À 15 semaines du Super Bowl LII, épisode 36 de notre rétrospective exceptionnelle, le Super Bowl XXXVI.
St-Louis Rams (NFC) vs New England Patriots (AFC) – 3 février 2002
Les Steelers et leur défense de brutes édentées et moustachues auront régné sur les 70’s. Les 49ers de Bill Walsh et Joe Montana auront illuminé les 80’s de leur géniale West Coast Offense. Les Triplets de Dallas auront redonné vie à l’America’s Team et régné sur les 90’s. En 2002, alors que le 21e siècle en est encore à ses balbutiements, une nouvelle dynastie forge ses armes. Dans l’ombre et avec la bienveillance du destin, menée par un nouveau prince, elle s’apprête à monter sur le trône laissé vacant de la NFL. Un nouvel hégémon.
Dawn of the Pats
Entré en éruption 2 ans plus tôt sous l’impulsion de Kurt Warner, le Greatest Show on Turf n’en finit plus de cracher sa lave incandescente sur les défenses adverses. En 2000, un an après leur sacre du Super Bowl XXXIV, les Rams poursuivent leur entreprise de destruction massive hebdomadaire. Le plus yards dans les airs, le plus de points, le plus de yards tout court. Attaque totale. Défense zéro. Pire escouade de la ligue, aucune n’encaisse plus de points qu’elle (471). Défense passoire, blessures, changement de coach, les Béliers tombent à 10-6 et chutent dès le premier tour sous les sermons des Saints.
L’attaque blindée de talent jusqu’au cou, le nouveau head coach Mike Martz, globetrotteur des bancs de touche en tout genre depuis près de trois décennies et successeur de Dick Vermeil, mise tout sur la défense. Nouveau staff, nouveaux joueurs. Relooking complet. Coordinateur défensif ou coach des linebackers dans une demi douzaine de facs de haut rang puis chez les Bucs, Lovie Smith traîne derrière lui un joli CV. De quoi métamorphoser une escouade en perdition. Le réveil est spectaculaire. Les Rams encaissent près de 200 points de moins, font un bon de la 31e à la 7e place et s’imposent comme la 3e défense la plus radasse en yards de la ligue. Portés par les 14,5 sacks du Pro Bowler Leornard Little, les Béliers revivent. À l’autre bout de la ligne, Grand Wistrom ajoute 9 sacks et une poignée de turnovers. Au cœur du jeu, London Fletcher et ses trois poumons sont omniprésents. Dans le fond du terrain, rôde un secondary implacable, emmené par les 10 interceptions et 4 touchdowns du tandem Dré Bly/Aeneas Williams, le dernier rideau coupe toute communication longue distance.
Offensivement, c’est le paradis. Attaque boulimique la plus dominante de l’histoire de la NFL, les Rams inscrivent plus de points (503) et engloutissent plus de yards (6930) que quiconque dans la ligue. Pour la 3e saison consécutive, ils effacent la barre des 500 points. Du jamais vu. Chaque dimanche, le Greatest Show on Turf est en démonstration, déployant son grand cirque à travers la patrie de l’Oncle Sam. Couronné MVP, Kurt Warner lance 4830 yards, inscrit 36 touchdowns et se trompe de mains à 22 reprises. 142 réceptions, 2469 yards et 13 touchdowns, la paire Torry Holt/Isaac Bruce s’éclate et rend folles les défenses adverses à coup de routes millimétrées, de réceptions spectaculaires et de courses endiablées qui n’en finissent plus d’étirer des rideau défensifs qui ne savent plus où donner de la tête. Derrière ces deux ogres, Ricky Proehl, Az-Zahir Hakim et Ernie Conwell se partagent les restes.
