
À chaque intersaison la question est la même : de combien d’argent disponible dispose chaque équipe de NFL pour signer des agents libres ? Et comment fonctionne exactement le « Salary Cap » ?
Alors que la saison NFL commence officiellement ce mercredi, et que les contrats vont être signés dans les heures à venir, vous trouverez ici un guide pour vous aider à comprendre les bases de ces calculs.
A. Le Salary Cap NFL, la base du calcul
Si nous voulons être direct, le calcul de la masse salariale disponible est le suivant :
Plafond salarial (« salary cap ») – dépenses liées aux contrats des joueurs («cap spending ») – argent perdu (« dead money ») = masse salariale disponible (« cap space »)
1. Le plafond salarial (« salary cap »)
Le plafond salarial est le montant que les équipes sont autorisées à dépenser pour payer les salaires des joueurs. La raison est simple : chaque équipe a exactement le même budget, alors chaque équipe est sur un pied d’égalité.
Le plafond de salaire exact est défini par l’Association des joueurs (NFLPA) dans la Convention de négociation collective (CBA). Si le calcul est complexe, la règle générale est assez simple : toutes les sources de revenus, y compris les contrats de télévision, les ventes de marchandises et les ventes de billets, sont additionnées et réparties entre les 32 équipes. En moyenne, 48% de ces revenus sont pour les joueurs (Salary cap & Benefit).
Lorsque le plafond salarial a été introduit en 1994, il était fixé à 34,6 millions de dollars. Il est pour 2024 de 279.2 millions de dollars. Il n’existe pas d’exception comme en NBA, le cap est un « hard cap » non-négociable.
Cependant deux éléments peuvent modifier le cap individuel des franchises :
- Une franchise peut reporter un cap non utilisé sur l’année suivante en faisant la demande le jour après le dernier match de saison régulière ;
- Le second est relatif aux primes (« incentive »), nous y reviendrons par ailleurs.
On parle alors de masse salariale ajustée, ou « Adjusted Salary Cap ».
Si la logique du plafond salarial implique un maximum de dépenses, il existe également un minimum à respecter. Les 32 équipes doivent dépenser au moins 89% de leur plafond en cash, cependant le calcul ne se fait pas sur une saison. Cette exigence doit correspondre au montant moyen dépensé sur une période de quatre ans. C’est pour cela qu’une équipe ne va pas forcément reporter son cap libre d’une saison sur l’autre.
La deuxième exigence est que la ligue dans son ensemble doit dépenser 95% de son espace total maximum. Le pourcentage moyen des dépenses plafonnées doit atteindre 95% chaque année, sinon le reste de l’argent sera remis aux joueurs. La règle des quatre ans s’applique aussi sur ce calcul.
2. Dépenses liées aux contrats des joueurs (« cap spending »)
La composante la plus complexe du calcul est sans doute l’évaluation de l’impact du contrat d’un joueur sur la masse salariale. Un contrat se décompose en plusieurs catégories :
– Le salaire
Le salaire de base d’un joueur est ce qu’il gagne chaque année sur une base fixe, hors bonus et primes. Si une équipe libère un joueur, elle cesse de payer le salaire du joueur mais pourra générer de l’argent perdu à cause de cette décision (plus de détails ci-dessous).
– Bonus
Un joueur peut gagner plusieurs types de bonus.
Un bonus à la signature est ce que l’on appelle l’argent garanti (« guaranteed money »). Il s’agit de l’argent qu’un joueur gagne juste pour la signature d’un contrat. Les bonus de signature sont généralement répartis sur toute la durée du contrat (dans un maximum de 5 ans), mais si un joueur est libéré, l’équipe aura quand même la charge de ce bonus qui a déjà été payé.
Ensuite, il y a les bonus d’effectif (« roster bonus »), qui sont ce qu’un joueur peut gagner s’il est toujours dans l’équipe durant la saison ou s’il est présent à un moment particulier (camp d’entraînement, saison régulière etc…). Ces primes sont versées annuellement, selon les termes du contrat et affectent le salary cap.
