[One-Year Wonder] Rex Grossman : Good Rex, Bad Rex

Plutôt P'tit Rex que Grand Rex

Le temps d’une saison, ils y ont cru. Le temps d’un match, ils ont tutoyé la gloire avant qu’elle ne les fuit inexorablement. Brutalement parfois. Une idylle sans lendemain. Un coup d’un soir. Un one-night stand. Des one-year wonders. Ces stars aussi éphémères que des étoiles filantes.

L’AVANT

Bloomington, Indiana. Une ville tracée à la règle dans les contreforts d’Indianapolis. C’est dans ce gros bled typiquement ricain, que Rex Grossman passe son enfance. Légèrement à l’écart, la famille vit dans un ranch paumé au milieu d’un gigantesque domaine d’une quarantaine d’hectares. Pendant que Rex Daniel Grossman III charcute les yeux de ses clients avec talent, Maureen, la matriarche, Ashley et Amy, les deux aînées, entraînent des pur-sangs arabes abonnés aux titres nationaux. Encouragé par son homonyme et coach de paternel, Rex Junior – que l’équitation emmerde royalement – découvre le football dès son plus jeune âge. À huit piges, pour son tout premier match de footeux modèle réduit sous les couleurs des Stone Ridge Arabian Cowboys, il claque un touchdown de 60 yards au sol dès sa toute première action. Pour Dan, la simple confirmation d’un talent presque génétique, lui dont le père à étrenner la tunique des Colts de Baltimore de 1947 à 1950 en tant que linebacker et kicker.

« Si vous êtes un Grossman à Bloomington, alors vous êtes destiné à devenir joueur de football, » s’enthousiasme-t-il.

Coureur pas maladroit durant ses années de primaire, sa mère nourrit d’autres projets pour son rejeton. Quand mini-Rex débarque au collège à onze ans, elle demande à son entraîneur et époux d’en faire son quarterback. Père aimant, coach exigeant, il va tout faire pour tirer le meilleur d’un fiston dont il ne doute pas une seconde du talent. « Le Docteur Grossman était un coach très très dur, » confirme un coéquipier de Rex à l’époque. Rendu lycéen, footballeur plus aguerri, l’ado prend ses aises sous les couleurs de Bloomington High School South. Senior, il catapulte plus de 3000 yards et 44 touchdowns. Dans une saison 1998 bluffante de maîtrise, il en distribue six en une seule rencontre et plante le clou du spectacle à gros coup de marteau en écrabouillant les Spartans d’Homestead High School en finale d’État de sa catégorie, dans un match à sens unique où il décoche cinq touchdowns. En trois ans chez les South Panthers, l’apprenti passeur balance 7518 yards, 97 touchdowns, atteint chaque fois la finale de conférence, décroche un titre et se bâtit une flatteuse réputation dans son État de toujours comme à travers tous les States malgré une discipline et un éthique parfois douteuses.

« C’était une sorte de Joe Namath, un type qui préfère juste s’amuser, » se souvient Mo Moriarty, son coach de l’époque dans les pages de Sports Illustrated« C’est un bon gamin, mais il est têtu. C’est le genre d’ado qui arrive à la bourre à l’école et se stationne sur la place du proviseur. »

Pourtant sous la pression, l’adolescent flegmatique cède la place à un quarterback létal qui se nourrit de l’adversité. Comme lorsque les fans de Martinsville High, écoeurés de se faire martyriser par Rex, coupent la lumière du stade en plein milieu d’un drive offensif de Bloomington. « C’était les pires de tous, j’adorais ça, » se réjouit rétrospectivement le joueur. Estampillé top 5 quarterback pro-style du pays par certains magazines spécialisés, Rex Grossman s’impose parmi les recrues les plus prometteuses à son poste. Et pas seulement. Sacré Joueur de l’Année dans l’Indiana par USA Today en 98, couronné Indiana’s Mr. Football, récompense remise au meilleur lycéen de tout l’État, il s’incruste sur tout un tas d’équipes types nationales toutes plus prestigieuses les unes que les autres et dans le top 15 des recrues toute position confondue de tout autant de classements. P’tit Rex ne manque pas de talent, ni de prétendants.

Abondamment courtisé dans tout le Midwest, il rembarre des programmes comme Purdue et Michigan pour une destination plus ensoleillée. Exotique presque. Contrairement à son padre et son grand-père, profitant d’un pedigree bien plus salivant que ses aïeux, il choisit la Floride et le marécage des Gators plutôt que les Hoosiers d’Indiana. Ou plutôt, il obéit sagement aux désidératas de son géniteur. En janvier 1998 pourtant, quand Dan donne un coup de fil au chargé de recrutement de l’Université de Floride, la réponse est aussi laconique que cinglante. « Nous ne recrutons pas dans l’Indiana. » À force d’insister, il décroche finalement une entrevue fin février. Là-bas, les deux Rex tombent sur Steve Spurrier, coach des Gators depuis près d’une décennie qui revient tout juste d’une petite virée de golf au Mexique. Ce qui aurait dû être un court échange d’une vingtaine de minutes va se transformer en entretient de près de quatre heures. Les deux parties s’échangent des bandes vidéos. Rex glisse la VHS de ses prouesses de lycéen dans le magnétoscope, pendant que Spurrier fait dérouler une cassette du match du titre des Crocos en 96. Déjà amoureux de l’attaque Fun ‘N Gun de Florida, Rexy est comblé par ce qu’il entend. Car si le discours et l’attitude du coach le séduisent, c’est davantage encore le système qui le fait trépigner d’impatience. Confiance en soi, bras canon, gâchette rapide, le tacticien n’est pas indifférent, le coup de foudre est mutuel. Quand Rex rentre de son spring break dans le Colorado le mois suivant, une offre de scolarité flanquée d’un alligator l’attend dans sa boîte aux lettres.