Joueur Offensif de l’Année pour la troisième année consécutive, Marshall Faulk échoue à une bouchée des 1400 yards au sol, en ajoute près de 800 dans les airs, inscrit 21 touchdowns et devient le premier joueur de l’histoire à conquérir 2000 yards cumulés pour la quatrième saison de suite. Un véritable phénomène. Courses, réceptions, retours d’engagement, le virevoltant Trung Canidate joue les électrons libres avec brio, empile les yards avec aisance et croise 6 fois la ligne. Complets d’un bout à l’autre du terrain, des deux côtés du ballon, les Rams encornent tout sur leur passage. Après 6 semaines aux allures de conte de fée, les Saints viennent de nouveau casser l’ambiance. Un mois plus tard, en primetime, les Bucs trouvent la formulent magique pour étouffer leur attaque incandescente. Les premiers, et les derniers. Semaines après semaine, volée après volée, les Béliers reprennent le trônent de la NFC Ouest aux Saints, atomisent les Packers d’un Brett Favre hors sujet au premier tour (45-10) avant de couper les ailes des Eagles dans une finale de conférence haletante. Deux ans après, ils retrouvent le Super Bowl.
Meilleure attaque de l’histoire, la présence des Rams au Big Game sonne comme une évidence. En Nouvelle-Angleterre elle relève d’une fabuleuse aventure comme la NFL les aime. Amorcée dans des larmes de tristesse et de détresse, achevée dans des larmes de bonheur et d’extase. Au cœur de l’été, le coach des quarterbacks Dick Rehbein est terrassé par une crise cardiaque à seulement 45 ans. Une perte tragique qui ébranle le staff de Bill Belichick, promu coach des Pats après un rapide détour par les Jets au tournant du millénaire. Après un revers face aux Bengals en ouverture, les joueurs du Massachusetts tombent à domicile face à leurs rivaux New-Yorkais. Plus qu’une défaite, c’est un véritable séisme qui va bientôt ébranler la franchise de la banlieue de Boston. Mené de 7 points à une dizaine de minutes de la fin, Drew Bledsoe s’extrait de sa poche pour échapper à la pression et se fait violemment sécher par Mo Lewis. Vaisseau sanguin éclaté, hémorragie interne, le quarterback frôle la mort et devra se passer de football pour les prochains mois. Les Pats ne reviendront pas dans le match. Leur saison semble déjà condamnée.
0-2, privé de son passeur titulaire, Bill n’a pas 36 000 options si ce n’est un gamin drafté au 6e tour un an plus tôt et qui n’a lancé que 3 minuscules passes dans une carrière encore au stade embryonnaire. Pour les grands débuts de Tom Brady, les Pats écrabouillent les Colts de Peyton Manning (44-13). Un score flatteur pour l’ancien de Michigan, encore timide et qui ne pèse pas vraiment sur la rencontre. Merci la défense. Après un revers cinglant à Miami en semaine 4, Brady retrouve Terry Glenn, suspendu pour les 4 premiers matchs. Le début de la légende. Face aux Chargers, il signe un premier comeback bradyesque au terme d’une performance XXL pleine d’aplomb et de fougue. Une semaine plus tard, il éparpille les Colts et leur défense en carton au RCA Dome. Le gamin apprend vite. Très vite. Du reste de l’année, alternant le bon comme le moins bon, il ne s’inclinera que deux autres fois. 2843 yards, 18 touchdowns, 12 interceptions, il s’envole pour Hawaï dès sa première saison.
Bien épaulé en attaque, le presque rookie peut compter sur un groupe offensif expérimenté. Pas de stars, mais beaucoup de talent. Dans la continuité d’une carrière crescendo, Troy Brown réalise sa plus belle saison. 101 réceptions, 1199 yards et 5 touchdowns, il est le go-to-guy de Tom Brady et un véritable funambule sur retour de punts. À l’opposé, David Patten, ses 749 yards et 4 touchdowns viennent compléter un duo de receveurs compacts comme on les aime en Nouvelle-Angleterre. Dans la tourmente malgré son retour de suspension, Terry Glenn traverse la campagne 2001 comme un fantôme. Au sol, le colosse Antowain Smith et son mètre 88 emboutissent près de 135o yards cumulés et croisent 13 fois la ligne.
