À 23 semaines du Super Bowl LII, épisode 28 de notre rétrospective exceptionnelle, le Super Bowl XXVIII.
Dallas Cowboys (NFC) vs Buffalo Bills (AFC) – 30 janvier 1994
Quatre. Pour Dallas, la délicieuse promesse d’un quatrième titre. Le deuxième consécutif. La consécration de leur toute-puissance. Un nouveau couronnement aux allures de canonisation pour les dieux des gridirons cuvée 90’s. Pour Buffalo, le spectre infernal d’un quatrième revers. Le quatrième consécutif. Du jamais vu. On en frissonne d’effroi rien qu’à y penser. L’avènement d’une dynastie à Dallas, la sombre menace d’une malédiction glaçante à Buffalo. A Tale of Two Franchises.
Guess who’s back ?
Champions en titre, blindés de superstars au summum de leur carrière, les Cowboys de Jimmy Johnson attaquent 93 la bave aux dents. Des molosses enragés. Peut-être un peu trop. Car malgré leur appétit vorace de succès, l’effervescence va très vite retomber. Brutalement même. En semaine un, les croulants Redskins d’un Joe Gibbs en fin de règne leur balancent leur poing en pleine tronche (16-35). Du reste de la saison, les joueurs de D.C. ne gagneront que 3 fois. Le genre de revers qui fait tâche pour une America’s Team qui cristallise toutes les passions. De quoi faire enrager Charles Haley.
« On gagnera jamais avec un p**ain de rookie en guise de coureur, » beugle-t-il en écrasant son casque contre un mur du vestiaire.
Un rookie, oui, car non content d’avoir glissé une jolie breloque à son doigt, Emmitt Smith estime ne pas avoir assez de billets verts dans son compte en banque. Le running back pique une crise, exige un nouveau contrat juteux et fait banquette pendant les deux premières semaines. Deux semaines d’absence, deux défaites. Car une semaine après l’humiliant revers face aux papis de Washington, Jim Kelly et les Bills viennent se venger au Texas Stadium dans un match minimaliste (10-13). Alerte rouge. Le board sort finalement son chéquier, Emmitt obtient sa farandole de zéros, devient le coureur le mieux payé de la ligue, arrête de bouder, revient enfin au jeu et, ô miracle, le réveil sonne enfin. Un premier succès face aux Cardinals, puis après une semaine de pause, les Cowboys enchaînent. 12 succès entrecoupés de 2 petites défaites. Les joueurs de Dallas sont en playoffs, mais que ce fût éprouvant pour les nerfs. Entre cagades, bouderie, pépins physiques et guéguerre d’égos entre Jerry Jones et Jimmy Johnson, l’orage n’est jamais très loin à Dallas. Il tourne, tourne, sans jamais s’abattre. Un micro climat qui relève presque du miracle tant l’atmosphère est suffocante parfois.
Risée de toute la NFL quelques mois plus tôt en célébrant comme un guignol un touchdown avant même de l’avoir marqué, Leon Lett s’illustre de nouveau face à des Dolphins privés de Dan Marino en semaine 13. Le jour de Thanksgiving, la région de Dallas se retrouve balayée par une tempête hivernale pas vraiment texane. Mercure en-dessous zéro, déluge de neige. Du jamais vu. Dans un match dantesque et avec une poignée de secondes à jouer, les visiteurs sont à portée de poteaux d’une victoire épique. De 41 yards, la gagne au bout du pied, Pete Stoyanovich s’élance. À peine envolé, le ballon vient s’écraser contre une forêt de mains texanes. Explosion de joie dans le Texas Stadium. Le ballon retombe sur la neige fraiche qui n’en finit plus de tomber, les Cowboys n’ont plus besoin de s’en soucier, le match est plié. Entourée par trois Dauphins en attente d’un improbable miracle, la balle git sur son tapis blanc. Bien décidée à ne plus s’en détacher. C’est sans compter sur Leon Lett. En gaffeur invétéré, le defensive tackle court sans raison vers le petit attroupement, glisse, se vautre lamentablement et donne un coup de pied fatal dans le cuir. Le ballon revient à la vie. Une pluie de joueurs s’abat dessus et l’envoie valser derrière l’en-but dans la confusion la plus totale. Après conciliabule, les arbitres redonnent la possession aux Dolphins sur la ligne de 3. Stupeur. De 19 yards, le botteur de Miami ne tremble pas et vole la victoire dans une fin de match de dingue. Symbole d’une saison spéciale.