En 1999, redshirté pour sa première année de freshman, Grossman ne dispute pas la moindre seconde et doit se contenter de l’équipe réserve pour dégourdir son bras droit. Pour la première saison du nouveau millénaire, il se glisse vite dans le rotation, ne rate que le raout face aux Volunteers et profite des pépins physiques de Jesse Palmer pour être titularisé à sept reprises. Sept titularisations, six affrontements avec des gros calibres de la SEC, mais pas seulement. Partant en la finale de conférence face aux Tigres d’Auburn, il est aussi aux commandes pour le duel d’État avec les Seminoles de FSU. Intégré progressivement en attaque comme du lait dans la pâte à crêpe, impressionnant de maturité, il finit par démarrer les sept dernières rencontres de la saison. Pour son premier départ universitaire, Rexy claque un triplé dans une dérouillée face aux Tigres de Baton Rouge. Face à Auburn la semaine suivante, il sort le grand jeu et balance cinq touchdowns. Du jamais vu à Gainesville pour un freshman. Avec King Rex aux commandes, les crocos retrouvent le Top 10 et ne le quitteront plus de la saison malgré un revers face aux numéro trois de Florida State. En finale de la SEC, face à des Tigers d’Auburn qui décidément l’inspirent, il marque quatre fois dans les airs et devient le premier freshman à devenir MVP de la finale. Titulaire au Superdome de NOLA, cathédrale du Sugar Bowl, il ne peut empêcher les Gators de subir la loi de l’armada de Miami. Clap de fin sur une première campagne qui aura flirté avec le scénario de rêve jusqu’au bout. 

First-team All SEC, une première pour un quarterback débutant des Gators, il rafle une chiée de distinctions individuelles au terme d’une saison où il complète 61,8% de ses passes, empile 1866 yards et claque 21 touchdowns. Le meilleur total de toute la SEC et parmi tous les passeurs débutants du pays. En ne se gourant de mains que sept fois seulement, il assure un coefficient d’efficacité de 161,81, le meilleur de toute la conférence, le troisième meilleur de tous les States et la troisième meilleure marque de l’histoire pour un bizut. Oui, le gamin a du talent. Les belles promesses aperçues sur les terrains lycéens n’étaient aucunement de l’esbroufe. Et le meilleur reste encore à venir, malgré des lacunes évidentes dont son coach ne se cache pas.

« Il n’est pas encore suffisamment lucide pour faire les bons ajustements sur la ligne de scrimmage, » confie Spurrier dans les pages de Sports Illustrated en novembre 2001. « Il a tendance à courir vers la droite plutôt que vers l’avant et il n’est pas très bon pour rattraper ses propres fumbles. »

Le cahier de jeu bien intégré, les complicités tissées avec ses compères d’attaque, Rex va se hisser parmi les meilleurs passeurs universitaires de tout le pays à coup de perfs aussi régulières que scotchantes. Trop régulières pour qu’il s’agisse d’un simple coup de chance. D’un concours de circonstances. Quand bien même sa courbe d’apprentissage a encore de la marge. Encore faudrait-il qu’il se donne à fond.

« Il doit être meilleur à l’entraînement, ce n’est pas un très bon élève, » se désole son entraîneur.

First-team All America, finaliste de tout un tas de récompenses individuelles prestigieuses, Rex Grossman échoue d’un souffle dans la course au Heisman Trophy. Il est seulement le cinquième sophomore de l’histoire à finir deuxième. Malgré un bilan statistique trois fois plus impressionnant qu’Eric Crouch, il échoue à 78 voix du senior de Nebraska, ses 1510 yards, dix pauvres touchdowns et sept interceptions. Des broutilles à côté des 3896 yards, 34 touchdowns dans les airs, cinq au sol et 12 interceptions entassés par un Grossman jamais rassasié avec qui seul le glouton de Fresno State David Carr peut rivaliser. Aucun passeur ne tient sa cadence hebdomadaire de 354,2 yards par rencontre. En dehors de 290 longueurs face à FSU, il efface la barre des 300 unités à chacune de ses sorties et revisite une poignée de records. Gators, SEC, NCAA, Rex Grossman inscrit son nom en lettres d’or et signe quelques perfs d’anthologie. Comme ce safari sanglant face à Mississippi State où il claque 400 yards et cinq touchdowns dans un récital d’ordinaire réservé au cadre feutrés et cérémonieux des opéras. Expulsés du duo de tête après un revers face aux numéro cinq de Tennessee en clôture de la saison après avoir ouvert l’année en tête du classement, Florida se venge lors du Orange Bowl en croquant les pauvres tortues de Maryland grâce à une prestation léchée d’un Rexy qui signe quatre nouveaux touchdowns.