En défense, les noms sont plus ronflants et comptent parmi eux une flopée de vétérans du Super Bowl XXXI. Sur la ligne les deux mastodontes Bobby Hamilton et Richard Seymour animent un pass rush sanguin et qui verrouille les écoutilles sur le jeu au sol. Avant-goût d’une ligne de linebackers dégoulinante de talent. Mike Vrabel, Willie McGinest et Tedy Bruschi. Un trio cinq étoiles à faire pleurer n’importe quel coureur adverse. Plaquages, sacks, interceptions, les trois hommes sont aux quatre coins du terrain. Dans l’arrière garde, Otis Smith pique 5 passes et marque 2 fois. Ty Law n’a besoin que de 3 interceptions pour inscrire autant de touchdowns et s’inviter au Pro Bowl aux côtés de son pote safety Lawyer Milloy. Si tout ce beau monde concède des yards en pagaille (23e de la ligue), ils sont nettement moins généreux au petit jeu des points (6e) et offrent un immense bol d’air à leur quarterback en culottes courtes.
11-5, les Patriots retrouvent les séries après 3 années de disette. Sous la neige et dans la controverse, ils viennent à bout des Raiders de Charles Woodson. Une semaine plus tard, sous une pluie de mouchoirs jaunes et avec l’aide d’un Drew Bledsoe rétabli et qui vient au secours d’un Brady blessé, ils s’imposent au Heinz Field dans une finale de conférence électrique. La 300e victoire dans l’histoire de la franchise. Pour la troisième fois de leur histoire, ils iront au Super Bowl. Pour la troisième fois de leur histoire, il se jouera à La Nouvelle-Orléans. Là-bas, ils retrouveront la dernière équipe à les avoir fait chuter. En semaine 10, sous les projecteurs du Sunday Night Football, ils tombent face à des Rams pourtant décimés en défense. Impressionné par le jeu physique des Pats, Mike Martz prévient, « ils ont le potentiel pour aller jusqu’au Super Bowl. » Bien vu. 5-5 après ce revers en primetime, ils ne perdront plus une seule fois. Au terme d’une saison aux allures de rêve éveillé, la 301e victoire pourrait bien être la plus belle de toutes.
This is the Law
Ébranlé par la folie meurtrière des attentats du 11 septembre, le pays est en émoi et en alerte. La semaine 2 repoussée d’une semaine, c’est tout le calendrier qui s’en retrouve boulversé. Pour la première fois de l’histoire, le Super Bowl se jouera en février. Le premier dimanche du mois. Une première qui deviendra la règle deux ans plus tard. Mais en 2002, cela relève du casse-tête logistique pour les organisateurs. Initialement voué à représenter l’esprit de La Nouvelle-Orléans, le logo se pare finalement de bleu-blanc-rouge et hommage aux victimes des attentats de l’automne. 11 agences de sécurité chapeautées par le Secret Service, plus de 5000 agents des forces de l’ordre. Le temps d’une nuit, le Superdome se transforme en Fort Knox. À l’intérieur, à l’extérieur, dans le ciel, ils sont partout. Paul McCartney chante la liberté, Mariah Carey entonne The Star-Spangled Banner et l’ancien président et vétéran de la Seconde Guerre mondiale George Bush, avec l’aide du Hall of Famer Roger Staubach, lui-même vétéran du Vietnam, fait s’envoler la pièce qui décidera laquelle des deux équipes aura le ballon.
Sur un AstroTurf qui vit ses dernières années de gloire et son dernier Super Bowl, on ne donne pas cher de la peau des Patriots. Si la défense ne manque pas de talent, Tom Brady n’a clairement pas les épaules pour un événement d’une telle envergure. Surtout qu’en face, Kurt Warner est en apesanteur. Le conte de fée a suffisamment duré. Se hisser jusqu’à la finale relève déjà de l’impensable et d’un joli coup de pousse du destin, des règles et des arbitres. Face au rouleau compresseur du Midwest, les Pats sont donnés perdants par deux touchdowns. Touché en finale de l’AFC, l’ancien passeur des Wolverines tient bien sa place. Gavé aux anti-douleur toute la semaine, il n’a pas raté le moindre entraînement.
