle vicieux infernal qui entretient un culte de la lose des plus alarmant pour l’une des franchises les plus iconiques du football pro.
Puis un jour, un petit gars du Mississippi, un rural lui aussi, débarque. Green Bay, ça ne l’effraie pas. Un petit gars au regard agar, avide de jeu, et un gros moustachu biberonné au football étincelant, et surtout victorieux, des 49ers de Bill Walsh. Coach des quarterbacks puis coordinateur offensif des chercheurs d’or, Mike Holmgren a déjà croqué le succès à pleines dents par deux fois. Après une première campagne dans le vert, mais sans playoffs la mayo commence à prendre. Après 11 années de sevrage, les Packers retrouvent les séries en 93 et 94. Chaque fois, le scénario est le même : les Lions sont écartés au forceps au premier tour, puis les Cowboys gâchent la fiesta dès le deuxième. En 95, malgré un Brett Favre MVP et Joueur Offensif de l’Année, revoilà Dallas. Cette fois-ci, en finale de la NFC. Et l’issue est la même. Jamais deux sans trois.
Les nouveaux Packers grandissent. Lentement, ils (ré)apprennent à gagner. Grâce à Mike Holmgren, évidemment, mais aussi à ce prodige venu de la brousse du Mississippi. Après une année perdue à jouer la doublure de la doublure à Atlanta, Brett Favre atterrit dans la toundra. Et quand Don Majkowski se blesse en semaine 2 en 92, le gamin inscrit les premières lignes de sa légende au terme d’un comeback que personne n’avait vu venir. En opportuniste de première, le numéro 4 vient de faire main basse sur le poste de titulaire. Il ne l’abandonnera que 16 ans plus tard, au moment de sa première fausse retraite. Une ère nouvelle s’ouvre à Green Bay. Si chaque année rime avec progrès, c’est toujours la frustration qui finit par l’emporter. Jusqu’en 1996. Il est temps de partir à la conquête du temps perdu. Pour de bon.
Lassés de se faire claquer la porte au nez par Dallas et ses crâneur de Triplets, les Cheesers ne rigolent plus. Pendant 9 semaines, personne ne leur résiste à l’exception de ces sales voisins du Minnesota, portés par Warren Moon et Cris Carter. Après un mois de novembre plus délicat qui les voit s’incliner à KC et chez ces diables de Cowboys, les hommes en vert finissent la saison en roue libre, écrabouillent des Broncos et Vikings pourtant en route vers les séries et décrochent 13 succès. Du jamais vu depuis 1962. Enfin, les Packers marchent sur les traces de leurs illustres ancêtres. Enivrés par une attaque flamboyante, ils s’imposent 7 fois par 25 points d’écart ou plus. 456 points inscrits, une moyenne de 28,5 pions par match, personne ne fait mieux. Un régal pour les yeux.
MVP évident pour la deuxième année consécutive, Brett Favre conquit 3899 yards dans les airs et réécrit le livre des records de la NFC en lançant 39 touchdowns. Un de plus qu’en 95. Loin derrière les 48 touchdowns de Dan Marino en 84, un poil devant George Blanda, Y.A. Tittle, Steve Young et Daryle Lamonica, le quarterback est dans une ligue à part. Flèche la plus affutée du carcan de Brett, Antonio Freeman flirte avec les 1000 yards et marque 9 fois. Ancien dynamiteur de défenses malheureux à Buffalo, le supersonique Don Beebe est venu chercher une dernière lueur d’espoir au crépuscule de sa carrière. Plus de 600 yards dans les airs, plus de 400 sur retour d’engagement, il met sa pointe de vitesse au service de toute l’équipe. Débarqué en cours de saison en provenance de Jacksonville à la surprise de tous, le globetrotteur et emmerdeur de première Andre Rison apporte aux côtés du tight end Pro Bowler Keith Jackson une profondeur des plus précieuses. Par contre, ne comptez pas sur lui pour devenir pote avec Brett Favre et égayer le vestiaire. Lâché par deux autres équipes en l’espace de deux ans, adepte de l’école buissonnière, le quarterback s’était réjouit un an plus tôt quand la tentative des Packers de le faire venir avait échoué.
« Nous avons sauvé énormément d’argent et nous sommes épargnés bien des maux de tête, c’est un vrai poison en interne, » avait lâché Brett.