En 2002, l’estomac toujours assailli par un appétit vorace, Grossman apparait sur 993 actions, mais heurte un plafond de verre. Titulaire indiscutable, capitaine à sept reprises, le junior empile 3402 yards, doit se contenter de 22 touchdowns et se plante de maillot à 17 reprises. Un léger coup de mou. Portés par un nouveau coach après le départ de l’iconique Steve Spurrier pour les Bourgogne et Or de Washington, les hommes de Ron Zook sont moins souverains et achèvent la saison en quinzième position après l’avoir entamée au sixième rang. Malgré plus de 300 yards et deux touchdowns lors de l’Outback Bowl, il ne peut empêcher les Wolverines de Michigan de gâcher sa der universitaire. Grossman fait ses adieux au campus en brique rouge de Gainesville avec 23 victoires pour huit revers, 18 records de programme dans les poches, 9164 yards, 77 touchdowns, 36 interceptions et le 17e meilleur coefficient d’efficacité de l’histoire de la NCAA, le troisième de l’existence de la SEC. À l’échelle de Florida, de la conférence ou de l’ensemble du foot universitaire, il se glisse dans le top 10 d’une flopée de catégories, souvent en charmante compagnie. Convaincu d’avoir accompli tout ce qu’il pouvait accomplir dans le marécage floridien, Rex décide qu’il est temps d’aller se frotter aux adultes de la NFL plutôt que de tenter la saison de trop dans un programme en fin de cycle.

Carson Palmer, premier choix général frappé du sceau de l’évidence quelques mois après avoir été couronné Heisman Trophy. Byron Leftwich, légende de Marshall que les Jaguars sélectionnent en septième position avec la complicité de Vikings léthargiques qui laissent s’écouler tout leur temps imparti pour choisir leur pépite et perdent lamentablement leur place. Kyle Boller, passeur de Berkeley qui file dans le nid de Ravens en quête de stabilité au poste de quarterback. Puis Rex Grossman. Auteur d’un Combine épouvantable, il se taille par miracle une place au premier tour. Quatrième homme d’une cuvée de lanceurs qui ne restera pas dans les annales. Drafté en 22e position en 2003, l’ancien croco rejoint un effectif de Chicago abonné à la valse des quarterbacks. Kordell Stewart, l’ancien Steeler sur le déclin, Chris Chandler, le bourlingueur presque quadragénaire en quête d’un dernier frisson, et Rex et sa solide réputation dans la plus relevée des conférences universitaires. Trois hommes pour un poste.

Sous les ordres de Dick Jauron, Chicago semble en manque d’idées et de talent. Malgré une jolie campagne 2001 couronnée par treize succès porteurs de belles promesses, les Bears sortent d’un exercice à quatre victoires au goût terriblement amer, exilés dans le Memorial Stadium des Fighting Illinni. Pour leur première campagne dans un Soldier Field fraîchement remis au goût du jour, les Ours annoncent clairement la couleur : la parole est à la défense. Draftés juste après Rex, Charles Tillman et Lance Briggs rejoignent le Rookie défensif de l’année 2001, Brian Urlacher, dans une escouade défensive musclée qui fait vibrer le palpitant des légendaires Bears de 1985. L’audace et l’insouciance ou la prudence et l’expérience ? Le coach choisit la deuxième option et Rex Grossman est condamné à faire banquette pendant l’essentiel de la saison. Inactif ou privé de terrain jusqu’à la mi-décembre, il est finalement titularisé durant les trois dernières semaines, une fois les Nounours éliminés de la course aux playoffs et le paris de la vieillesse définitivement perdu. Place à l’avenir. Place à la jeunesse. Fébrile pour son dépucelage chez les pros, il prend suffisamment soin du ballon pour permettre à Chicago de battre petitement d’inoffensifs Vikings. Sept jours plus tard, il claque 249 yards, lance ses deux premiers touchdowns et sa première interception dans un nouveau succès pour du beurre face à Washington. Figurant à Kansas City, il achève sa première année dans la NFL sans touchdown, sans interception et avec seulement 31 minuscules yards en dix passes tentées dans une rencontre à sens unique.

Au début de l’année 2004, Jauron est à cours d’excuses et est mis à la porte de la caverne des Ours. Lorsqu’il débarque en provenance de St. Louis auréolé de sa réputation de fin stratège défensif, Lovie Smith ne tarde pas à faire de Grossman son titulaire. Un gage de confiance auquel le quarterback répond en balançant l’interception de la lose face aux Lions en ouverture de la saison après une piètre performance d’ensemble. La semaine suivante, un Thomas Jones intenable au sol lui offre sur un plateau une victoire de prestige sur la pelouse encore verte du Lambeau Field malgré un match tout juste potable où il a le mérite d’inscrire un touchdown et de ne lancer qu’une interception. Pour le reste, il n’a qu’à glisser le ballon entre les bras de son running back. Sept jours plus tard, il balance près de 250 yards et se flingue le genou en inscrivant un touchdown sur le synthétique de Minneapolis. Il ne rejouera plus de l’année. Une blessure qui soulève, déjà, des interrogations sur sa capacité à durer dans une ligue qui imprime sa marque sur les corps. Chad Hutchinson, Craig Krenzel et Jonathan Quinn s’y mettent à trois pour ne récolter que trois succès de plus et Chicago finit tout au fond d’une NFC Nord qui souffle sa troisième bougie.

