[Statistiques avancées] Le receveur est-il plus important que le lineman offensif ?

Après avoir choisi son quarterback, faut-il prendre un receveur ou un lineman pour l'aider ? On essaye de répondre à cette question.

13 février 2021, Los Angeles

Il reste 43 secondes à jouer dans ce Super Bowl, en 4eme & 1 sur les 49 yards adverse, Joe Burrow a une première balle de match entre les mains.

Le ballon est snappé, Ja’marr Chase s’élance face à Jalen Ramsey sur un tracé fade le long de la touche. Au bout de 10 yards la différence est faite. Burrow lève tête avant d’heurter le gazon. Une catastrophe naturelle vient de s’abattre sur lui. L’ouragan Aaron Donald a eu besoin d’une demi seconde pour enfoncer le guard gauche, fondre sur le quarterback et célébrer la bague qu’il vient de conquérir. Une action symbolique du calvaire de Cincinnati ce soir là.

De quoi relancer le débat Ja’Marr Chase/Penei Sewell, qui avait animé l’intersaison 2021, après que les Bengals aient choisi de renforcer leur corps de receveur plutôt qu’une ligne offensive en difficulté ? Sans doute pas, mais après deux années consécutives où l’équipe perdante du Super Bowl se fait exposer au niveau des lignes, il y a matière à discuter sur la construction de roster.

Ligne offensive ou receveur, quelle unité est telle la plus importante pour participer au bonheur de son lanceur ? Plongeons dans le monde merveilleux des statistiques pour essayer d’y répondre.

Quarterback et temps de lancer

Instinctivement, une bonne ligne permettrait à n’importe quel quarterback de posément attendre la libération de ses receveurs. Un cornerback NFL aussi bon soit-il aura de plus en plus de difficultés à garder un receveur d’autant plus quand celui-ci, arrivé au bout de sa route, commence à improviser.

Cette idée est renforcée par la flopée de quarterback mobiles qui inondent la ligue depuis que Russell Wilson a été drafté. Résumer les Patrick Mahomes, Joe Burrow et compagnie à des opportunistes incapables de lire une défense et attendant une ouverture serait les insulter. Il n’empêche que la mobilité permet à un jeune lanceur de performer dès ses premières années sans attendre la maturité nécessaire à la dissection tactique de chaque défense.

L’idée serait donc que plus un quarterback arrive à garder le ballon, aidé par sa ligne et sa mobilité plus il serait capable de trouver un receveur ouvert.

Les EPA (Expected Points Added) seront utilisés dans cet article, une explication détaillée est fournie ici. Ce qu’il faut retenir est que les EPA par jeu quantifient la performance d’une attaque comme peuvent le faire les yards par jeu et qu’un bon jeu génère des EPA supérieurs à zéro.

Si l’on compare l’issue de chaque jeu en fonction du temps de lancer du quarterback, c’est à dire le temps entre le début du snap et le moment où le ballon quitte ses mains, on remarque que passé 3 secondes, les résultats du jeu en cours deviennent négatifs.

Le résultat n’est pas vraiment surprenant car ici n’ont pas été isolé les jeux où le quarteback est correctement protégé par sa ligne (tous les jeux de passe ont été considérés). Pour cela considérons les jeux qui ne finissent pas par un sack, et, parce que le QB est en partie responsable du nombre de sack qu’il subit, prenons également les jeux où il n’est pas sous pression.

Le pic d’efficacité est à peu près le même, aux alentours de 3,5 secondes, ce qui est le temps pour qu’un jeu se développe si des joueurs vont en profondeur. Ainsi si la valeur d’un jeu est maximisée quand la ligne tient plus de 3 secondes, au-delà de ça elle ne fait que diminuer quand on sort de la structure de base.

En revanche, l’efficacité reste particulièrement élevée pour les jeux sans pressions, ce qui tend à prouver qu’une bonne ligne permettrait en effet de trouver n’importe quel receveur peu importe leur niveau.
Mais est ce vraiment raisonnable de miser sur le fait qu’une ligne puisse tenir plus de 3 secondes sans concéder de pression de façon régulière ?