En dépit des bouffonneries de Lett et d’une équipe moins impressionnante que la saison passée, les Cowboys demeurent une redoutable machine à scorer. Malgré une rencontre qui tourne court et s’arrête brutalement dès sa première course face aux Falcons, Emmitt Smith décroche son 3e titre de meilleur coureur consécutif. 1486 yards et 9 touchdowns au sol, 414 et un touchdown de plus dans les airs, il sait tout faire. Un pur régal. Face aux Eagles en semaine 9, bien reposé après une seconde bye week, le coureur piétine une défense de Philadelphie pourtant bourrée de talent, cavale pour 237 yards et signe la 6e meilleure performance au sol de l’histoire. Moins aérien qu’en 92 et emmerdé par des pépins physiques, Troy Aikman balance 3100 yards, 15 touchdowns et 6 interceptions, bien au chaud derrière une ligne offensive portée par trois Pro Bowlers : Mark Stepnoski, Erik Williams et Nate Newton. Yards et touchdowns en pagaille, Michael Irvin continue de régaler et d’assurer un service 5 étoiles, bien épaulé par le tandem Alvin Harper/Jay Novacek.
En semaine 18, dernière d’une saison à deux bye weeks, les Cowboys et leur armée de Pro Bowlers doivent à tout prix l’emporter pour conserver le trône de la NFC Est et s’assurer une énième semaine de repos. Face aux Giants, en pleine possession de ses moyens, Troy Aikman déploie une précision chirurgicale pendant qu’Emmitt Smith, touché à l’épaule dans le premier acte, dissèque la défense new-yorkaise et conquit un total de 229 yards dans une démonstration de force à se pâmer. Au bout du suspense et de la prolongation, les Texans arrachent un succès crucial. 12-4, une exemption de premier tour et une confiance reboostée. Les Packers de Brett Favre écartés avec autorité, les Cowboys terrassent les 49ers et leur attaque XXL dans un match aux allures de passation de pouvoir. La décennie 80 avait été celle de San Francisco, les 90’s appartiendront aux joueurs de Dallas. À Atlanta, dans un Georgia Dome flambant neuf, les Texans iront défendre leur titre.
Hégémons de l’AFC depuis 3 ans, les Bills tracent tranquillement leur chemin, malgré une fin de saison plus tortueuse. Après 7 succès parfois autoritaires, souvent accrochés au cours des 8 premières semaines, les protégés de Marv Levy concluent leur 8 derniers matchs sur un 50-50 plus partagé. Pourtant, malgré un mois de novembre inquiétant, le parfum des playoffs leur redonne des ailes et leur fin de saison en boulet de canon refait naître mille espoirs. Buffalo Wild Wings. Un bilan identique à celui des Cowboys, mais une saison nettement moins houleuse. L’autoroute du Super Bowl n’a pas de secret pour eux. Mais cette fois-ci, ils croisent les doigts pour ne pas se tromper de sortie.
À la tête d’une no huddle offense qui ne se démode pas, Jim Kelly continue de faire chuter son ratio TD/INT jusqu’à l’équilibre. 3382 yards, 18 touchdowns, autant d’interceptions, le passeur doit se passer des longues foulées de James Lofton, reparti du côté de L.A. enfiler l’uniforme des Rams. Une place vacante que l’ancien Colt Bill Brookes comble solidement. Si les mains d’Andre Reed et la vitesse de pointe de Don Beebe continuent de faire des ravages et que le tight end Pete Metzelaars sort enfin de son cocon après 4 saisons dans un quasi anonymat, le jeu aérien a perdu un peu de sa superbe de la campagne 91. Le seul à ne pas lever le pied, c’est Thurman Thomas. Le coureur continue d’empiler les yards sans compter. 1315 au sol, 387 dans les airs et 6 touchdowns qui rythment une attaque qui demeure l’atout maître des joueurs de Buffalo.
