À 13 semaines du Super Bowl LII, épisode 38 de notre rétrospective exceptionnelle, le Super Bowl XXXVIII.
Carolina Panthers (NFC) vs. New England Patriots (AFC) – 1er février 2004
256 matchs de saison régulière. 10 de séries. Des centaines d’heures de jeu. Des milliers de yards. Des actions d’éclat. Des réceptions venues du futur. Des courses venues d’une autre planète. Des plaquages d’une autre galaxie. Des larmes de joie et de détresse. De la tension, de la passion. Et au bout, un match. Une poignée de secondes. Une action pour décider. Après des décennies de mises à mort insipides, le Super Bowl a pris goût au suspense. Plaquage miraculeux à l’ultime seconde. Coup de pied malheureux. Coup de pied victorieux. Le Big Game a rarement aussi bien porté son nom. Et le Super Bowl XXXVIII ne fera pas exception.
L’invité surprise
En 2003, à peine extirpés de leur berceau, les Panthers n’ont que 8 ans et déjà une histoire bien remplie. À tout juste 2 printemps, ils décrochaient leur premier titre de division et découvraient le parfum des playoffs avant de se faire rabattre la porte du Super Bowl en pleine tronche par Brett Favre et des Packers en route vers le titre. Après une lune de miel enivrante sous les ordres de Dom Capers, vient la crise de conscience. Ancien coach assistant puis principal des 49ers, George Seifert débarque à Charlotte les mains serties de 5 bagues de champion. Un CV à faire saliver qui va rapidement se transformer en immense erreur de casting. 8-8. 7-9. Les Panthers régressent. En 2001, ça vire à la débandade. Après un succès en semaine 1 face aux Vikings, les félins ne gagnent plus rien. 1-15. Le vide sidéral. Seifert est remercié. Plus jamais il n’entraînera. Globetrotteur des bancs de touche universitaires comme professionnels depuis plus de deux décennies, John Fox arrive en sauveur en Caroline du Nord avec une jolie réputation de coach défensif derrière lui. Mais du côté de Queen City, on a appris à se méfier des réputations.
Envoyées dans la NFC Sud en marge du réalignement des divisions imposé par la création des Texans, les Panthères se rebâtissent une identité. Malgré trois succès porteurs de mille promesses qui brisent la spirale de la défaite de la saison passée en ouverture, les hommes de John Fox se volatilisent pendant 8 semaines. Si Julius Peppers est couronné Rookie Défensif de l’Année et insuffle un vent de fraîcheur dans l’équipe, les séries leurs échappent encore. Plus pour longtemps. Malin comme un singe, le coach enrôle Jake Delhomme, obscure quarterback des Saints et star du Frankfurt Galaxy sacré en 99. Un coup de génie. S’il débarque à Charlotte dans le rôle de doublure de Rodney Peete, le destin lui réserve un bien meilleur sort. En semaine un, le vétéran de 37 ans balbutie son football. Menés 17-0 par les Jaguars dans le 3e quart-temps, les Panthers n’ont décroché qu’un seul premier essai et 36 pathétiques yards. John Fox est sur le bord de l’implosion. Quitte à se couvrir de ridicule, autant tenter le tout pour le tout. Le tout pour le tout, il se nomme Jake Delhomme. Et quand le coup de sifflet final retentit, il vient de réaliser le plus bel exploit de sa carrière. Charlotte vient de s’imposer 24-23 dans une rencontre renversante. Le genre de match qui peut faire basculer le destin d’un franchise.
Catapulté titulaire, il enchaîne les succès et se venge par deux fois de Saints qui ne lui auront jamais vraiment laissé sa chance. Après un mois de septembre idyllique, octobre le ramène gentiment sur terre, mais le quarterback continue d’empiler les victoires et les Panthers s’emparent du titre de la division Sud avec un bilan de 11-5. Deux ans plus tôt, ils étaient la risée de la NFL. Le flair de John Fox et le panache de Jake Delhomme, voilà ce qu’il leur fallait. 3219 yards, 19 touchdowns, 16 interceptions, le quarterback fait bien les choses et exploite à merveille le talent sans fin de Steve Smith. Couteau suisse capable d’étirer les défenses comme personne, de faire disjoncter les cornerbacks et de punir les couvertures hasardeuses sur les phases de retour, le receveur attrape 88 ballons, conquit 1110 yards et marque 7 fois dans les airs tout en ajoutant 439 unités de plus au sol. Menaces permanentes, Muhsin Muhammad et ses grands segments cavalent 837 yards et croisent 3 fois la ligne. Véritable moteur à deux turbines, le jeu au sol est l’atout maître des Panthères. Arrivé en provenance de Washington, Stephen Davis engloutit 1144 yards et inscrit 8 touchdowns. Dans un rôle de 3rd-down running back qui lui va comme un gant, le natif de Charlotte DeShaun Foster ajoute plus de 600 yards cumulés.