« Chaque fois que nous nous sommes retrouvés dos au mur, nous avons su répondre présent, » confiera Brady au Washington Post. « La semaine dernière à Pittsburgh (en finale de l’AFC, ndr), Drew Bledsoe entre en jeux et lance des touchdowns. Contre Oakland (2 semaines plus tôt, ndr), Adam réussit le coup de pied de la victoire. C’est juste incroyable. »
Dans la semaine de préparation, un Patriot confiait que de toute la saison, il n’avait jamais été aussi violemment frappé que lorsque son quarterback était venu célébrer un touchdown en écrasant son casque contre le sien. Le gamin est motivé comme jamais, prêt à réécrire l’histoire. Brady vs. Warner. Deux joueurs qui doivent leur salut à des blessures. Deux joueurs au talent passé inaperçu. Qui aurait cru qu’ils se retrouveraient un jour sur la plus belle scène du football à lacet ?
Dans un élan de fraternité, Bill Belichick refuse de choisir qui de la défense ou de l’attaque sera introduite au compte goutte. Non, les Pats feront leur apparition sur le terrain en tant qu’équipe unie. Ensemble. Tous ensemble. Le message est fort
Dans un début de match accroché, Kurt Warner rate à peu près tout ce qu’il tente. 4 des ses 5 premières passes sont ratées et les Rams doivent rapidement rendre le ballon. Tom Brady est un peu plus inspiré, mais le résultant n’est pas plus brillant. Hors propos sur sa première série, le passeur de St. Louis récite son football sur sa deuxième. Tout ce qu’il avait raté une poignée de minutes plus tôt, il le réussit avec maestria. Tout le monde touche au ballon et Jeff Wilkins ouvre le score de loin. 3-0. Un stop express en défense et le cuir revient déjà dans les mains des hommes en or. Torry Holt, Isaac Bruce & Co verrouillés par le marquage ultra physique des Pats, Marshall Faulk donne le ton au sol, Warner distribue une jolie passe de 29 yards vers Az-Zahir Hakim et Wilkins rate l’occasion de doubler la mise de 52 yards.
Inexistants en attaque, les protégés de Bill Belichick s’en remettent à une défense possédée qui s’applique à démolir l’arsenal XXL du Missouri et le contraint à d’inhabituelles longues séries qui n’aboutissent que sur des miettes. Un travail de sape usant tant pour les corps que les esprits. Frustrer les Rams, tel est l’objectif. Et ça ne va pas tarder à porter ses fruits. Chargé par un blitz d’un Mike Vrabel sans opposition et qui lui balance sa main en pleine face, Warner ne voit plus rien, panique et force sa passe vers Isaac Bruce. Ty Law surgit, vole le ballon et sprinte jusque dans la peinture bleue la paume ouverte vers le ciel, 47 yards plus loin.
« Tout a basculé à ce moment-là, » confiera Law au NY Times. « Ça a commencé là. À partir de ce moment, nous étions intenables. C’était une incroyable opportunité. Personne ne nous croyait capables de rivaliser avec ces gars, mais nous leur avons encore prouvé le contraire. Nous avons tout donné et nous les avons défiés. Nous les avons défiés physiquement. Nous les avons défiés mentalement. C’était grisant. C’est le meilleur groupe de receveurs depuis bien longtemps, mais aujourd’hui, nous avons été meilleurs en tant qu’équipe. »
Il peut bien se dandiner comme il veut, il vient d’expédier son poing dans la tronche du Greatest Show on Turf. Groggy, Kurt enchaîne les passes ratées. Les Pats préfèrent insister au sol, eux. Sans grand succès. Tom Brady se mange une double lame et les deux formations s’échangent les punts. Et quand Kurt Warner parvient enfin à allonger une passe dans le secteur intermédiaire, Ricky Proehl se fait écrabouiller par Antwan Harris et dégueule le cuir dans les bras du defensive back Terrell Buckley à 40 mètres de son en-but.