La réponse de l’intéressé :
« [Si j’étais un défenseur], j’essaierais de lui casser la tronche. »
Chaude ambiance. Au sol, aussi ça manque un peu d’ambiance. Pas de véritable star, mais un trident de joueurs sans véritable faiblesse. Bons coureurs, bons receveurs, bons bloqueurs. Parfaits compléments dans une attaque attirée par les étoiles. Avec ses presque 900 yards, Edgar Bennett est la principale menace. Dorsey Levens et ses 792 yards cumulés endossent le rôle de finisseurs et croisent 10 fois la ligne.
Arrivé en provenance de Philly en 93 suite à un remaniement ministériel, Reggie White, nommé Ministre de la Défense du gouvernement Holmgren, règne sur la meilleure défense de la ligue. Pendant que White et Santana Dotson amassent 15 sacks sur la ligne, Eugene Robinson et LeRoy Butler rôdent aux quatre coins du terrain. Le premier chipe 6 ballons et signe 55 plaquages, le second s’en offre 65, avec supplément 6,5 sacks et extra 5 interceptions. Petit gourmand va. Le moins de yards accordés, le moins de points concédés, l’escouade la plus imperméable. Ce qui se fait de mieux en défense, ce qui se fait de mieux en attaque, ce qui se fait de mieux tout court. Jamais depuis les Dolphins parfaits de 72 une franchise avait autant dominé la ligue des deux côtés du ballon. Ancien Heisman Trophy, receveur moyen reconverti en retourneur brillant, Desmond Howard établit un nouveau record de yards sur retour de punt (875) et marque 3 fois. Un joker de luxe. Le danger vient de partout. Il est omniprésent.
Au premier tour, les 49ers sont croqués tout cru. Les côtes froissées au premier tour face aux Eagles, Steve Young ne tient pas le 1er quart temps et les Packers, portés par une défense et des équipes spéciales survoltées, dégoûtent les chercheurs d’or malgré un Brett Favre muselé comme rarement (juste 79 yards). Une semaine plus tard, les Panthers encore au biberon et en culotte courte ne font pas le poids. Ils n’ont qu’un an et pas les épaules assez larges. Pour la première fois depuis le Super Bowl XXVI, la NFC enverra un champion autre les Niners ou Cowboys défendre ses couleurs et maintenir son incroyable série au Big Game.
Pour réécrire leur histoire, il leur faudra disposer de Pats eux aussi tombés dans l’oublie depuis près d’une décennie. Depuis leur volée XXL du Super Bowl XX, les hommes de La Nouvelle-Angleterre ne se sont toujours pas remis de leur gueule de bois. Raymond Berry parti, ses deux successeurs échouent lamentablement et Bill Parcells débarque de la Grosse Pomme en 93 avec un boulot monstre à abattre pour redresser une franchise en pleine dépression. Car si les Pats empilent les Rookies Offensifs de l’Année, leurs apparitions en séries sont rares et souvent expéditives. De 1986 à 95, ils ne se qualifient que deux fois. Deux apparitions et deux défaites. Pourtant, un avenir doré se profile à l’horizon dans la baie de Boston. Les dynasties californienne et texane ont rendu leur dernier souffle. Il y a un vide à combler. Et comme la nature, la NFL a horreur du vide.
Malgré une première campagne qui se solde par 11 revers pour les Patriots de Parcells, les progrès sont là. Les défaites sont toujours aussi nombreuses, mais nettement plus serrées. Terriblement frustrant, mais ô combien encourageant. Drew Bledsoe et Chris Slade en 93, Willie McGinest un an plus tard, New England se forge une nouvelle identité. En janvier 1994, Robert Kraft rachète la franchise pour la somme délirante de 200 millions de dollars. Délirante, car les Pats ne valent pas un clou : à la rue sportivement, dépourvus de véritables talents accomplis, coincés dans l’un des pires stades de la ligue, incapables de le remplir, presque systématiquement privés de diffusion TV locale, banlieusarde, la franchise vit dans l’ombre des mythiques Bruins, Celtics et Red Sox. Des voisins bourges et encombrants, même lorsque l’on représente le sport béni de la patrie de l’Oncle Sam. Mais le milliardaire natif du Massachusetts s’en fou. Il les veut. Peu importe le prix.
