« Miracle at the Meadowlands », « The Catch », « The Immaculate Reception » ou encore le « Music City Miracle ». Ces jeux sont entrés dans l’histoire de la NFL. A tel point qu’ils ont même hérité d’un petit nom, comme pour mieux souligner leur dimension spectaculaire, inattendue ou imprévisible. Des actions incroyables, souvent dans des rencontres encore plus épiques, qui sont restées à jamais gravées dans la grande histoire de la ligue. Mais parmi tous ces jeux auxquels la postérité a accordé un nom, il en est dont la célébrité tient davantage à la polémique qu’il généra qu’à sa dimension spectaculaire.
Le match
10 septembre 1978. La saison en est encore à ses balbutiements. En cette deuxième semaine, les Oakland Raiders se déplacent au Jack Murphy Stadium (aujourd’hui Qualcomm Stadium) de San Diego. Cette rencontre en apparence anodine, sans véritable enjeu dramatique sur le papier, allait rester dans les annales comme l’une des plus étranges que la ligue n’ait jamais connue. Même le terme étrange ne semble pas suffisamment évocateur pour désigner cette rencontre. Invraisemblable? Surréaliste?
Rares sont les équipes à l’emporter quand leur quarterback lance trois interceptions. Rares également sont les équipes à l’emporter quand leur adversaire à le double de leur temps de possession. Rares enfin sont les équipes à l’emporter lorsqu’elles laissent échapper le ballon sur la dernière action du match. Pourtant, en cette journée ensoleillée de septembre 1978, c’est l’exploit singulier que sont parvenus à réaliser les Raiders.
Dans une rencontre où les attaques patinent et multiplient les erreurs, ce sont les locaux qui ouvrent le score sur une passe… détournée. Les Raiders répliquent instantanément. Après un 3e quart temps vierge de tout point, les sud-californiens parviennent à faire le trou dans la dernière période (20-7). Mais Oakland refait son retard. Kenny Stabler trouve Morris Bradshaw pour un touchdown longue distance et à 1:07 de la fin, les Raiders ont l’occasion de l’emporter sur la dernière possession. Les Silver & Black remontent le terrain jusqu’aux 14 yards de San Diego. Il reste 10 secondes au chronomètre. La rencontre va bientôt prendre une tournure pour le moins inattendue.
L’action
« Holy Roller » pour les fans des Raiders. « Immaculate Deception » pour les partisans des Chargers. Les 10 dernières secondes de ce match sont restées gravées dans l’histoire de la NFL comme l’un des épisodes les plus étranges, insolites, improbables, abracadabrants. Peu importe le terme.
A 14 yards de la terre promise, le quarterback Kenny Stabler prend le snap et s’échappe sur la droite. Pas le meilleur choix pour un gaucher face au blitz massif de la défense de San Diego. Sous la pression, il laisse échapper le ballon. Le reste, Bill King, commentateur attitré des Raiders à l’époque, niché dans sa cabine, le raconte mieux que personne :
« Le ballon tombe au sol, il est libre! Les joueurs se bousculent, il reste deux secondes… Casper attrape le cuir… C’est un fumble… Casper a recouvert un fumble dans la endzone! Les Raiders viennent de marquer sur l’action la plus cinglée, incroyable, le jeu le plus inespéré! »
Percuté par le linebacker Woodrow Lowe, Stabler laisse échapper le ballon qui roule devant lui. Le coureur Pete Banaszak tente de s’emparer du cuir, en vain. L’ovale continue sa course folle vers l’en-but. Le tight-end Dave Casper se précipite dessus, maladroitement, tape dedans et plonge finalement sur le ballon dans la endzone. Les arbitres lèvent les bras au ciel. Bill King est hystérique, Casper reste stoïque, lui. Le tight end se relève lentement et rejoint le bord du terrain. Les Chargers protestent. En vain…
Dans une fin de match complètement folle, les Raiders viennent d’égaliser. La transformation est une formalité, Oakland l’emporte sur le fil. D’un tout petit point (20-21).
La polémique
Au-delà de sa dinguerie et de sa bizarrerie, cette action a marqué l’histoire pour la polémique qu’elle a suscitée. Dans l’incapacité de déterminer si Banaszak et Casper avaient tapé dans le ballon volontairement ou non, ce qui aurait, le cas échéant, entraîné une pénalité, les arbitres ont considéré que leurs interventions étaient dans la règle. Par ailleurs, l’officiel de la rencontre Jerry Markbreit, soutenu par la ligue, a estimé que Stabler avait bel et bien commis un fumble et non réalisé une passe vers l’avant. Seulement, à en croire le principal intéressé, ça n’était pas le cas.
« J’ai fait exprès de lâcher le ballon, » confia le quarterback après le match. « Oui, j’ai bien essayé de concéder un fumble. »
Banaszak et Capser ont, quant à eux, admis avoir délibérément dirigé le ballon vers l’en-but. Conséquence de cette action loufoque et flirtant avec les limites de l’esprit sportif, la ligue passa une nouvelle règle durant l’intersaison. A partir de 1979, lors d’un fumble dans les deux dernières minutes d’une mi-temps ou sur une quatrième tentative à tout moment du match, seul le joueur ayant laissé échapper le cuir sera autorisé à le ramasser et progresser avec. Si un coéquipier recouvre le ballon, l’action reprendra à l’endroit du fumble. Le « Holy Roller » ne pourra dès lors plus se reproduire.
Ironie de l’histoire, quelques années plus tard les Raiders feront à leurs dépens les frais d’une règle pas totalement étrangère à l’action de 1978 : la fameuse « tuck rule ».
Revivez « The Holy Roller » avec les commentaires de Bill King :