En défense, tout tourne autour d’une ligne défensive féline. Julius Peppers et Mike Rucker sur les ailes, le Pro Bowler Kris Jenkins en plein cœur de la mêlée, les trois hommes dévorent 24 sacks et donnent le ton d’une escouade sauvage. Dans le fond du terrain, le quatuor formé par Reggie Howard, Mike Minter, Deon Grant, Ricky Manning Jr. signe 11 interceptions dont 3 converties en touchdowns dans un style féroce qui laisse des marques dans les rangs adverses. Non, décidément, affronter la meute de John Fox n’est jamais une partie de plaisir. Pour le premier match de playoffs de sa carrière NFL, Jake Delhomme s’impose avec autorité face aux Cowboys avant d’aller créer par deux fois la sensation chez les deux meilleures formations de la NFC. Une semaine après son baptême du feu, sur le synthétique du Edward Jones Dome de St. Louis, il s’inscrit définitivement dans la légende de la franchise de la Caroline en balançant un touchdown de 69 yards dans les bras de Steve Smith sur la deuxième action de la prolongation. Stupeur. 8 jours plus tard, il écoeure des Eagles de Donovan McNabb archi favoris sur leur pelouse du Lincoln Financial Field. Pour la troisième année consécutive, Philly échoue en finale de conférence. Pour la première fois de leur histoire, les Panthers iront au Super Bowl.
À Houston, dans un Reliant Stadium flambant neuf, ils retrouveront des habitués de l’événement. Deux ans plus tôt, sur l’AstroTurf du Superdome, les Patriots de Tom Brady et Bill Belichick écrivaient les premières pages dorées de la dynastie qui allait dominer les deux premières décennies du 21e siècle. Auréolée de son titre du Super Bowl XXXVI, la franchise de la Nouvelle-Angleterre attaque la saison 2002 comme elle avait finit la précédente. Trois succès probants dans la vague d’un Tom Brady impérial, puis la sortie de route. Après un mois d’octobre pourri, les Pats se reprennent, finissent dans le vert, mais leur bilan de 9-7 ne leur suffira pas. Ils verront les playoffs de leur canapé, un breuvage houblonné à la main. Un petit échec pour une équipe pleine d’ambitions. Et à quelques jours du coup d’envoi de la campagne 2003 face aux Bills, rien ne semble s’arranger.
Face au refus de Lawyer Milloy de restructurer son contrat, les dirigeants enfouissent leurs sentiments six pieds sous terre et coupent l’une des pièces maîtresses de leur défense. La pièce est dure à avaler dans le vestiaire. Elle l’est encore plus deux jours plus tard, quand le vétéran s’engage avec… Buffalo. Dans la tourmente, les Patriots sont balayés 31-0 par les Bills et le safety s’offre un sack et une interception sur son ancien partenaire. Après deux succès rassurants, ils trébuchent à Washington. Leur deuxième revers de la saison, et le dernier. Le reste sera exemplaire. Démonstrations de force, victoires au courage en prolongation, Tom Brady & Co se forgent un mental en acier. En semaine 12, ils rendent aux Bills de… Drew Bledsoe la monnaie de leur pièce. Ridiculisés 0-31 au Ralph Wilson Stadium, ils écrabouillent leur invités 31-0 au retour.
