L’histoire de Kurt Warner, c’est celle d’une success story comme les Américains les aiment tant. Celle d’un joueur talentueux qui a grandi loin du faste des grandes universités. D’un joueur bourré de qualités, mais boudé par les franchises NFL. Celle d’un jeune homme qui aurait pu renoncer au football, mais n’a jamais voulu tirer un trait sur son rêve. Celle d’un parcours totalement atypique, preuve que même en passant par la petite porte, loin des strass et paillettes de la draft, on peut se faire un nom. Et pas des moindres, car le quarterback ne s’est pas contenté de jouer au plus au niveau, il s’est hissé parmi les tout meilleurs de l’histoire à son poste.
La carrière de Kurt Warner, c’est un peu une leçon pour tous les jeunes footballeurs : ne jamais renoncer à vivre son rêve. A force d’abnégation et de détermination, tout est possible. La NFL c’est peut-être bien le reflet des Etats-Unis après tout. De ce fameux « American Dream ».
De l’Arena Football League à la NFL Europe : des débuts cahoteux
Si sa retraite en 2009 a attiré l’attention de toute la presse américaine, son début de carrière s’est fait dans un quasi-anonymat. Avec les Panthers de la petite et confidentielle université de Northern Iowa, il aura dû attendre sa cinquième et dernière année pour enfin décrocher le droit d’être titulaire. C’est auréolé du titre de joueur offensif de l’année de la Gateway Conference qu’il se présente à la draft en 1994. Son nom ne sera jamais appelé. Il est néanmoins signé par les Green Bay Packers. A la lutte avec Brett Favre, Mark Brunell et Ty Detmer, il ne passera pas le cut à l’issue des camps d’été.
De retour à l’université de Northern Iowa en tant qu’assistant de cours diplômé, il travaille également comme magasinier dans une épicerie. Alors que la NFL se désintéresse toujours de lui, il décide de tenter sa chance du côté de l’Arena Football League en 1995. Ses essais avec les Iowa Barnstormers sont concluants. Pendant deux ans Kurt Warner va briller. Il mène son équipe à l’Arena Bowl deux années consécutives et apparaît dans la première équipe All-Arena lors de chacune des saisons. En 1997, il lance 79 touchdowns en 14 rencontres. De quoi éveiller l’intérêt des franchises NFL.
Ancien coach de Warner du côté de Northern Iowa, Mike Kolling convainc les Rams de signer le jeune quarterback. Envoyé en NFL Europe, chez les Amsterdam Admirals, il va briller. En 1998, il mène la ligue au nombre de passes, tentatives complétées et touchdowns. De retour aux États-Unis, cantonné à un rôle de troisième homme, il devra attendre le dernier quart-temps du dernier match de la saison avant d’enfin bénéficier d’un peu de temps de jeu. Les portes de la NFL viennent enfin de s’entrouvrir. Et Warner ne va pas se faire prier pour s’y engouffrer.
Au confluent des rivières Missouri et Mississippi : le faiseur de miracles
Après un été agité en 1999, Trent Green débarque sur les rives du Missouri pour assurer le rôle de titulaire, mais se blesse lors d’une rencontre de présaison. Kurt Warner se voit propulsé dans la peau du quarterback partant d’une franchise qui court après un bilan positif depuis 1989. Les portes de la NFL lui sont désormais grandes ouvertes. La carrière de Kurt Warner est lancée. Et dès sa première saison, il va faire des miracles. Epaulé par Torry Holt, Isaac Bruce et Marshall Faulk, Kurt Warner et l’attaque des Rams vont faire des étincelles. Le quarterback lance trois touchdowns lors de chacune de ses trois premières rencontres et achève la saison avec 4353 yards et 41 touchdowns, records de franchise à la clé. Machine infernale pour les défenses adverses, les Rams emportent tout sur leur passage et renversent les Titans dans un Super Bowl XXXIV mémorable. Cerise sur le gâteau, pour sa première véritable saison NFL, Kurt Warner remporte le titre de MVP. Le jeune quarterback vient de réaliser une entrée fracassante dans la cour des grands.
Dans la lignée de sa première année à la tête de l’attaque des Rams, Warner va affoler les compteurs. Les chiffres parlent d’eux-mêmes. En trois saisons, l’escouade offensive du Missouri va systématiquement atteindre la barre des 500 points, établissant par la même occasion un record. Le « Greatest Show on Turf » est né. En 2000, menée par un Kurt Warner blessé à la main et suppléé par Trent Green, l’attaque de St. Louis lance pour 5232 yards, un record à l’époque que seuls Drew Brees (2011) et Peyton Manning (2013) sont parvenus à dépasser.
En 2001, après le transfert de Trent Green, Kurt Warner poursuit ses prouesses. Il lance pour 4830 yards et 36 touchdowns et mène les Rams à un bilan de 14-2. Auréolé d’un nouveau titre de MVP, le quarterback voit ses rêves de deuxième bague s’envoler sur un coup de pied victorieux d’Adam Viniatieri au bout du temps réglementaire lors du Super Bowl XXXVI. C’est le début des ennuis. Le nombre d’interceptions et de fumbles commence à grimper. Les blessures aux mains et doigts s’accumulent et n’arrangent rien. Après des saisons 2002 et 2003 où il n’aura joué que neuf fois, Kurt Warner est remercié le 1er juin 2004. Fin de l’histoire d’amour avec la franchise. Une formation à laquelle il aura redonné vie.
