On donne souvent à la NFL ce surnom de « Not For Long » (« Pas pour longtemps »), symbole du turnover permanent de joueurs jamais à l’abri d’une blessure grave et d’être jeté dans les oubliettes de l’histoire par les performances de leurs remplaçants. De facon amusante, ce surnom pourrait également être traduit par «Pas pour Long » mais la ligue accueille pourtant actuellement sept joueurs avec ce patronyme rendu célèbre par les performances de Howie, Raider légendaire et Hall of Famer. Et si seulement deux d’entre-eux sont ses fils, il en est un, Kyle, qui n’a pas vécu le même parcours doré que son père et de son grand-frère pour arriver là où il en est aujourd’hui : être l’un des meilleurs offensive linemen de NFL. Pour Kyle Long, c’est sa vie sportive tout simplement qui a failli n’être « pas pour longtemps »…
Oh oui pour la Virginie!
Si son frère Chris nait à Santa Monica en 1985 alors que son père n’en est encore qu’à la moitié de sa carrière sous les couleurs des Raiders, c’est en Virginie que naît Kyle Long en 1988. Pourquoi la Virginie pour Howie, joueur né dans le Massachussets, ayant joué à l’Université de Villanova (Pennsylvanie) et n’ayant connu que Los Angeles et Oakland comme lieu de villégiature en pro? Le père de famille expliquera « avoir cherché après sa retraite le meilleur endroit pour élever (ses) enfants, explorant toutes les options de l’Oregon à Cape Cod » et avoir choisi Charlottesville (Virginie) car il ne « voulait pas les élever à Los Angeles, pour un tas de raisons comme les inondations, les tremblements de terre ou les émeutes » que la mégalopole californienne venait de connaître alors qu’il raccrochait le casque et les protections en 1993.
L’aîné des trois fils, Chris, deviendra l’un des footballeurs phares de l’équipe de Virginia University où, selon ses propres mots, « il ressentait de la pression mais de la bonne pression » d’être le fils d’une telle légende, qui plus est en jouant au même poste. Le point de départ d’une carrière qui l’amènera à etre sélectionné en 2e position de la draft 2008 par les St. Louis Rams et d’y effectuer une très bonne carrière jusqu’à maintenant.
« Nous faisons tout ce qu’une famille peut faire. Aimer ses enfants et les aider à apprendre de leurs erreurs » Howie Long en 2009
Pour le cadet, Kyle, le football n’était pas sa principale passion. S’il s’était essayé au jeu, l’interdiction pour lui de toucher la balle en raison d’une restriction due son poids en catégories de jeunes l’avait orienté vers d’autres terrains de jeu. S’il continue son chemin sur les terrains de foot du lycée de St Anne’s au poste d’offensive tackle, c’est le poste de pitcher au baseball qui l’attire plutôt et, avec la bénédiction de son père « qui m’a toujours supporté dans toutes mes décisions, qu’elles aient été sportives, musicales ou culturelles », il se donne à fond dans la pratique de l’American Pastime. Le gène du talent ne l’ayant pas oublié en route, son physique impressionnant (1m98) lui permet d’envoyer des lancers à plus de 150 km/h, si explosifs que les Chicago White Sox décident de le drafter en 2008 (au 23e tour), alors qu’il sort à peine du lycée. Sa moyenne de 50% à la batte au lycée (un chiffre au dessus de 30% de réussite est considéré comme une excellente moyenne en baseball) est également la preuve de son excellente coordination. La route des pros dans un sport qu’il adore semble alors s’ouvrir à lui, apportant un Long de plus dans une ligue sportive professionnelle, Kyle étant même considéré alors comme un meilleur athlète que son frère Chris.
« Je suis heureux avec ce que je fais. Il fut un temps où j’ai essayé de m’enfuir loin du football et de suivre mon propre chemin. Mais on ne peut echapper au sang qui coule dans ses veines. Je suis un joueur de foot, c’est dans mon ADN » Kyle Long en 2013
Florida State of Mind
Se considérant encore jeune et ayant soif d’expériences en tous genres que n’offre surement pas la vie en Virginie, Kyle Long décide de faire l’impasse sur cette ouverture professionnelle et d’aller goûter aux joies de l’Université à l’américaine en ralliant Florida State University pour y jouer au poste de pitcher. Ce sera surement la plus grande erreur qu’il pourra commettre. Il ne lancera aucune balle pour les Seminoles de toute sa carrière…
« Nous avons gardé nos enfants proches de nous. Mais ça a vraiment eu un effet terrible lorsque Kyle a dû prendre sa première grande décision.[…] Passer d’avoir des règles à la maison à ne plus en avoir du tout a été très dur pour lui » Diane Long, mère de Kyle Long
Lâché dans le grand bain des légendaires fêtes étudiantes floridiennes, le grand Kyle noie sa liberté dans l’alcool. Effet collatéral, ses résultats scolaires sont catastrophiques et le force à quitter l’Université sans avoir jamais participé à un match. Le fond du bassin est atteint lorsqu’il est arrêté en Virginie pour conduite en état d’ivresse. Si l’alcootest atteint en fait un niveau qui aurait été encore considéré en dessous de la limite dans l’Etat dix ans auparavant, cet événement est une véritable révélation pour Long qui reprend sa vie en main en réalisant qu’il a « toutes les cartes en main pour réussir mais qu’il fout tout en l’air en ne prenant pas soin de mettre de l’ordre dans sa vie ».