De plus, l’étude isole certes les jeux sans pressions, mais le quarterback et les receveurs ont une influence sur le temps de lancer.

Escouade et performance offensive

La question a pour l’instant été contourné, comparons frontalement l’impact de la ligne offensive et de l’escouade de receveurs sur les performances offensives de leur équipe sur une saison en étudiant leur coefficient de corrélation. (Pour rappel plus un coefficient de corrélation est proche de 1 plus la corrélation est importante).

Pour cela les notes d’escouade du site Pro Football Focus ont été utilisées. Bien qu’elle ne soient pas parfaites elles présentes plusieurs avantages :
1) Concernant la ligne offensive aucune statistique ne remontant aussi loin permet de quantifier le niveau des joueurs de lignes indépendamment des sacks qui sont une statistique biaisée comme nous l’avons déjà démontré. Le « Pass Block Win Rate » d’ESPN est intéressant mais n’est en place que depuis 2018.
2) Pour les receveurs, la difficulté est de prendre en compte les jeux où ils ne sont pas visés. Ce qui ne veut pas dire qu’ils ne se débarrassent pas de leur cornerback. PFF et le seul site qui fourni actuellement une note pour chaque route courue par un receveur.
3) Même si ces notes peuvent être imprécises pour comparer deux joueurs, ce n’est plus un problème dans une étude comme celle-ci qui utilise un très grand volume de données.

Le résultat est sans appel, la performance des receveurs est corrélée aux performances offensives de l’équipe avec une coefficient de 0,65 alors que pour la ligne offensive on tombe à 0,32.

Si les chiffres semblent en faveur des receveurs, une limite de cette approche est qu’il est sans doute plus difficile d’évaluer la performance des receveurs indépendamment de celle du quarterback qui est le joueur qui a le plus d’influence sur une attaque.

Qui faut-il drafter ?

Nous venons de parler des escouades de manière générale, mais qu’en est-t-il des joueurs à titre individuel. Si une équipe a le choix entre drafter un receveur ou un joueur de ligne offensive qui doit-elle choisir ?

Pour cette étude les receveurs ont pour chaque équipe été classés de 1 à 4 selon leur nombre de ciblage sur la saison. Les 5 joueurs de ligne ont été réparti selon leur performance en protection de passe.
La corrélation entre la performance de chaque joueur avec la production offensive de l’équipe a ensuite été étudiée.

Ce que l’on peut constater immédiatement est l’importance qu’ont les receveurs 1 et 2 sur la façon de jouer de l’attaque, bien plus que les linemen les mieux notés.

Le résultat étonnant est que c’est le plus mauvais joueur de ligne de l’équipe qui influence le plus les performances offensives. Mais est ce vraiment surprenant ?

Si un joueur laisse en permanence une porte ouverte au pass rush adverse, le quarterback sera menacé sur chacun de ces jeux peu importe la qualité des 4 autres hommes de lignes. La défense pourra en plus positionner son meilleur joueur en face de ce point faible.

A l’inverse, de par sa typologie de poste, les receveurs ont un ascendant sur la défense adverse. Ainsi le niveau d’une escouade de receveur est déterminée par son meilleur à l’inverse de la ligne offensive.

Conclusion

Les receveurs semblent plus importants au bon fonctionnement d’une attaque que les joueurs de ligne. Ce n’est pas un résultat binaire, il y a plein de façon de gagner en NFL, une équipe n’agira jamais mal en essayant de renforcer sa ligne.

Mais dans la construction d’un effectif, si il y a un jour un choix à faire entre un receveur et un joueur de ligne, il faut garder en tête que un bon receveur améliorera l’attaque instantanément alors qu’ajouter un bon linemen ne rendra pas les 4 autres meilleurs. Pour bien fonctionner une ligne a besoin de ne pas avoir de point faible évident.

Cet article a été rédigé par Clément Charvet. Pour retrouver les anciens articles de cette rubriques, il vous suffit de taper « statistiques avancées » dans l’onglet recherche du site.

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