Intronisé quarterback titulaire jusqu’à sa mort, Tom Brady poursuit son apprentissage dans la foulée d’une saison 2002 aboutie sur le plan personnel. 3620 yards, 23 touchdowns, 12 interceptions, le quarterback fait briller ses receveurs malgré un casting chamboulé par les pépin physiques. David Patten blessé, Deion Branch tisse une relation précieuse avec Brady. L’ancien receveur de Louisville gagne 803 yards et marque 3 fois pendant que David Givens monte en grade et ajoute 510 yards et 6 touchdowns. Dans un arsenal aérien sans star, le vétéran Troy Brown et le tight end Daniel Graham amassent tous les deux plus de 400 yards et croisent chacun 4 fois la ligne. Au sein d’une attaque au sol à deux lames, Kevin Faulk et Antowain Smith se partagent 1280 yards à parts égales. Pendant que le premier marque 6 fois, le second ajoute 440 yards dans les airs.
Si les stars font cruellement défaut en attaque, en défense, c’est l’embouteillage. Et quand bien même les Pats se délestent de Milloy, c’est pour mieux attirer le vétéran Rodney Harrison dans leurs filets. Sur la ligne, le board monte un échange pour faire venir le colosse Ted Washington et son mètre 97 en provenance de Chicago. Richard Seymour et ses 8 sacks, Willie McGinest et ses big plays hebdomadaires, Mike Vrabel et ses 9,5 sacks, Tedy Bruschi, ses 131 sacks et 2 touchdowns et un dernier rideau chapeauté par Harrison et Ty Law qui vole 19 ballons dans les airs. Sur toutes les lignes, du talent pur. Une escouade sans faiblesse qui concède moins de yards par lancer (5,54) et de touchdowns à la passe (11) que quiconque dans un style là aussi rentre dedans. En tout, la défense du Belichick entasse 29 interceptions. Redoutable dans les cieux, elle est aussi la 4e meilleure au sol de la ligue. Suréquipés d’un bout à l’autre du terrain, ils débarquent en playoffs sur une impressionnante série de 12 succès consécutifs. Au premier tour, les Titans font de la résistance, mais finissent par céder. En finale de l’AFC, face aux Colts de son futur meilleur ennemi et MVP Peyton Manning, Brady s’en remet au pied magique d’Adam Vinatieri. Deux ans plus tard, il retrouve déjà le Super Bowl.
Retard à l’allumage à Houston
Dans un Reliant Stadium flambant neuf, les Pats avancent favoris. Au-delà de leur expérience du Big Game et de leur écrasante fin de saison, ils se sont débarrassés avec une aisance déconcertante d’un calendrier étonnamment semblable à celui des Panthers. AFC Sud et NFC Est, les deux franchises se sont coltinés les 8 mêmes équipes. De quoi offrir un instrument de comparaison savoureux. En dehors d’un revers étriqué en semaine 4 dans la capitale fédérale, les joueurs de Boston n’ont pas fait dans la dentelle. 7-1. En Caroline du Nord, les choses auront été plus délicates. Battus deux fois, vainqueurs deux fois dans chacune des divisions, ils s’en sortent avec un 4-4 plus partagé. Et s’ils se seront vengés des Cowboys et Eagles avec la manière en séries, les pronostics ne leurs sont clairement pas favorables. Non, décidément, les Patriots semblent bien trop fort pour eux.
Pourtant, rapidement, les défenses cadenassent la rencontre à coup de football d’une incroyable violence. Les contacts sont bruyants. On en attendait rien de moins entre deux équipes qui auront écrabouillé les os de leurs adversaires en finales de conférences. Les deux formations partagent le même amour des tampons bien sentis et des plaquages qui vous font quitter la terre ferme.
« Ils sont exactement comme nous en terme de jeu physique et de plaquages agressifs, » confiait Ty Law au NY Times la veille du match. « Les regarder c’est un peu comme regarder notre propre reflet dans le miroir. «
Et quand bien même après un three-and-out expéditif en ouverture les protégés de Bill Belichick se hissent jusque dans la redzone, bien aidés par un retour de punt de 28 yards de Troy Brown, le héros du Super Bowl XXXVI Adam Vinatieri flanche et rate la cible de près. Inhabituel. Une course de 2 yards, une passe ratée et Mike Vrabel envoie Jake Delhomme brouter le gazon 9 yards plus loin. Trois petits jeux et puis s’en va. Encore une fois. Tom Brady rembarré en trois actions à son tour, les Panthers se montrent absolument incapables de produire quoique ce soit et signent un troisième three-and-out en autant de séries offensives. De quoi sérieusement faire cogiter John Fox sur le banc. Et quand les joueurs de la Caroline décrochent enfin un premier essai à la faveur d’un holding défensif de Ty Law, c’est pour mieux rendre le ballon trois jeux plus tard. Inquiétant. Le premier quart-temps s’achève sans le moindre point dans une rencontre prise en otage par l’enjeu et des défenses inflexibles.