Car en défense, on tire la gueule. Après le sursaut de 92, l’escouade replonge. Pire qu’en 1991. Et pas question de sortir l’excuse des blessures cette fois-ci. Malgré les 14 sacks du futur Hall of Famer Bruce Smith, les actions d’éclat du Pro Bowler Cornelius Bennett, les 100 plaquages du linebacker à tout faire Darryl Talley et les 9 ballons volés de Nate Odomes, meilleur intercepteur de la ligue, la défense de Buffalo végète en 28e place… sur 29. Si les fiches statistiques individuelles sont bien remplies, le groupe se prend 5810 yards dans la tronche. Une défense souvent généreuse, mais capable de fermer les valves dans la zone rouge et qui ne concède même pas 15 points de moyenne. De quoi remonter sur le trône de l’AFC Est sans trembler.
Au premier tour des playoffs, face à des Raiders qui les avaient vaincus d’un poil en semaine 14 et emmenés par Jeff Hostetler, quarterback des Giants trois ans plus tôt lors du premier revers des Bills au Super Bowl, ils finissent en trombe pour aller défendre leur couronne AFC. En finale, face à des Chiefs guidés par Dieu Montana et ses mains serties de quatre bagues de champion, et qui, eux aussi, les avaient battus en saison régulière, les hommes de Marv Levy tuent rapidement tout suspense, dans la foulée d’un Thurman Thomas possédé et d’une défense sans pitié. Le duel tant attendu entre les 49ers de Steve Young et les Chiefs de Montana n’aura pas lieu. Au lieu de ça, un remake. Le quatrième de l’histoire du Super Bowl. Le même que 12 mois plus tôt. Une première. Et pour les Bills, une quatrième tentative. Celle à ne pas manquer, au risque de sombrer dans la dépression. L’enjeu est immense. La pression incommensurable.
Last Chance Buff
Dans l’excitation grimpante de la semaine précédent le Super Bowl, une grande vague d’empathie s’abat sur les observateurs comme les fans. Pas encore les Bills… Après trois défaites à faire pitié et faire frissonner même le plus cruel des aficionados du ballon à lacet, personne ne veut les voir perdre une quatrième fois. À commencer par un Marv Levy qui a depuis longtemps oublié le goût savoureux de ses succès à la tête des Alouettes de Montréal à la fin des années 70. Pas question de se prendre un nouveau râteau. Le stratège est prêt, son plan de match est simple comme bonjour.
« Un, ne pensez pas être capables d’arrêter Emmitt Smith, et vous y parviendrez. Deux, aucune action n’est terminée avant d’être terminée, alors, elle est terminée pour de bon. Trois, protégez le ballon et tenez le. »
D’entrée de jeu, ça démarre mal. Sur le coup d’envoi, le retourneur texans remonte 50 yards à toute berzingue, Troy et Michael font un bon en avant de 20 yards les yeux fermés et Eddie Murray ouvre le score de loin. Pas le départ rêvé, mais les Bills ont du répondant. Jim Kelly s’échauffe sur une passe de 24 yards pour Thurman Thomas, l’attaque grappille quelques précieux centimètres et de 54 yards Steve Christie pète le record du plus long field goal de l’histoire du Super Bowl. 3-3.
Dans une premier quart-temps qui vire au round d’observation, les deux formations avancent avec prudence. Tenaillées par la peur de commettre la moindre erreur fatale. Vigilants, mais peut-être pas assez. Après un stop en défense, Thomas se vide les narines dans les consignes de Marv Levy et se fait arracher le ballon des mains par le safety texans James Washington. Darren Woodson plonge dessus et redonne la possession aux Triplets. Malgré un bond aérien de 24 yards d’Alvin Harper, les Cowboys butent aux portes de la peinture et Murray ajoute trois nouveaux points. Sauvés d’un punt par un Dave Thomas un peu trop engagé qui envoie Chris Mohr au tapis, les Bills saisissent leur seconde chance à deux mains. Une opportunité trop rare pour être gâchée. Thomas grignote au sol, Kelly distribue intelligemment dans le petit périmètre et le running back achève en beauté un drive interminable de 17 jeux et 80 yards. Buffalo prend les commandes. 10-6.