Cure de jouvence dans le désert de l’Arizona
Après un bref passage par les Giants, il débarque en 2005 dans une autre franchise en perdition, les Cardinals de l’Arizona. Fondé en 1898, le plus vieux club de la ligue végète dans les profondeurs abyssales de la NFL depuis des décennies. En 30 ans, les joueurs du désert n’ont connu le parfum des playoffs qu’à deux toutes petites reprises. C’est dire la tâche qui l’attend. A 34 ans et après le fiasco new-yorkais, c’est une seconde jeunesse que Warner va trouver dans le désert. En cinq années dans l’Arizona, il va effacer trois décennies de morosité et graver à jamais son nom dans l’histoire centenaire de la franchise.
Après trois années cahoteuses où il partage le temps de jeu avec le bust Matt Leinart, Kurt Warner se voit enfin confier les rênes de l’attaque des Cardinals en 2008. Et à 37 ans, il va réaliser l’une des meilleures saisons de sa carrière et écrire l’une des plus belles pages de l’histoire de la ligue. 4583 yards, 30 touchdowns et 67,1% de passes complétées, Warner est sur un nuage. Le trio de receveurs formé de Larry Fitzgerald, Anquan Boldin et Steve Breaston fait des merveilles. Dans la vague de son quarterback, les Cardinals vont tout emporter sur leur passage en playoffs.
Après une saison régulière bouclée sur un bilan de 9-7 et le titre de la NFC Ouest en poche, Arizona ne va faire qu’une bouchée des Panthers et Falcons, inscrivant 30 points ou plus lors des deux rencontres. En finale de la NFC, un Larry Fitzgerald euphorique a raison des Eagles. Les Cardinals vont jouer le premier Super Bowl de leur longue histoire. Dans un match épique, les hommes du désert, emmenés par un superbe Kurt Warner et une défense déchaînée, pensent tenir la victoire, mais Santonio Holmes douche leur rêve de titre à l’ultime seconde sur un numéro d’acrobate dans le coin de la endzone. Pas de nouvelle bague pour Kurt Warner. La déception est immense. L’histoire reste belle et vient s’ajouter à la légende de ce joueur singulier.
A 38 ans, il ne semble pas encore décidé à raccrocher ses crampons. En 2009, dans un dernier baroud d’honneur, il mène à nouveau les Cardinals jusqu’aux playoffs. Au terme d’une orgie offensive face aux Packers, achevée sur le score de 51-45, Kurt Warner livre l’une des plus belles prestations de sa carrière : 29/33, 379 yards et 5 touchdowns. Au tour suivant, les Saints en route vers le titre ne laissent aucune chance aux Cardinals, Warner tire sa révérence. Le faiseur de miracles a frappé pour une dernière fois.
L’unanimité, sur comme en dehors du terrain
Kurt Warner, ça n’est pas seulement un formidable quarterback, c’est également un mec bien. Fervent croyant, chose qu’il n’hésite pas à rappeler à longueur d’interview, il met sa notoriété au service d’œuvres caritatives. En 2001, il crée avec Brenda, sa femme depuis 16 ans, First Things First, une association venant en aide aux personnes dans le besoin. La générosité de Warner va jusqu’à régler la note d’autres tables au restaurant. Des clients choisis au hasard par les enfants du joueur et qui se voient offrir le repas. Sympa!
Le numéro 13 qui l’a suivi tout au long de sa carrière n’est pas étranger à sa foi, c’est un moyen de montrer son dédain pour les superstitions et autres croyances en inadéquations avec ses valeurs. Sa foi, c’est d’ailleurs la cause de son incroyable carrière si l’on en croit. Chacun se fera son avis, mais une chose est sûre, elle a été le moteur de sa détermination et probablement un facteur clé dans la quête de son rêve, une façon de ne jamais rien lâcher, même lorsqu’il rangeait les étales d’une épicerie. C’est également au nom de ces valeurs chrétiennes auxquelles il croit dur comme fer que le désormais consultant pour NFL Network s’implique pleinement auprès des autres, sa générosité ne semble jamais rassasiée.
Anecdotes et records de Kurt Warner (liste non exhaustive)
– Plus de yards dans un Super Bowl : 414 yards (Super Bowl XXXIV)
– Warner détient également les deuxième (377 yards contre Pittsburgh – Super Bowl XLIII) et troisième (365 yards contre New England – Super Bowl XXXVI) marques
– Seul quarterback a avoir lancé 400+ yards lors d’un Super Bowl
– Plus de touchdowns lancés en playoffs : 11 touchdowns (2008)
– Plus de matchs avec un QB rating parfait : 3 (égalité avec Peyton Manning et Ben Roethlisberger)
– Joueur le plus rapide à atteindre la barre des 10 000 yards
– Joueur le plus rapide à atteindre la barre des 30 000 yards : 114 matchs (égalité avec Dan Marino)
– Seul quarterback a avoir lancé 14 000+ yards avec deux équipes différentes (Rams et Cardinals)
– Un des deux seuls quarterbacks a avoir participé à un Super Bowl avec deux équipes différentes
– Deuxième meilleur taux de passes complétées en carrière : 65,5% (Chad Pennington : 66%)
– Deuxième plus haute moyenne de yards par match en carrière : 260,4 yards
– QB Rating en carrière : 93.7 (1998-2009)
Retour en image sur la carrière de Kurt Warner
http://youtu.be/4ZG3jeYnbd0