Si collectivement 2005 va semer les germes d’une campagne 2006 électrisante, individuellement, l’année va virer au cauchemar pour Rex. Tout juste remis de sa blessure au genou, bardé d’un énième coordinateur offensif, il va salement se péter la cheville en présaison. Pendant que Kyle Orton rappelle à la face du monde qu’il n’a rien d’un quarterback professionnel, la défense continue de le paire passer pour un type potable et d’offrir quelques précieuses victoires. En convalescence, Rex devra attendre le jour de Noël pour connaître sa première titularisation de l’année, sept jours après un retour au jeu couronné de succès et sous les vivas d’une foule excitée de le revoir fouler le gazon du Soldier Field. Bras canon, audace, confiance, il est tout ce qu’Orton n’est pas. Sur la toundra de Green Bay, Grossman ne réinvente pas son poste pourtant. Engoncé dans un rôle de game manager qui lui convient de plus en plus et bride ses mauvaises habitudes, il profite des jambes de feu de Thomas Jones, des mains soyeuses de la paire Bernard Berrian-Muhsin Muhammad sur les quelques lancers approximatifs qu’il leur adresse et sur une défense dégoulinante de talent qui fait vivre un calvaire à Brett Favre. Un succès grâce auquel les Ours compostent leur billet pour les playoffs et s’adjugent la deuxième place dans la NFC. Au repos dans un match sans enjeu en clôture face aux Vikings, Rex galère comme un dingue pour son dépucelage des séries face aux Panthers de l’Undrafted Jake Delhomme. Un touchdown insuffisant, une interception coûteuse, un peu moins de 200 yards, l’ancien signal caller de Florida ne complète que 17 de ses 41 passes et Chicago prend la porte d’entrée. Reculer pour mieux sauter.

LE PENDANT

2005 n’aura été qu’une répétition générale pour cet effectif jeune et délibérément tourné vers la défense. Une défense agressive, une défense harassante, une défense qui marque des points et qui en concède peu. Une avarice qui va se confirmer dès le match d’ouverture dans la Baie des Puants. Appliqué, Rex Grossman délivre un touchdown sur une minasse plein centre dans les bras menus du longiligne Bernard Berrian. 48 yards plus loin, le receveur peut bien faire signe aux Cheeseheads de la boucler. On ne les entendra pas beaucoup ce jour-là. Dans la grisaille de Green Bay, s’en suit une séance d’entraînement de Robbie Gould. Le kicker enquille quatre coups de pied, Brett Favre et les Packers restent muets et un petit rookie drafté au deuxième tour en provenance de Miami fait passer un frisson en remontant un punt à dam sur 84 yards. Son premier, mais pas son dernier. On a pas fini d’entendre parler de Devin Hester. Une semaine plus tard, rassuré par une défense qui ne laisse rien passer, Grossman lâche les chevaux et s’essuie les sabots sur de pauvres Lions qui n’avaient rien demandé. 74% de passes réussies, 289 yards, quatre touchdowns et pas la moindre interception dans le match le plus abouti d’une carrière qui semble enfin décidée à démarrer. Un match qui illustre à lui seule le style du bonhomme. Un fou de la gâchette accro aux longues passes à haut risque. Un style fou fou qu’il doit à son idole de jeunesse, Brett Favre, et qui lui doit d’entasser les turnovers à un rythme aussi effréné que problématique. Un style agressif que certains de ses coachs on savamment entretenu. 

« Coach Spurrier m’a instigué ça, si le gros jeu est là, ne regarde même pas tes solutions de secours, » confesse-t-il au Atlanta Journal-Constitution en 2017. « C’est un peu comme si j’étais né pour être ce genre de joueur. J’ai toujours voulu claquer des trois points au basketball et frapper des home runs au baseball. Je ne sais pas trop pourquoi, c’est juste comme ça que je suis. »

Un style de casse-cou qui peut vous faire sauter de votre canap sur une bombasse pleine de cojones avant de vous faire éteindre votre téloche sur un parpaing en triple couverture qui atterrit inévitablement dans les mauvais bras. Comme à Minneapolis le week-end suivant. Intercepté deux fois, il se fait pardonner son pick-six en signant le touchdown de la gagne dans les deux dernières minutes. Appliqué face à Seattle et Buffalo, il peut compter sur le volume gargantuesque de la paire Thomas Jones-Cedric Benson au sol pour enchaîner ses quatrième et cinquième succès consécutifs. Même lorsqu’il balance quatre interceptions dans l’Arizona, la défense et les jambes de feu de Devin Hester se chargent de lui sauver les miches dans le dernier quart d’heure. La marque des grandes équipes. La marque d’un équipe intelligemment bâtie surtout. Consciente de ses faiblesses comme de ses points forts.