Emmitt Smith et Michael Irvin ont beau donner le tempo sur le drive suivant, le reste de l’orchestre ne suit pas et John Jett dépose un bijou de punt de 43 yards sur la ligne de 1 de Buffalo avec la complicité de Matt Vanderbeek. En une passe, la doublette Andre Reed/Jim Kelly propulse les Bills à distance respectable de la peinture. S’ils n’iront guère plus loin, Chris Mohr décoche à son tour une merveille de punt que Steve Tasker vient immobiliser à un yard de l’en-but texans. Dans un nouveau copier-coller qui frôle le plagiat entre les deux franchises, les Cowboys remontent jusqu’à la mi-terrain. Mais cette fois-ci, pas de nouveau punt. Placé en sentinelle, Nate Odomes profite du pass rush de Bruce Smith pour voler une passe expédiée précipitamment en profondeur en direction de Michael Irvin et remonte 41 yards en sens inverse, sur les 48 de Dallas.
Avec 63 secondes à exploiter au mieux avant la pause, Jim Kelly distribue quelques passes à ses jouets préférés et hisse sa K-Gun à 12 yards de la délivrance. Dallas ressert l’étau, verrouille le jeu et neutralise l’attaque de New York sur les trois jeux suivants. Christie clôt le premier acte en expédiant le cuir entre les poteaux jaunes alors qu’il ne reste plus le moindre dixième de seconde au chrono. 13-6. Avec la complicité de Cowboys inhabituellement maladroits et indisciplinés, Buffalo a un ongle sur le Trophée Lombardi. Si Thurman Thomas a visiblement oublié les consignes de match, la défense, studieuse elle, aura parfaitement su museler Emmitt Smith. Privé de endzone, privé de ballons, le coureur doit se contenter de 41 yards. Surtout, les Texans sont trop prévisibles. Troy Aikman le sent. Troy Aikman le sait.
« À la mi-temps, nous savions qu’il fallait qu’on mette le jeu au sol en marche. Nous l’avions délaissé, nous étions trop unidimensionnels. »
Plus pour longtemps.
Imite Smith
Les chapeaux de cowboys et guitares sèches d’un halftime show sauce country des plus texans retournés s’asseoir en tribunes, les Cowboys casqués reviennent sur le terrain comme des morts de faim. Pas vraiment content d’être mené à la pause, Jimmy Johnson est l’homme le moins inquiet du monde. Il voue en ses joueurs une confiance absolue. Les Bisons, eux, sont encore en train de brouter dans le vestiaire. 45 secondes se sont à peine écoulées dans le 3e quart que Leon Lett fait péter le ballon des bras du cancre de la classe, Thurman Thomas. James Washington le ramasse et file à dam 46 yards plus loin, patient, zigzagant derrière ses bloqueurs. 45 secondes. L’avantage des Bills n’aura pas duré plus longtemps. 13-13. Le match vient de basculer.
« Il fallait qu’on fasse quelque chose pour inverser le momentum et James (Wahsington) s’en est chargé, » racontera Charles Haley après le match. « Quand l’attaque a pris la relève pour passer devant, c’est comme si une bouffée d’énergie s’était propagée dans toute l’équipe. Nous n’avons fait qu’attaquer après ça. Nous n’attendions rien, mais le fumble a fait basculer le match de notre côté. Nous savions qu’ils en avaient commis beaucoup durant la saison. Nous savions qu’ils allaient échapper le ballon, ne nous restait plus qu’à mettre autant de mains que possible dessus. »
Un double câlin signé Jim Jeffcoat et Charles Haley plus tard, Jim Kelly se mange 13 yards dans la mauvaise direction et les Bills doivent punter. Puis les Cowboys lâchent la cavalerie. 8 jeux, 7 courses, 64 yards et au bout : 7 points. Emmitt Smith engloutit les yards comme un cochon et comble les 15 derniers d’un trait. 20-13. Parfaitement en place défensivement, les Texans ne laissent pas la moindre chance à Jim et sa K-Gun de semer un quelconque semblant de panique. Au contraire, c’est le doute qui commence à s’inviter dans les têtes new-yorkaises. Et quand le quarterback attaque le dernier quart-temps en envoyant une passe dans les mains d’un James Washington décidément bien inspiré, ce vilain doute ne fait qu’empirer. Surtout qu’en face, Emmitt Smith est en mission. Dans les airs, au sol, le coureur cavale dans tous les sens, dans toutes les directions, parfaitement aidé par une ligne offensive en train de faire main basse sur la bataille des tranchées sous les yeux d’un Thurman Thomas spectateur criblé de crampes d’une rencontre dont il ne disputera pas les 15 dernières minutes. Déposés à 6 yards de la ligne par une réception d’Harper, les Cowboys butent une fois, deux fois, trois fois, mais pas quatre. 4th and 1. Jimmy Johnson tente sa chance. Emmitt lui envoie tout son amour et Dallas creuse l’écart. 27-13. La défense de Buffalo est dépassée, transpercée de partout.