Bill Parcells est couronné Coach de l’Année, l’équipe remporte 10 rencontres, se qualifie en séries, les blackouts TV deviennent de mauvais souvenirs du passé, le stade est toujours aussi pourri, mais il sonne nettement moins creux, le football fait de nouveau parler de lui dans le grand Boston. Mais faiblement. L’année suivante, malgré un Curtis Martin sacré Rookie Offensif de l’Année, les Pats rechutent, perdent 10 fois et s’évitent une nouvelle élimination précoce en playoffs. Il manque un petit quelque chose pour enfin franchir un cap. Et ce petit quelque chose, Bill Parcells va aller le chercher dans ses vieux tiroirs. Ancien coordinateur défensif des Giants sous ses ordres, Bill Belichick débarque à Foxboro pour devenir coach assistant et prendre les defensive backs sous son aile bienveillante. Plus qu’un fin tacticien, ce cher Bill va également permettre de cimenter la relation explosive entre le head coach et le proprio depuis une draft volcanique. Déterminé à sélectionner un joueur de ligne défensive, Bill Parcells est désavoué par son proprio, qui donne carte blanche au patron des recruteurs Bobby Grier et jette finalement son dévolu sur la star des Buckeyes Terry Glenn, couronné meilleur receveur universitaire en 95. Fou de rage, le coach fait irruption dans la war room et balance une bombe : il ne restera pas une saison de plus dans la banlieue de Boston. 1996 sera sa dernière. Ambiance, ambiance. Belichick devient le médiateur entre les costards-cravates et les joggings. La goupille sur une grenade prête à exploser.
Pourtant, si malgré l’atmosphère électrique tout se met tranquillement en place et offre de jolies promesses à l’orée de la saison 96, rien ne va sur le terrain et les Patriots s’inclinent piteusement d’entrée face aux Dolphins et Bills. Un faux départ, puis la franchise de La Nouvelle-Angleterre affute ses fusils et tire à feu nourri. Du reste de la saison, ils ne s’inclineront que 3 fois. 11-5. Leur meilleur bilan depuis 10 ans. Le même que l’année où ils avaient découvert leur premier Super Bowl. 7e attaque au nombre de yards conquis, seuls les Packers inscrivent davantage de points qu’eux. Portée par un duo Drew Bledsoe/Terry Glenn aérien, le jeu à la passe est le 3e plus conquérant de la ligue. Le quarterback balance 4086 yards, 27 touchdowns et 15 interceptions au terme d’une saison aboutie. Rookie, Glenn signe 90 réceptions records, gratte 1132 yards et marque 6 fois. Devenue l’une des cibles préférées de Bledsoe depuis quelques saisons, le tight end Ben Coates ajoute 682 yards et 9 touchdowns pendant que Shawn Jefferson échoue à 29 unités de la barre des 800. Au sol, la future légende des Jets Curtis Martin et sont style enlevé glanent 1152 yards et 14 touchdowns.
À seulement 25 ans, Willie McGinest a déjà tout d’un grand et donne le tempo d’une défense bourrée de jeunes talents qui ne demandent qu’à exploser. En route vers Hawaï, le linebacker rafle 49 plaquages, 9,5 sacks, recouvre deux fumbles et remonte une interception 46 yards jusqu’en Terre Promise. Dans le fond du terrain, deux gamins qui découvrent la NFL comme des morts de faim. Plaquages, interceptions, sacks, fumbles, Ty Law et Lawyer Milloy sont dans tous les bons coups, bien épaulés par leur chef de meute, Willie Clay. Au premier tour, Curtis Martin, natif de Pittsburgh et ancien coureur des Panthers de Pitt, écœure les Steelers au terme d’une prestation de Monsieur. 166 yards jamais vus dans l’histoire des Pats, 3 touchdowns, une course folle de 78 yards, du grand art. En finale de l’AFC, ils brisent le rêve de Jaguars insolents, tombeurs des Bills de Jim Kelly et des Broncos de John Elway sur un score identique (30-27) pour leur première aventure en séries. Deux ans plus tôt, ils n’existaient même pas. Face aux Patriots, ils n’existeront jamais vraiment. Robert Kraft peut sourire, ses 200 millions commencent enfin à payer.
Tout feu, tout flamme
Reconstruction payante. Bonne gestion récompensée. Un puissance émergente. Un sérieux candidat au titre dans les années à venir. Que dalle. Pour la plupart des observateurs, les Patriots sont le conte de fée de la saison. Une jolie histoire sans lendemain. Un one night stand. Rien de plus. 14 points, c’est l’écart qui les sépare des Packers aux yeux des bookmakers. Ne comptez pas sur eux pour redorer le blason boueux d’une AFC incapable de gagner le moindre Super Bowl depuis des plombes. Surtout, à quelques jours du match de leur vie, voilà que resurgit la guéguerre entre Robert Kraft et Bill Parcells. La tête ailleurs, visiblement loin de La Nouvelle-Orléans, le coach potasse déjà ses options pour l’avenir et à 6 jours du Big Game, le Boston Globe sort une bombe : le stratège des Patriots serait en pourparler avec les Jets. Trahison. Distraction. Timing épouvantable.