Le premier coup d’arrêt collectif intervient tout début novembre. Surpris à domicile par d’inoffensifs Dauphins qui n’avaient pourtant décroché qu’une victoire jusque là, les Bears ne voient pas le jour en attaque. Rex ne complète pas la moitié de ses passes, est intercepté trois fois et balance un touchdown dans les mains du linebacker Jason Taylor. Trois touchdowns dans les airs, une perf à trois décimales au sol pour Jones, la folie Devin Hester et ce premier accro est vite envoyé aux oubliettes dès la semaine suivante sur le terrain de petits Giants. Le dimanche suivant, les Bears concluent leur étape new-yorkaise en se défaisant de Jets accrocheurs dans une gabegie de football où Grossman inscrit le seul touchdown du match dans les premières secondes du dernier quart pendant que la défense de l’Illinois réduit les hommes d’Eric Mangini au silence. Suivent deux prestations lamentables aux destins contrastés. Trois interceptions sans touchdown et une défaite en Nouvelle-Angleterre. Trois interceptions sans touchdown, mais une victoire face aux Vikings malgré un match abjecte où Rex ne complète que six de ses 19 passes pour 34 pathétiques yards. Encore une fois, Rex peut dire merci à une défense qui donne la gerbe à un trio de quarterbacks sans réponse, à commencer par un Brad Johnson à côté de ses crampons qui lance quatre interceptions. Au jeu des plus nuls, Grossman aura été le moins mauvais ce jours-là. 

La défense essoufflée à force de devoir rattraper les conneries de son passeur et compenser son cruel manque de leadership, Rex se ressaisit et enchaîne trois sorties de qualité malgré un rempart plus perméable qui concède beaucoup de points. Cinq touchdowns, zéro interception, 245 yards de moyenne, le quarterback ajoute trois succès au compteur déjà bien garni des Oursons. En clôture face aux ennemis de toujours du Wisconsin, Grand Rex sort l’argenterie. Douze passes lancées, deux complétées, quatre interceptions, zéro touchdown, une bulle en guise d’évaluation et une conférence de presse qui provoque l’ire des supporters comme des observateurs. Les Bears déjà assurés de conserver leur titre de division et de finir en tête de la NFC depuis deux semaines, le passeur concède ne pas avoir préparé ce match « sans importance » adéquatement. Un écart de com et d’attitude dont il va vite mesurer la portée.

« Dans cette ligue, et davantage encore à ce poste, tu n’as pas le choix de tout donner chaque semaine, peu importe les circonstances, » concède-t-il à au Chicago Sun-Times le 4 janvier 2007. « Je me suis retrouvé dans une situation où je ne pensais jouer qu’une mi-temps, c’était le dernier match de la saison, c’était le jour de l’An, tellement de facteurs différents ont détourné mon attention du plus important, et c’est quelque chose qui ne se reproduira plus jamais. »

À un poste à haute responsabilité, il se doit de montrer l’exemple. En permanence. Surtout après une saison amorcée en trombe, mais achevée dans une médiocrité parfois confondante sur le plan personnel. Car si le Joueur Offensif de la NFC au mois de Septembre avait donné le la avec conviction, il n’aura eu de cesse de régresser, cédant souvent face à la pression, se débarrassant du ballon dans l’urgence, à tel point que nombreux sont les observateurs à réclamer Brian Griese, sa doublure débarquée à Chicago en début de saison davantage pour ne pas avoir à s’en remettre au médiocre Kyle Orton en cas de pépin que pour mettre la pression sur Sexy Rexy. Pourtant, exempté de premier tour pour la deuxième année consécutive, convaincu que son effectif est mieux préparé qu’un an plus tôt, Lovie Smith maintient sa confiance à l’ancien Alligator de Florida. Treize victoires, une défaite sans combattre dans un match pour du beurre face aux Packers de Brett Favre en clôture puis deux succès à la maison en playoffs pour s’ouvrir les portes du Super Bowl. La recette avait fonctionné pour les Seahawks un an plus tôt, le tacticien espère bien la reproduire. Malgré le scepticisme d’une large frange des aficionados des Bears, Grossman est en uniforme pour la réception de Seattle sur le terrain gras du Soldier Field. Et il va faire ce qu’il sait faire de mieux. Ni bon, ni mauvais. Une précision passable, 282 yards, une minasse victorieuse de 68 yards pour Berrian, une interception, un fumble et une victoire à l’arrache grâce à la botte de Robbie Gould. Pour égaliser dans les cinq dernières minutes d’abord, puis pour tuer le suspense en prolongation ensuite. En finale de conférence face aux Saints, Rex va jouer son rôle fétiche. Celui du game manager potable. Le jeu au sol de NOLA réduit au silence par une défense suffocante, Drew Brees se débat seul pour tenter de maintenir la foi sous le casque de ses disciples. Intenable, la paire Jones-Benson empile 183 yards et marque trois fois. Simple porteur d’eau, p’tit Rex ne complète que onze de ses 26 passes, rafle à peine 150 yards, s’offre une nouvelle connexion gagnante avec Berrian et a le mérite de ne pas perdre de ballon pour une fois. La note de passage en poche grâce aux copains, impeccable dans son rôle d’imposteur, il vient de composter son ticket pour le Super Bowl XLI. Double ironie de l’histoire, c’est en Floride, là où il s’est révélé sous les couleurs des Gators, qu’il retrouve les Colts de son Indiana de naissance.