– Les primes (« incentives »)
Il existe deux types de prime, qui récompensent l’atteinte de certains objectifs. Les premières sont les primes « susceptibles d’être gagnées » (LTBE). Ces primes comptent dans le plafond salarial au début de la saison, mais si le joueur ne gagne pas la prime, l’équipe conserve l’argent et l’espace correspondant à la limite est reporté à la saison suivante.
Une prime « non-susceptible d’être gagnée » (NLTBE), ne compte pas dans le plafond salarial, mais est attribué au joueur tout de même.
Comment un bonus est défini comme susceptible d’être gagné ou non ? C’est lié aux performances des années précédentes.
Exemple : le joueur X gagne 100 000 dollars chaque saison s’il participe au Pro Bowl. Il a raté le Pro Bowl en 2022 et sa prime était donc « non susceptible d’être gagnée ». Le joueur X a participé au Pro Bowl lors de chacune des deux dernières saisons (2023,2024). Cette prime est considérée en 2025 comme « susceptible d’être gagné ».
3. Argent perdu (« dead money »)
Le principe d’argent perdu fait référence au salaire qu’une équipe a déjà payé ou s’est engagé à payer (c’est-à-dire une prime à la signature, un salaire de base entièrement garanti, des primes gagnées, etc.), mais n’a pas été imputé au plafond salarial.
En termes commerciaux, il s’agit essentiellement d’un « coût irrécupérable ». Tout argent qu’une équipe verse à un joueur doit être comptabilisé dans le plafond salarial. Par exemple, imaginons qu’un joueur signe un contrat de 3 ans dont le salaire est intégralement garanti. Si le joueur est libéré au bout d’une seule année, cette charge sera quand même imputée à la masse salariale de l’équipe durant l’année en cours. Si c’est un départ à la retraite, cela sera un peu différent car la franchise peut récupérer une partie de la somme en fonction des situations (« Barry Sanders rule »). Il faut pour cela que le joueur prenne sa retraite de façon inattendue et qu’il reste plusieurs années de contrat, nous n’allons pas aller plus loin car il existe un système d’arbitrage complexe qui n’apportera pas plus d’informations ici.
Il existe un moyen de réduire cette limite dans une saison en cours. Les équipes peuvent répartir le plafond touché pendant deux saisons (l’actuelle et la suivante) en libérant ou en échangeant un joueur après une date limite (1er juin actuellement) si le joueur a encore plus d’un an de contrat. Les équipes peuvent désigner 2 joueurs par an pour être traités comme des coupes après 1er Juin (post June 1st) même s’ils sont coupés avant.
B. Autres spécificités
1. Les restructurations de contrat
C’est quelque chose que vous entendez chaque année : le joueur X a restructuré son contrat, ce qui libère X millions de masse salariale pour la franchise. Sauf que cette phrase est incomplète car, comme le dit Antoine Lavoisier : « rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme ».
Quand un joueur restructure son contrat, le contrat est repoussé sur les années suivantes, il ne disparaît pas. Il n’existe que très peu d’exemples de joueurs acceptant de gagner effectivement moins, et peuvent être considérés comme des exceptions.
Une restructuration simple consiste à transformer un salaire en bonus garanti. Le joueur obtient donc plus de garanties (et du cash immédiatement en général), et la franchise peut étaler la dépense comme un bonus de signature « classique » (voir plus haut).
2. Les Void Years
Un autre système complexe est celui des void years, processus adoré par certaines franchises comme les Eagles. Ce système consiste à ajouter à la fin d’un contrat des années fantômes pour étaler le bonus à la signature sur une plus longue période.
Cependant cette possibilité n’est évidemment pas sans conséquence, puisque si le joueur ne signe pas d’extension et arrive en fin de contrat alors les voids years deviennent de la dead money. Voila pourquoi les Eagles sont également chaque saison dans le top 5 des équipes ayant le plus de dead money, car ils « payent » le prix de cette politique à grande échelle.