« Nous ne réussissions plus aucun plaquage et en rations des tonnes, » déplorera le linebacker Darryl Talley. « Nous courrions après eux au lieu de leur rentrer dedans. »
Côté texan, on défonce tout ce qui bouge. Un sack du defensive tackle Jimmie Jones qui fait reculer Jim Kelly de 13 yards sur un troisième essai, un punt tout pourri qui ne parcourt que 29 petits yards et Troy Aikman reprend les commandes des opérations. 9 jeux, 49 yards et un peu plus de 4 minutes de jeu qui s’envolent, les Cowboys n’en ont pas besoin de plus pour définitivement tuer le match. Alvin Harper joue un nouvelle fois les wingmen en attrapant une spirale de 35 yards qui le fait échouer à un yard du paradis. Malgré un faux départ qui les fait reculer de 5 yards et 3 courses improductives qui font disparaître de précieuses secondes, les joueurs de Dallas plient l’affaire grâce à la botte de Murray. 30-13. Il n’y aura pas de comeback. Les Bills sont restés au vestiaire. Spectateurs des déboulés ravageurs d’un Emmitt Smith intenable. 132 yards en tout, 91 rien qu’en deuxième mi-temps, et une couronne de MVP du Super Bowl qui vient rejoindre celle de meilleur joueur de la saison régulière.
« Mission accomplie, » résume le coureur. « Nous avons attaqué la saison en visant le doublé. Ça a été une année formidable tant pour moi que pour le reste de mes coéquipiers. Être sacré MVP de la ligue et du match, que demander de plus. »
Douche de gatorade, accolade entre Jimmy Johnson et Jerry Jones, coup de fil de Bill Clinton, côté texan, on savoure un titre bien plus dur à conquérir qu’il n’y paraît. Grand artisan de ce nouveau succès, surexcité, Emmitt Smith prend un malin plaisir à ruiner la permanente de son coach. De l’autre côté du terrain, c’est jour d’enterrement. Un, deux, trois, quatre. Turnover on downs. Buffalo vient de réécrire le livre des records du sport professionnel. Symbole de la lose ultime, la franchise du nord de l’État de New York vient de laisser filer son ultime chance de titre dans un second acte inepte. Le raté de trop. Le pire.
« C’est la pire défaite, » racontera Andre Reed. « Nous aurions dû gagner, et les voilà qui nous collent 24 points sans réponse. Ce dernier fumble est terrible. C’est le genre de choses qui n’arrivent qu’aux Bills. Ça nous déchire le cœur. »
Dégoûté, coupable, Thurman Thomas ne fuit pas sa responsabilité.
« Dallas ne nous a pas dépecés en seconde période, » explique le coureur. « C’est moi qui perd le ballon. Je nous coûte le match. J’en prends la responsabilité, j’ai renversé le momentum. C’est une défaite terrible, mais je ne vais pas me souler à mort ou mettre fin à mes jours. »
Et heureusement. Le centre Kent Hull, bien conscient que c’est toute une génération de Bills qui vient de dire adieu à son rêve le plus cher préfère voir le positif. Dans plusieurs années, on ne se souviendra pas que de ces malheureux perdants, mais des rois de l’AFC quatre années durant. Une sacrée équipe. Mais aussi des sacrés losers. Aux côtés des Broncos et des Vikings, ils ne se sentiront pas trop seuls. Mais sur la pelouse du Georgia Dome, un vide immense. Un gouffre émotionnel sans fond. Une détresse totale. Tout le monde le redoutait. Et au fond, tout le monde s’y attendait. Pour la quatrième année de suite, l’hiver sera long. Très long. A long night.
« Nous sommes désolés pour eux, mais nous n’avons pas pu nous en empêcher, » lâche Michael Irvin en guise de mot de la fin.
Fin d’une quête. Fin d’une génération. Fin d’un rêve.