Le 4 février 2007, sous la pluie battante de Miami, Rex Grossman va frissonner avant de s’écrouler. Sur le coup d’envoi, pas ébloui par les milliers de flashs qui crépitent, Devin Hester illumine la nuit floridienne en marquant après quatorze secondes de jeu sur un tour de magie de 94 yards. Intercepté par Chris Harris sur sa première série offensive, Peyton Manning  se fait vite pardonner dans les mains d’un Reggie Wayne seul au monde. Malins, les Colts tapent un dégagement court pour éviter de se faire punir une seconde fois par l’ouragan Devin. Une stratégie payante. Ou presque. Car si Gabe Reid dégueule le ballon, l’aîné des Mannings l’imite dès l’action suivante. Thomas Jones bondit à gauche, bondit à droite, accélère et parcourt la moitié du terrain en une course. Rex Grossman n’a plus qu’à achever le travail de sape de son pote en trouvant les mains de Muhsin Muhammad sur un lancer court (14-7). Puis la partie tombe dans une bataille de tranchée féroce. Dans des conditions peu propices au beau jeu où les fumbles se suivent en ordre serré, l’Undrafted Adam Vinatieri creuse patiemment l’écart, l’attaque des Bears se brise les crocs sur les sabots des Poulains et la défense d’Indy se nourrit des erreurs du passeur de Chicago avant de plier l’affaire dans les quinze dernières minutes. 

Glissades, cafouillages, déjà coupable de deux pertes de balle sur des mésententes avec son centre, Grossman mime une feinte de passe sans une once de conviction avant de dégainer une passe lobée mollassonne qui atterrit dans les bras de Kelvin Hayden. Le cornerback résiste à l’appel du bord de touche, écrase la pédale d’accélération, se faufile à travers la pluie et les blocs de partenaires avant d’aller s’écraser la tête la première dans la peinture bleue (17-29). Le mode panique enclenché, Rexy se met à dégainer comme un fou furieux et se fait intercepter sur une bombe agressive à destination de Bernard Berrian dès le drive suivant. Si la défense de Lovie Smith fait sa part du boulot en contraignant les Colts à rapidement rendre le ballon, sans idées et sans solutions, Grossman se pète les griffes et avec cinq minutes au compteur doit se résigner à un turnover on downs sur un énième lancer raté. S’ensuivent huit course de Dominic Rhodes pour faire tomber le chrono. Quand le quarterback de Chicago récupère le cuir, il reste moins de deux minutes et pas le moindre temps mort à se mettre sous les molaires. S’il réussit ses cinq passes gagne-petit, Rex est incapable de franchir la ligne médiane et Indy peut célébrer son premier Super Bowl. La dernière fois que les Colts avaient remporté le Big Game, ils jouaient à Baltimore. Pour p’tit Rex, la fin de l’imposture. Dans des conditions dantesques, il aura été incapable de se sublimer et de porter les siens malgré une défense courageuse et un Thomas Jones efficace. 

Malgré des critiques de plus en plus bruyantes et véhémentes à son égard, Grossman reçoit le prestigieux Ed Block Courage Award. Un titre remis à un joueur par franchise par ses coéquipiers en reconnaissance de l’excellence de ses performances, pour son dévouement, son état d’esprit et son implication auprès de la communauté. Sa seule récompense au terme d’une campagne riche en émotions qu’il achève avec 3193 yards, 23 touchdowns, 20 interceptions, une évaluation passable de 73,9 et une précision tout juste au-dessus de la moyenne. Car c’est ce qu’il est après tout, un joueur moyen. Un joueur moyen à force de tenter le diable. À force de croire davantage en son instinct que ses méninges.

« Parfois, je dois m’en remettre à mon instinct et mon instinct n’est pas toujours le bon, » concède-t-il rétrospectivement dans les pages web d’AJC en 2017. « Mais tout au long de ma carrière, on m’a toujours laissé changer le jeu chaque fois que je le voulais en fonction de la couverture. »

Un joueur moyen qui aura su profiter d’un environnement ultra favorable. Une défense en béton armé, un jeu au sol tout terrain et quelques jolis gadgets en attaque comme sur équipes spéciales pour dynamiter les rideaux adverses. Mais comme si la pluie de Miami le premier dimanche de février était porteuse de mauvais présages, après une campagne 2007 grisante, la carrière de Rex Grossman va vite sombrer dans l’oubli, rattrapé par des lacunes sur lesquelles il n’aura jamais su travailler. À l’image d’une saison régulière chaotique où il alterne entre sept rencontres convaincantes avec des évaluations à trois décimales (un record pour un joueur de Chicago) et des performances anémiques. Comme ces cinq matchs où il catapulte seize de ses vingts interceptions et enchaîne les mauvaises décisions plus vite encore que la cutie dans un slasher du début des années 2000. Il réussit l’authentique exploit de signer trois évaluations inférieures à 10,2. Si lueur d’espoir il y a, elle semble bien pâle à l’aube de la saison 2007.