Nouveaux stops express de part et d’autre. Willie McGinest gobe Delhomme tout cru sur un sack qui l’expédie 11 yards en arrière et le prive du moindre first down. Gagné par l’agacement, Tom Brady change de stratégie et opte pour le gagne petit. Jeu au sol en force, passes courtes, les Patriots grignotent les yards dans une série qui s’étire. Partis de leurs 25 yards, ils se retrouvent sur les 18 de Charlotte. Ils n’iront pas plus loin. Pire, ils repartiront bredouilles. Une nouvelle fois. La faute à l’inhabituelle imprécision d’un Adam Vinatieri tenaillé par l’enjeu qui expédie sa tentative de 36 yards contre les bras de Shane Burton. À force d’imposer des stops sans parvenir à faire basculer le match, la défense de la Nouvelle-Angleterre se fâche, sèche Stephen Davis derrière la ligne, coupe une passe de Jake Delhomme, puis Mike Vrabel fracasse le quarterback au sol, fait sauter le ballon de ses mains et l’offre gracieusement à Richard Seymour sur la ligne de 20. Enfin ! Les Pats tiennent le big play qui leur échappait tant.
En vieux grognar, Tom Brady capitalise rapidement. Antowain Smith d’abord, puis les jambes du quarterback himself. Sur une échappée de 12 yards, Tom se propulse à deux pas de la endzone. Le reste n’est que formalité. Sur une play action d’école, Dan Morgan mort à l’hameçon comme un grand et Brady envoie Deion Branch dans la peinture, 5 yards plus loin. 7-0. Après 26 minutes et 55 secondes record, le score est enfin ouvert. 1/9, 3 sacks, un fumble, 20 jeux en attaque pour un total ahurissant de -9 yards, Jake Delhomme et les Panthers sont inexistants. Martyrisés par une défense des Patriots survoltée, le vent de la révolte monte en eux. Et soudainement, le match bascule dans la folie. 12, 23, 15 yards. Le quarterback de la Caroline enchaîne les passes et avec un peu moins de 90 secondes à jouer, jamais il n’aura été aussi proche de l’en-but de New England. Une passe ratée, deux passes ratées, Belichick prend un temps mort et fait grimper la pression dans la tête de ses adversaires. Sans effet. Jake Delhomme ajuste une spirale délicieuse de 39 yards dans le coin gauche et propulse Steve Smith dans la peinture noire. 8 jeux, 95 yards. En un drive, ils auront fait mieux que de tout le reste du premier acte.
Verrouillée comme jamais, abandonnée aux défenses, la rencontre se débride brusquement sous l’impulsion d’attaques soudainement libérées et nettement plus inspirées. Dans un fauteuil, Tom Brady balance une ogive de 52 yards dans les mains de Deion Branch. Il reste 37 secondes, les Pats sont à 14 yards de la Terre Promise. David Givens tout seul dans le coin droit de la endzone, le passeur envoie le cuir dans les nuages. David Givens esseulé devant la ligne, Brady navigue dans la poche, écrase la gâchette et se rapproche de 9 yards. Temps mort. Le dernier. Play action fake, David Givens s’échappe, le quarterback ne le rate pas. Touchdown. 14-7. Du grand art. Le receveur peut gonfler ses biceps en tirant la langue. Plus que 18 secondes à tuer avant de rentrer au vestiaire. C’est sans compter sur un choix tactique discutable. Belichick opte pour un squib kick, un renvoi court, dans l’espoir d’effacer quelques précieuses secondes. Kris Mangum se saisit du ballon et remonte 12 yards jusqu’aux 47 de la Caroline. Stephen Davis transperce la ligne et gagne 21 yards. Temps mort. Avec 5 secondes à jouer, de 50 yards, John Kasay fait feu et réduit la marque. 14-10.