Remis en selle à Saddleback
C’est en Californie, lieu des exploits de son père, que Kyle Long décide de s’exiler. Le Saddleback Community College de Mission Viejo au Sud de Los Angeles lui permet de remettre le pied à l’étrier de sa vie d’athlète, mais aussi de sa vie tout court. A 21 ans, il découvre enfin le goût du football en lui et, après avoir joue defensive end lors de sa première année, il redevient l’offensive lineman puissant de ses débuts et y brille à tel point que l’Université d’Oregon lui offre une bourse pour venir finir son cursus universitaire chez les Ducks. Il l’accepte avec d’autant plus de plaisir que Chip Kelly, le coach, ne lui promet aucun egard dû à son nom, à son père ou à son frère. Tout ce qu’il obtiendra, il devra le gagner sur le terrain. Un must pour un Kyle Long en quête d’identité.
« Je serai éternellement reconnaissant envers le football parce qu’il a été mon sauveur. Ma famille était mon système de support mais le football est mon berceau, un lit à barreau qui me donne des limites » Kyle Long
Malgré son 1m98 et ses 140 kilos, l’effectif des Ducks est néanmoins encore un peu dense pour le fils de Howie Long après tant de temps passé loin du très haut niveau. Cela n’empêche pas Coach Kelly, que Kyle considère maintenant comme « son oncle », de lui enseigner, par exemple, la meilleure façon de bloquer, notamment sur les screen-pass (en utilisant l’analogie d’une part de pizza que l’on vient dérober devant vous. Du Chip Kelly dans le texte…).
Avec l’aide de James Harris, parti chez les Eagles en même temps que Kelly en tant que « Chef de Cabinet » du coach, Kyle Long s’éveille également à la nutrition, à l’importance du sommeil et du travail à effectuer chaque jour après l’entraînement. Sa progression est telle que lorsque le guard de l’équipe se blesse, c’est lui qui prend sa place. Il ne la lâchera plus pour les quatre matches restants lors de cette saison 2012.
« Il est extrêmement athlétique. Il peut courir le 40m en 4sec 8. Il est agressif. Il est physique. C’est vraiment quelqu’un de plaisant à voir jouer sur les vidéos car il adore jouer au foot. J’ai adoré etre son coach. Il est extra» Chip Kelly en 2013
Bad Good News Bears
La draft NFL étant souvent une question de momentum au moment des choix faits par les équipes, le timing ne pouvait être meilleur pour Kyle Long. Après son apparition au Senior Bowl et ses performances à la Combine, les équipes pros le jugent déjà comme étant le 3e meilleur guard de cette fournée. Et si Jonathan Cooper atterrit chez les Cardinals en 7e position tandis que Chance Warmack prend la direction du Tennessee lors du 10e choix, ce sont les Chicago Bears qui le choisissent en 20e position et en font l’une des fondations du renouveau de leur ligne offensive, trop souvent décriée lors des saisons précédentes.
Et si les Bears ne parviennent pas en playoffs à l’issue de la saison, la nette amélioration de leur protection de Jay Cutler et Josh McCown lors de la saison régulière, avec un nombre de sacks accordés passé de 44 à 30, et leur capacité à ouvrir des lignes de course pour Matt Forte valent à Kyle Long une sélection au Pro Bowl dès sa saison rookie.
Même arrivé cinq ans plus tard que son frère dans la grande ligue, c’est bien lui, Kyle Long, le cadet de trois garçons et originellement fan de baseball, qui sera le premier à être ainsi honoré dans la famille, 20 ans après la dernière sélection de leur père Howie. Long sera toujours son nom mais Kyle s’est maintenant fait un prénom. Pas sûr pourtant que cet accomplissement soit le plus dur que Kyle Long ait eu à réaliser dans sa vie…