L’APRÈS

À quelques jours du coup d’envoi de la campagne, maintenu titulaire, Rex promet pourtant qu’il va s’atteler à prendre soin du ballon. Excité par l’équipe malgré les départs conjugués de Thomas Jones pour le tarmac new-yorkais et de Cedric Benson pour la cage aux fauves de Cincinnati, enthousiasmé par le coaching staff malgré un nouveau coordinateur défensif, enfin sûr de lui au commandes de l’attaque après sa première saison pleine, vierge de la moindre blessure (une première pour un passeur de Chicago depuis Erik Kramer en 1995), le quarterback est plus concentré que jamais sur son jeu en dépit d’une ligne offensive vieillissante. Et il ne devra pas se montrer avare en efforts s’il veut remettre dans sa poche des fans qui ont fait de lui le coupable numéro un du fiasco du Super Bowl XLI. Le bouc émissaire d’un échec collectif. Un état d’esprit étonnamment positif et résolument optimiste que partage un coach qui veut voir son ourson prendre davantage de responsabilités et de risques. Résultat : un présaison convaincante où il complète 73,8% de ses passes et décroche une évaluation de 91,4%. Prometteur.

« Nous voulons que Rex fasse plus que juste contrôler le match, » confie le technicien sur la page officielle des Bears en septembre 2007. « Nous voulons gagner des matchs. Et nous savons que pour ça, nous devons marquer plus. »

De belles intentions qui ne vont pas résister bien longtemps à la réalité du terrain. Après trois matchs, les Bears n’ont gagné qu’une fois et Rex a rappelé à tout le monde l’étendue de ses limites. Incapable de faire mieux que 195 yards, intercepté six fois, il n’inscrit qu’un minuscule touchdown, tourne à une moyenne de 50% de passes complétées et plafonne à 56 d’évaluation. Un bilan anémique qui l’envoie sur le banc dès la semaine 4. Huit mois à peine après avoir joué de façon suffisamment convenable pour hisser les Ours jusqu’au Super Bowl. Virage à 180 degrés. Le rejeton de Bob Griese aux commandes, les Bears passent de onze à 22 pions de moyenne au cours des cinq rencontres suivantes. Cinq rencontres où Rex ne foule pas une seule fois le terrain. Profitant d’une blessure à l’épaule de son ancienne doublure, il retrouve sa place de titulaire à Oakland, sort une prestation solide quoique timide et décroche un succès précieux. S’il ne perd qu’un seul ballon par la voie des airs au cours de cette courte série de cinq matchs, il en échappe cinq au sol et manque cruellement de tranchant, incapable de faire mieux que trois malheureux touchdowns. Bien Malgré lui, Rex conforte son statut de type le plus malaimé de Chicago. Un bien maigre exploit pour un quarterback de Windy City.

« Vous voulez subir le baiser de la mort ?, » s’interroge Greg Gabriel, ancien membre exécutif des Bears, sur The Athletic en octobre 2020. « Soyez quarterback des Chicago Bears. On vous reprochera la moindre passe non complétée. » 

Blessé au genou sur le synthétique du Metrodome en semaine 15, il quitte le match dès le premier quart-temps et ne rejouera plus de l’année. Suppléé par Griese dans un premier temps, c’est Kyle Orton qui est finalement promu titulaire pour clore une saison bien terne.

Agent libre non-restreint, Rex exprime sa volonté de rester dans l’Illinois. Un souhait partagé, même si le GM Jerry Angelo et Lovie Smith himself insistent sur le fait que le passeur va devoir se battre s’il veut conserver son rôle de numéro un. Challenge accepted. Grossman rempile pour une année et un contrat au rabais de trois millions de dollars aux allures de dernière chance pour un type dont l’excuse de trois premières années marquées par de graves blessures et la valse des coordinateurs offensifs n’est désormais plus admissible. Une ultime chance de prouver qu’il est plus qu’un joueur lambda. Kyle Orton prolongé, un duel estival s’ouvre entre les deux hommes. Et après deux semaines de préparation, c’est l’ancien lanceur de Purdue qui décroche le gros lot. Incisif, prudent dans ses prises de décision, le quarterback enchaîne les prestations soignées à défaut de faire se décrocher les mâchoires et assoie sa place de partant jusqu’à ce qu’il se blesse en semaine 9 face à des Detroit Lions lancés à la poursuite d’une première victoire qui ne viendra jamais. Raillé par des fans qui ne croient plus en lui, il arrache la victoire sur une QB sneak dans le money time pour un succès tout sauf glorieux. Un traitement auquel goûte guère Brian Urlacher.

« Notre quarterback sort du banc et nous fait gagner, mais ils le sifflent d’entrée, » déplore-t-il dans les pages du Chicago Tribune. « Pauvre gars. Heureusement pour lui il ne recule devant rien, il est revenu sur le terrain et nous avons marqué deux fois. Mais sérieusement, c’est dur. »

L’intérim de Rex ne durera qu’un match et demi. Le temps d’achever de convaincre le board des Bears qu’il n’est tout simplement pas l’homme de la situation. Chicago devra encore attendre pour se trouver un nouveau Sid Luckman. En attendant, la franchise perpétue sa tradition de passeurs passables. De retour aux opérations, Orton glane quatre succès supplémentaires, mais ne peut empêcher les Ours de mater les playoffs à la téloche malgré un bilan de neuf victoires. De nouveau agent libre, Grossman ne fait désormais plus partie des plans de la franchise de Windy City. Après six années passées à bombarder à l’aveugle, à miser tapis à tous les coups plutôt que d’abattre la carte de la prudence, les pontes de Chicago jettent l’éponge sur leur machine gun d’un mètre 85.