3. Minimum de salaire
Lorsqu’un joueur signe un contrat, il existe un montant minimum qu’il doit toucher. Cela dépend du nombre de saisons disputées par le joueur. Une saison est considérée comme effectuée si le joueur a passé plus de 6 matches sur le roster, en IR (Blessure) ou en PUP (Blessure lié au football en dehors de la saison). Le seuil minimum pour 2025 est de K€ 840 pour un rookie, et au maximum M€ 1.255 pour un joueur qui a 7 saisons en plus. Chaque saison offre un salaire garanti plus élevé.
C. Illustration pratique
Commençons par un exemple simple, avec un contrat d’une année. Le Joueur X a été signé par une franchise selon le contrat suivant :
Année | Salaire | Bonus | Prime d’effectif | Dépenses liées aux contrats | Argent perdu | Économie de masse salariale |
2025 | $5,000,000 | $4,500,000 | $468,750 | $9,968,750 | $9,500,000 | $468,750 |
On voit que le joueur a un salaire de 5 millions, un bonus de 4,5 millions et un bonus s’il est présent dans l’effectif pendant la saison de 468 750 dollars. La prime est considérée comme susceptible d’être gagnée car on présume que le joueur sera toute la saison dans l’équipe.
Imaginons que le joueur est libéré pour une raison ou une autre avant la saison, les 9,5 millions de salaire et de bonus seront considérés comme de l’argent perdu car garantis, alors que le bonus de présence est lui récupérable et permettra de libérer de la place dans la masse salariale.
Prenons maintenant un exemple plus complexe avec le joueur Y, signé par une franchise :
Année | Salaire | Bonus | Prime d’effectif | Prime d’effectif | Autre bonus | Argent garanti |
2025 | $2,000,000 | $2,000,000 | $4,000,000 | $468,750 | $500,000 | $6,000,000 |
2026 | $8,500,000 | $2,000,000 | $4,500,000 | $500,000 | $0 | $13,000,000 |
2027 | $8,000,000 | $2,000,000 | $3,000,000 | $500,000 | $0 | $0 |
2028 | $9,500,000 | $2,000,000 | $3,000,000 | $500,000 | $0 | $0 |
Année | Dépenses liées aux contrats | Argent perdu | Économie de masse salariale |
2025 | $8,968,750 | $27,000,000 | -$18,031,250 |
2026 | $15,500,000 | $19,000,000 | -$3,500,000 |
2027 | $13,500,000 | $4,000,000 | $9,500,000 |
2028 | $15,000,000 | $2,000,000 | $13,000,000 |
Sur un contrat sur plusieurs années le calcul de l’impact sur la masse salariale reste le même que pour un contrat simple, ainsi l’impact de Y sur les finances de la franchise en 2025 est de 8 968 750 dollars, qui correspond à l’addition du salaire, des bonus et des primes. C’est dans le calcul de l’argent perdu que le calcul devient plus complexe, notamment car Y bénéficie d’argent garanti sur les deux premières années.
Si la franchise décidait de se séparer du joueur Y avant le début de la saison, l’argent perdu s’élèverait à 27 millions de dollars se décomposant de la manière suivante :
- Argent garanti pour les années restantes du contrat, soit 19 millions de dollars
- Le bonus de 8 millions est lui aussi garanti car versé à la signature. Pour le calcul de l’impact sur la masse salariale il est étalé sur 4 ans mais cela ne change pas son caractère obligatoire.
Ainsi, sur l’année 2025, la conséquence de cette opération ne conduirait pas à une économie d’argent, mais au contraire la masse salariale serait plombée de plus de 18 millions d’euros.
Autre hypothèse : on considère que la franchise décide de se séparer de Y avant le début de la saison 2027. À ce moment-là il n’existe plus de salaire garanti, car ce dernier a impacté la masse salariale 2025 et 2026. Ne reste alors plus que le bonus proratisé (et précédemment versé à la signature) qui s’élève à 4 millions (2 millions par année restante). Dans ce cas de figure l’économie de masse salariale est de 9,5 millions de dollars, cette économie correspondant à la différence entre le montant du contrat de Y s’il était resté moins l’argent perdu.
Vous avez maintenant les bases du calcul du salary cap. Si certaines notions ont été volontairement simplifiées pour permettre une meilleure compréhension, cela vous donne quand même les bases pour comprendre le système.