16 yards dans les gants de Troy Brown, 8 dans ceux de Jermaine Wiggins, 8 de plus avec les jambes Kevin Faulk, la endzone est à deux pas. En mouvement, David Patten exécute un rapide quick out, les yeux rivés vers son passeur, Tom Brady réalise un modèle de feinte, le défenseur mord dans l’appât à pleines dents et le quarterback délivre un délice d’anticipation vers son receveur qui repique vers le fond de la peinture et offre un catch acrobatique. 14-3. Conclusion d’école au terme d’un drive d’école. Mais d’où sort ce Tom Brady ? Il reste 36 secondes. Warner met le genou à terre. Stupeur. Donnés battus par 14 points, les Patriots mènent de 11 unités à la pause. De toute la saison, jamais les Rams n’avaient accusé un écart supérieur à 8 points à la mi-temps.
We’re all patriots
Janet Jackson ne dévoilera pas son téton sur la scène du Superdome. Tête d’affiche prévue de longue date, elle a finalement laissé son micro au groupe irlandais U2 pour un show commémoratif en l’honneur d’une Amérique encore eu deuil. L’émotion passée, retour au jeu. Les Pats rapidement stoppés, Kurt Warner attaque le second acte avec mordant. 18, 20, 22 yards. Il distribue les passes à ses trois receveurs et avance à grandes foulées. Et quand il rate une transmission, Otis Smith se charge de l’interférence défensive. Les Rams menacent. Ils sont sur les 41 de la Nouvelle-Angleterre. Ils n’iront pas plus loin. Kurt Warner est expédié 7 yards en arrière par l’effort conjugué du double mètre de Richard Seymour et de toute l’énergie de Mike Vrabel. Deux passes dans le vent plus tard, punt.
Après une série pour du beurre des Pats, les Béliers retrouvent le ballon et choisissent de laisser Marshall Faulk faire ce qu’il sait faire de mieux : engloutir les yards à grosses bouchées. 12, 6, 12. Tout va bien, jusqu’à ce que Kurt se décide à relancer le cuir. Si sa première passe trouve les gants de Torry Holt pour un court gain, la seconde trouve ceux d’un Otis Smith omniprésent qui profite de la glissade de Holt et remonte 30 yards dans la direction opposée avant d’être neutralisé par Warner en personne. La défense fait front et Adam Vinatieri corse l’addition de 37 yards. 17-3. Les Rams viennent d’éviter le pire. Un touchdown leur aurait été fatal.
Comme sortis de leur léthargie par une décharge électrique salvatrice, les joueurs du Missouri dévalent le terrain à toute allure. Kurt Warner décortique le secondary des Patriots en exploitant toute la richesse de son arsenal offensif et se hisse enfin dans la redzone après près de 50 minutes de jeu frustrantes comme jamais. 2nd & goal à trois yards de la ligne. Passe ratée une fois, passe ratée deux fois. Plutôt que de prendre 3 points qui ne suffiraient pas, Mike Martz ordonne à se hommes de jouer le tout pour le tout. Hut ! Kurt Warner recule, attend qu’une fenêtre de titre ne s’ouvre. Rien. Le quarterback décide d’y aller seul, se fait croquer tout cru par Roman Phifer, le ballon saute de ses bras, Tebucky Jones s’en empare dans son en-but et s’enfuie à toute vitesse dans l’autre direction pour n’être repris que 97 yards plus loin. Invraisemblable. Mais toutes ces émotion pour rien. Willie McGinest prend Marshall Faulk dans ses bras et l’empêche complètement de jouer les pompiers de secours. Holding. 1er essai sur la ligne de un. Le coureur se fait rembarrer, mais par Kurt Warner. Touchdown. We got a game ! 17-10.