« Très souvent au cours de ma carrière, j’ai tenté d’être Charlie Checkdown (Jean-Michel Coup Sûr, ndr) et de ne tenter le gros coup que quand il était là, » concède-t-il au Washington Post en novembre 2017. « Pour être honnête avec vous, bien souvent, je ne voyais tout simplement pas ce qu’il y avait devant moi. Je ne suis pas le quarterback le plus grand… Parfois vous devez avoir foi dans le fait que tout va se dérouler comme vous l’imaginez. Dans ces moments-là, vous devez vous poser la question de savoir si ça en vaut la peine. Et parfois vous vous trompez. Mais très souvent vous avez vu juste. Ça m’a propulsé jusque dans la ligue et j’y ai joué pendant onze ans, alors je pense que ça marche au moins un peu. »

Suffisamment pour durer. Suffisamment pour briller sporadiquement. Mais pas suffisamment pour s’inviter à la table des meilleurs. Mis à l’essai par les Bengals en mars, il ne reçoit finalement aucune offre. Si des rumeurs fermement démenties par son agent l’envoient un temps vers l’UFL, il signe un contrat de 650 000 balles avec les Texans mi-juin. Dan Orlovsky battu à la régulière durant l’été, on lui refourgue le costume de doublure de Matt Schaub et sa calvitie. Coincé dans l’ombre d’un type en transe qui flirte avec les 4800 yards et 30 touchdowns, il ne verra le terrain qu’une fois, en décembre, à Jacksonville, le temps de rater six de ses neuf passes et de lancer une interception. La pige achevée, il est prié d’aller voir ailleurs. 

Signé par Washington, Rex Grossman doit attendre le dernier jour d’octobre pour fouler le gridiron après que Mike Shanahan ait envoyé Donovan McNabb sur le banc. Sacké dès son premier snap, il échappe le ballon, offre six points à Ndamukong Suh et retrouve la ligne de touche dès le dimanche suivant. Titularisé à quelques jours de Noël, il est à deux doigts de signer une remontée d’enfer face aux Cowboys après avoir laissé se creuser un déficit de vingt pions. Incisif et agressif comme il ne l’a plus été depuis des plombes, Rexy balance 322 yards, se trompe deux fois de paluches, claque quatre touchdowns, mais échoue à trois petits points du comeback. L’un des matchs les plus aboutis de sa carrière. Vainqueur médiocre à Jacksonville la semaine suivante, il passe à quatre yards d’amasser son plus large total de yards en une rencontre pour la der de l’année face aux Giants. 

Prolongé début août 2011, en pleine grève des joueurs, il remporte un duel sans frissons avec John Beck et est investi titulaire en ouverture face à ces mêmes G-Men. Plus de 300 yards, deux touchdowns et aucune interception, malgré un ballon échappé au sol, il livre une prestation aboutie et lance la saison sur une bonne note. En dépit de trois victoires prometteuses en quatre rencontres, Rex est expédié sur le banc illico presto après une sortie désastreuse face aux Eagles où il se goure quatre fois de maillot. Privé de terrain durant trois semaines, Ceux-Dont-On-Ne-Doit-Plus-Prononcer-Le-Nom ne gagnent pas une fois. De nouveau titulaire pour les huit derniers matchs de l’année, ils ne décrocheront que deux autres succès, portés par un Rex parfois potable, mais miné par une maladresse d’ordinaire chronique devenue maladive. En huit parties, il commet quatorze turnovers.

En bout de course, incapable de confirmer le talent entraperçu au bahut et de sublimer les belles choses montrées sous la tunique des Gators, il est tout de même re-signé pour un an dans un rôle de mentor. Un grand frère qui doit apporter son expérience à Robert Griffin III, numéro deux de la cuvée 2012, et Kirk Cousins, solution de secours draftée au quatrième tour. Il ne jouera pas une seule seconde. Même pas un petit genou à terre. Il rempilera dans son rôle de parrain pour les deux jeunots l’année suivante. Signé par Cleveland mi-août 2014, il ne passe qu’une quinzaine de jours sur le roster des Browns. Fin décembre, quand Johnny Football et Brian Hoyer se blessent coup sur coup, les molosses reviennent à la charge pour une pige d’une semaine en échange d’un peut plus de 50K. Rex décline poliment l’offre. Le deuil de sa carrière presque fait, il préfère passer ses vacances en famille à Palm Beach. L’été suivant, il passera une grosse semaine à Atlanta avant d’être une énième fois remercié. Son chargeur vidé, il a écrasé la gâchette pour la dernière fois depuis belle lurette.

Clap de fin sur une carrière qu’il est trop simple, mais tellement tentant de résumer à 2006. Un one-year wonder au goût douteux qui laisse une impression mitigée. Celle d’avoir profité de circonstances exceptionnelles tout en s’imposant statistiquement comme factuellement comme l’un des meilleurs passeurs passé par Chicago depuis Erik Kramer et Jim McMahon tout en achevant sa carrière avec davantage d’interceptions que de touchdowns. De l’avis de nombreux observateurs, l’un des pires quarterback à avoir disputé un Super Bowl. Un destin à deux facettes que connaîtra très vite Jay Cutler. Un autre type capable du meilleur comme du pire. Plus qu’un vulgaire coup d’un soir, Rex Grossman est une sorte de plan cul aux performances aléatoires. Good Rex, Bad Rex.

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