« Oui, je dirais que ça a pu légèrement nous déconcentrer au final, » concédera Belichick. « Je peux vous l’assurer, il se passait un paquet de choses dans les jours précédant le match. Il échangeait avec d’autres équipes, ça n’est pas rien tout de même. Il essayait de se décider sur son avenir, ce qui, honnêtement, était parfaitement inapproprié. Combien de fois dans une vie as-tu la chance de disputer un Super Bowl ? Qu’il leur dise de rappeler dans quelques jours. »
Sur l’astroturf du Superdome, théâtre funeste de leur débandade du Super Bowl XX face aux Bears, les Pats, comme les Packers, arborent sur leur casque une vignette en hommage à Pete Rozelle, ancien commissionner pendant près de 30 ans, disparu le 6 décembre 1996.
À l’inverse de Patriots embourbés dans une préparation chaotique, qui aura davantage fait de place à l’égo de Bill Parcells qu’à l’élaboration d’un vrai plan de match, les Cheesers sont appliqués, concentrés comme jamais. Un stop en défense d’entrée de jeu, un joli retour de 32 yards du virevoltant Desmond Howard, un ajustement pré-snap malin de Brett Favre et sur le deuxième jeu offensif de la partie, le quarterback balance une minasse délicieuse dans les mains de son meilleur pote, Andre Rison. 54 yards plus loin, le receveur peut danser dans la peinture rouge pendant que le passeur exulte comme un gosse, arrache son casque et se met courir comme une dératé en le brandissant. Clic clic, clic clic. Le cliché du match.
« Brett a changé le jeu, » confiera Mike Holmgren après la rencontre. « Il a vu le safety s’avancer et a changé l’action. Je ne lui en veut pas de faire ça tant que ça réussit. Il a réalisé une passe parfaite. »
On joue depuis moins de 4 minutes et les Pats ont déjà encaissé plus de touchdowns qu’ils n’en avaient concédé jusque là en séries. À peine le temps de souffler, Doug Evans intercepte Drew Bledsoe et Brett repart à la guerre. Sur la première action, il se mange les deux mètres de Ferric Collons en pleine face et recule de 10 yards. Dorsey Levens réduit la distance tant bien que mal sur les deux phases suivantes et Chris Jacke ajoute 3 points de 37 yards. 10-0.
Dans un match lancé à mille à l’heure, les Patriots et leurs magnifiques uniformes blancs de l’époque répliquent avec l’artillerie lourde. 32 yards tout en puissance du fullback Keith Byars sur une passe écran, 20 de plus sur un lancer éclair dans les mains de Curtis Martin, trois passes ratées consécutives gommées par une interférence défensive qui pose le cuir sur la ligne de un et Bledsoe débusque Byars dans le fond de la endzone. La défense force un three-and-out supersonique et New England récupère déjà le ballon sur ses 47. Drew dégaine une passe de 44 yards dans les bras de Terry Glenn et envoie Ben Coates batifoler dans la peinture. 10-14. Au terme du premier quart-temps le plus prolifique de l’histoire du Super Bowl, les Pats sont devant. On ne s’ennuie pas, on en redemande.
Le temps d’un rapide échange de punts, tout le monde reprend sa respiration. Le calme avant la tempête. En une passe, Brett Favre fait gronder le Superdome. Sur un nouvel audible de génie, Antonio Freeman se retrouve tout seul sur la droite du terrain. Le quarterback ajuste sa passe à la perfection, le receveur fout les gaz et s’envole 84 yards plus loin au terme du plus long touchdown aérien de l’histoire du Big Game. Neutralisé sur la possession suivante, Bledsoe se fait envoyer au tapis par un LeRoy Butler qui n’a besoin que d’un seul bras pour expédier le quarterback 9 yards en arrière. Toujours aussi électrique, Desmond Howard remonte le cuir sur 34 yards jusqu’à la ligne de 47 des Pats. Rison bondit de 23 yards dans les airs, Levens en enjambe 12 au sol et le kicker jaune et vert creuse l’écart. 20-14.