Comme galvanisée par ce renversement de momentum, la défense de St. Louis n’a besoin que de 90 secondes pour rendre le cuir à son attaque. Plus question de courir, Warner arrose comme un jardinier. Passe après passe, il se hisse jusqu’au milieu du terrain, mais bute sur un mur. Punt. Pris à la gorge, les Pats sont une nouvelle incapables d’arracher un premier essai et balancent un vieux punt tout pourri de 30 yards qui atterrit sur les 45 des Béliers. Two-minute warning. La cavalerie cornue repart à la chasse. Dénouement fabuleux en perspective. En trois passes et 39 secondes, Kurt Warner fait exploser le Superdome et sur la dernière, Ricky Prohel crochète vers l’intérieur, efface deux défenseurs et plonge dans la endzone. Incroyable. 17-17. Sur le bord du terrain, Dexter McCleon confit son avis sur le jeune passeur des Patriots à Dré Bly : « Tom Brady, overrated. »
1 minutes, 21 secondes, 83 yards de synthétique vert devant lui, 11 mecs en or déterminés à le détruire, des millions d’yeux rivés sur lui, aucune temps mort et une légende à écrire. Avec un relâchement et une concentration bluffants, Tom Brady entre en scène. Sur la première action, à deux doigt de se faire arracher le ballon, il fait parler ses talents d’improvisation, délivre une astucieuse passe à son coureur, se mange un bon tampon et se redresse sans ciller. Au micro de la FOX, l’éternel John Madden a beau clamer ne pas saisir la stratégie agressive de Belichick si proche de son en-but et répéter, « jouez les prolongations, jouez les prolongations, » les Pats se ruent à l’attaque. Les prolongations, ils n’en veulent pas. Leur objectif est simple : les poteaux. Tuer le match, pas le faire durer. Du pur Bill.
Une passe réussie, deux passes réussies, premier essai, spike. Encore une passe réussie vers J. R. Redmond, le coureur file en touche, premier essai, chrono arrêté. John Madden est en train de changer camp, sous le charme de l’audace du coach de la Nouvelle-Angleterre. Un blitz agressif, Tom Brady se débarrasse du ballon. Il reste 29 secondes, les « defense, defense » tombent des travées du Superdome. 23 yards dans les gants de Troy Brown, direction la touche sur les 36 de St. Louis, chrono arrêté. 21 secondes. Adam Vinatieri accélère son échauffement. Une passe réussie qui rapprochent les poteaux de 6 yards, tic-tac tic-tac, spike. 7 secondes et 48 yards pour se hisser sur le toit du monde. En 6 années de carrière, jamais le kicker n’a raté la cible dans un stade couvert. 24/24. Et bientôt, 25/25. Le ballon à peine parti de son pied, il sait. Vinatieri exulte les deux bras tendus vers le ciel. Il ne reste plus une seconde au chronomètre, le cuir traverse les poteaux jaunes. Les Patriots sont sur au 7e ciel. Drive d’anthologie. Scénario merveilleux. Maintenue en vie par une défense phénoménale de bout en bout, c’est l’attaque qui sera allée chercher la victoire au bout de la nuit. À l’ultime seconde. La victoire de toute une équipe. « C’est comme ça que chaque Super Bowl devrait se gagner, » lâche un Madden admiratif de la maîtrise et du talent de Tom Brady, MVP de la rencontre et plus jeune quarterback jamais sacré.
« Nous avons une vraie équipe de champions, et les gars n’ont jamais lâché, » racontera le héros du soir, Adam Vinatieri. « Nous avons surpris le monde entier, mais nous ne nous sommes pas surpris nous. »
Pour la première fois dans l’histoire du Big Game, une équipe sera allée chercher le titre sur la toute dernière action. Un dénouement unique pour une nuit unique. Quelques mois après l’épouvante du 11 septembre, dans un Super Bowl aux allures de grande messe patriotique à l’émotion palpable, une équipe drapée de bleu, blanc et rouge vient de réaliser l’une des plus grandes surprises de l’histoire et de mettre la main sur le trophée Lombardi. Son nom : les Patriots. Même Hollywood n’aurait pas osé. L’histoire fait si bien les choses parfois.
« Nous somme tous patriotes, et ce soir, les Patriots sont champions du monde, » lâche le propriétaire Robert Kraft sur la scène.
À plus de 40 ans, portés par un gamin en qui personne ne croyait vraiment, les Pats viennent de conquérir le premier titre de leur histoire. Et pas le dernier. Dans la nuit de La Nouvelle-Orléans, la NFL vient d’accoucher d’une nouvelle dynastie.