25 minutes de domination défensive frustrante. 5 minutes d’attaque endiablée. En deux temps, le premier acte aura livré un spectacle stressant, violent, puis excitant et aérien. Un scénario jamais vu. Un scénario qui ne va pas tarder à se répéter.
Nipple Gate et haute voltige
En 2002, Janet Jackson avait cédé sa place au groupe U2 pour un spectacle teinté de patriotisme et d’émotion quelques mois après les attentats glaçants du 11 septembre. Deux ans plus tard, elle tient bien sa place. Ses vêtements, eux, tiennent visiblement nettement moins. Janet et Justin Timberlake sur scène, la chanson Rock Your Body touche à sa fin quand le chanteur attaque la dernière ligne : « I’m gonna have you naked by the end of this song. » Comprenez, « D’ici la fin de la chanson, tu vas finir à poil. » Dans un timing parfait, Justin arrache l’une des pièces de la tenue de Janet Jackson révélant son téton étoilé. Séisme dans la régie de CBS qui bascule directement sur un plan aérien. Le standard téléphonique de la chaîne est submergé par une Amérique puritaine scandalisée. Un malheureux incident d’accessoire plaideront les intéressés. Et la marmotte elle met le chocolat dans le papier. Mais bien sûr !
Le temps de se débarrasser du streaker professionnel anglais Mark Roberts qui, grimé comme un arbitre qui pénètre sur le terrain alors que les deux équipes sont alignées pour le coup d’envoi, se débarrasse de sa tenue zébrée pour exécuter quelques pas de danse vêtu d’un simple string avant de se faire plaquer par le linebacker des Pats Matt Chathman, le football peut reprendre ses droits. Au terme d’une mi-temps qui aura sûrement vu des milliers de gamins être envoyés au lit bien plus tôt que prévu pour échapper à ce spectacle de dépravés, le match reprend comme il avait débuté : three-and-out. Et si les Panthers parviennent à décrocher un premier essai, c’est pour mieux devoir dégager le ballon juste après. Dans un copier-coller d’un premier quart-temps totalement verrouillé et sans le moindre point, Jake Delhomme continue de se manger des sacks, les coureurs de se manger des murs et les deux formations n’avancent pas. Le calme, avant la tempête. Car le dernier quart va virer au feu d’artifice. Comme un air de déjà vu.
Capitalisant sur le travail de sape abattu dans les dernières minutes du 3e quart-temps et bien aidé par une longue connexion de 33 yards entre Brady et Daniel Graham, Antowain Smith croise la ligne et donne deux possessions d’avance aux Pats. Le coureur vient d’allumer la mèche. 3, 2, 1, BOOM ! En 3 passes et une course, les Panthers traversent le terrain comme des fous furieux. 12 yards dans les mains de Muhsin Muhammad, 40 en deux temps dans celles de Steve Smith, puis DeShaun Foster monte sur scène pour son one-man show. Crochet à gauche, crochet à droite dans la mêlée, le coureur s’interpose entre un Patriot et une Panthère, résiste au choc on ne sait pas trop comment, s’enfuie le long de la ligne poursuivi par une horde de maillots bleus et plonge en angle, le ballon à une main, tendu vers l’avant. Les flash crépitent. Touchdown, conversion à deux points ratée. 21-16. Le match s’enflamme, Tom Brady dégaine l’artillerie lourde, Kevin Faulk envoie la cavalerie et les Pats se retrouvent à 9 yards de l’en-but. Ils n’iront pas plus loin. Reggie Howard intercepte le ballon et fait chavirer une partie du stade.