Après s’être donné un peu d’air sur une passe de 19 yards dans les mains gantées de son tight end, Drew Bledsoe aperçoit Shawn Jefferson s’envoler vers la redzone, écrase la gâchette et envoie le ballon dans les bras du safety Mike Prior. Brett Favre et Antonio Freeman donnent le ton avant de laisser Levens mener la charge au sol. Au bout de 9 jeux, 74 yards et près de 6 minutes de possession, le passeur comble les deux derniers yards au pas et capitalise sur la deuxième erreur des Patriots. 27-14. Avec 71 secondes à jouer, les joueurs de Foxboro tentent le tout pour le tout, mais se heurtent à la muraille du Wisconsin. Un petit yard au sol, 7 dans les airs, une passe ratée, une seconde. Turnover on downs. Les Packers ont 19 secondes pour tuer tout suspense avant la pause. Il n’en est pas question pour Willie McGinest. Le linebacker offre un free hug à Brett Favre. Pause fraîcheur. Quel match !
Brett Fable
Reposés, rechargés, mais pas rassasiés par leur casse-dalle d’ogre du premier acte, les Cheesers attaquent le second acte avec le même appétit de glouton. Sur un 3e et un à 37 yards de l’en-but, Levens est séché net. 4th down. Mike Holmgren et sa moustache se concertent brièvement et en viennent rapidement à un verdict : Let’s go for it ! Raté. Le coureur est renvoyé 7 yards en arrière. Turnover on downs. Les défenses cassent l’enthousiasme des attaques. Punt. Sack. Punt. Puis la rencontre s’emballe de nouveau. Au terme d’une courte série, Curtis Martin transperce la défense du Wisconsin, résiste aux plaquages et plonge dans la peinture jaune et verte. De sa position de commentateur, John Madden sent la chaleur monter, la faute à un système d’air conditionné souvent masqué par des banderoles en tout genre. Chaud dans les tribunes, bouillant sur le terrain. Sur le coup d’envoi, la fusée Desmond Howard s’envole dans les étoiles. 99 yards plus loin, il peut s’arrêter net, jouer les robots et se frapper la poitrine de joie. Mark Chmura ajoute deux points dans les airs et les Packers prennent deux possessions d’avance. 35-21.
Spectacle jubilatoire. Orgie de football offensif. Match haletant. Après avoir joué les sparring-partners pendant 45 minutes, les défenses s’invitent à la fête et font le mur de Berlin. On ne marquera plus le moindre points. Dans un quatrième quart-temps anecdotique, les minutes s’écoulent lentement, inexorablement, dans une dernière période qui permet à Reggie White de s’offrir un deuxième puis un troisième sack. Punt, punt, punt, interception de Drew Bledsoe, field goal raté, punt, punt, interception de Drew Bledsoe, quarterback kneel une fois, quarterback kneel deux fois, coup de sifflet final. Au terme d’une année riche en émotions, Brett Favre le poupon savoure le plus beau jour de sa vie. Un jour que l’on ne pourra jamais lui enlever.
« Malgré toutes les épreuves, j’ai toujours su que je me retrouverais ici aujourd’hui, » confie-t-il devant les micros après le match. « Ici, dans cet escalier, à vous parler de notre titre de champions du monde. Mon meilleur ami s’est envolé pour toujours (décédé durant la saison, ndr), et l’avenir ne sera certainement pas tout rose, mais on ne pourra jamais m’enlever ce moment. Dans 30 ans, pendant que les gamins seront en train d’attendre le Super Bowl LXI, NFL Films ressortira Steve Sabol — il aura pas loin de 102 ans à ce moment-là — et il racontera comment Brett Favre a su braver l’adversité. Il y aura bien d’autres joueurs et coachs, mais je sais une chose : nous nous sommes taillé une place dans l’histoire aujourd’hui. »
Après des années ineptes, Green Bay renoue avec l’Histoire. Celle avec un grand « H ». Celle qui compte. Celle dont on se souvient. Le Trophée Vince Lombardi rentre à la maison. À deux doigts de raccrocher un an plus tôt après des passages ratés à D.C. et Jacksonville, Desmond Howard est couronné MVP. Déjà la tête ailleurs, jamais vraiment la tête à La Nouvelle-Orléans, Bills Parcells quitte lâchement le navire. Pendant que ses joueurs rentrent tête basse à Boston, le coach file dans une autre direction. Quelques jours plus tard, il s’engagera avec les Jets. Une sortie par la petite porte. Sans classe. Indigne.