Jake Delhomme se donne un peu d’air avant de balancer un missile sol-air. Muhsin Muhammad efface son vis-à-vis en un quart de seconde, le quarterback avance dans un poche éclatée en mille morceaux et décoche une bombe jusque dans les bras de son receveur. Le #87 envoie Eugene Wilson en orbite d’un raffut du droit et file dans la peinture bleue. 85 yards, le plus long jeu offensif de l’histoire du Super Bowl. Delhomme lève les mais au ciel, Rodney Harrison lui lâche un petit coup d’épaule, échange de mots et de regards entre les deux hommes, mais l’important est ailleurs. Malgré une conversion à 2 points encore ratée, les Panthers prennent les devants. 22-21. Il reste moins de 7 minutes à jouer. Le match a basculé en pleine folie. Elle ne retombera jamais. Brady et Givens font parler leur complicité dans les airs, et le quarterback envoie Mike Vrabel dans l’en-but. Sur un direct snap, Kevin Faulk ajoute ses 2 premiers points de la saison et redonne un touchdown d’avance aux joueurs de la Nouvelle-Angleterre. 29-22. Il reste 2 minutes et 43 secondes à jouer. Jake Delhomme distribue les passes comme un prof distribue les mauvaises notes. 9, 19, 31, 2 puis 12. Le passeur comble les 12 derniers yards en envoyant Ricky Proehl exulter dans la endzone. 29-29. Enivrant. Comme deux ans plus tôt. À La Nouvelle-Orléans, sous les couleurs des Rams, le tight end avait égalisé à la toute fin. Comme deux ans plus tôt, avec 68 secondes et 3 temps morts, Tom Brady ne va pas attendre que la prolongation vienne le chercher. Non, le quarterback repart à la conquête de l’histoire.
Visage de la franchise de la Caroline depuis sa création 9 ans plus tôt, John Kasay est rattrapé par la pression et expédie son coup d’envoi en dehors des limites. Les Patriots partiront de leurs 40 yards. Erreur de débutant, au pire des moments. Jake Delhomme, John Fox, personne ne le blâmera. Sauf lui-même.
« C’est mon job de taper le ballon dans l’en-but. Ce genre d’erreur est inexplicable. »
En tribune de presse, Jim Nantz se demande si les Panthères n’ont pas laissé trop de temps au passeur. Dans les tribunes, on tremble. Peur, joie, excitation, incertitude. Le stade entier vibre. 13 yards vers Troy Brown une fois, 13 yards vers Troy Brown deux fois, une courte passe vers Daniel Graham, les Pats grillent leur deuxième temps mort. Il reste 14 secondes. Les protégés de Belichick sont sur les 40 de la Caroline. Star de la victoire en finale de conférence, le secondary emmené par Ricky Manning Jr vacille. À force de vouloir imposer un jeu musclé destiné à fair dérailler les tracés des receveur des Pats, les Panthères perdent le fil et ouvrent d’immenses fenêtres au cœur du terrain. Patient, Brady attend que le jeu se développe, débusque un Deion Branch esseulé, coincé entre la ligne des safeties et celle des linebackers, distille une passe parfaite et appelle le dernier temps mort.
« Nous aurions dû l’avoir sur cette action, » racontera Manning, assis devant son casier dans le vestiaire, les yeux dans le vide. « Nous ciblions et choisissions quand attendre ou aller chercher le gros jeu. Nous avons fait les mauvais choix. Le timing a été très mauvais. »
Héros de la victoire à Philly avec ses 3 interceptions, Manning sent le vent tourner. Trop sûrs d’eux, ils n’auront eu de cesse de reculer sur deux dernières séries fatales. Spectateur impuissant du catch crucial de Branch, le safety Mike Minter ne peut que saluer le remarquable travail accompli par les receveurs de la Nouvelle-Angleterre. Avec 9 secondes à jouer Adam Vinatieri, le serial kicker, entre en jeu. Plus tôt dans le match, il avait raté la cible de près par deux fois. De 41, il tient l’histoire au bout du pied. Dans le clan Kraft, on se prend la main, sur la ligne des Patriots, on prie en cercle. Sous le crépitement de milliers de flashs et la pression de milliers d’yeux, le botteur ne flanche pas. 32-29. Match accroché, fin de folie, suspense insensé, ultime drive fascinant, coup de pied victorieux, they did it again ! Les Pats de Brady et Belichick assoient leur main mise sur la NFL au terme d’une saison impressionnante de maîtrise. À 26 ans, le quarterback compte déjà 2 bagues à ses doigts. Du jamais vu. Et de quelle manière.
« Gagner de cette façon, c’est fabuleux, » confiera Brady après le match.
Dans la NFL d’un salary cap et d’une draft voués à sans cesse redistribuer les cartes, les Patriots n’en font qu’à leur tête. Et ça n’est que le début.