La NFL est un business cruel. Parfois, un joueur prend la porte en se faisant bien expliquer qu’il n’a plus rien à faire dans son équipe. C’est exactement ce qui est arrivé à Stanford Routt, quand le règne de Reggie McKenzie sur la franchise d’Oakland a démarré. Routt était vu comme un symptôme de l’époque Al Davis : un exemple de joueur grassement payé, jamais capable d’évoluer à un niveau équivalent à son salaire. Stanford Routt n’a jamais été complètement bidon, mais le nouveau management des Raiders savait qu’il n’avait rien d’un joueur élite non plus.
Routt a signé un joli contrat de 3 ans et 18 millions de dollars avec les Chiefs. Et quand les Raiders sont venus dans le Kansas la semaine dernière, ils ont tenu à bien montrer tout le mal qu’ils pensent de leur ex-employé.
Le QB des Raiders Carson Palmer a tenté 28 passes seulement dans ce match. Dix étaient destinées à la couverture de Stanford Routt. Ce dernier a joué cornerback droit, soit du côté aveugle de Palmer. Un côté nettement mois visé en règle générale par les quarterbacks. Clairement, le plan de jeu d’Oakland visait directement Routt, un joueur que les Raiders estimaient être surpayé, et assez mauvais pour être exploité dans tous les sens.
Le résultat ? Sur 10 passes, Routt a laissé filer 6 réceptions pour 130 yards et 2 touchdowns. Il a aussi défendu une passe, et en a intercepté une autre.
Raiders @ Chiefs – 1er quart-temps, 15:00 à jouer. Planter le décor.
Oakland donne le ton d’entrée, sur le premier jeu du match, en visant la profondeur du côté de Stanford Routt. Mais c’est leur ancien corner qui s’en sort avec les honneurs cette fois-ci.
Les Raiders partent sur une formation en I, avec un receveur au large de chaque côté. Les Chiefs propose une défense classique, avec le strong stafety Eric Berry posté 8 yards en profondeur du côté fort de la formation. Les deux corners de Kansas City vont faire un pressing homme à homme au niveau de la ligne. L’alignement de Berry montre que l’intention des Raiders d’insister sur le côté de Routt a tout d’intentionnel. Berry laisse une grande fenêtre ouverte, et son corner Brandon Flowers sur une île en un contre un. A l’inverse, le safety Kendrick Lewis qui joue près de Routt a tout le loisir d’intervenir sur cette passe, et rend le lancer bien plus difficile à réaliser.
Mais Palmer et les Raiders sont là pour envoyer un message, et ils tentent le coup sur Routt, tout en se détournant d’une bien meilleure opportunité de l’autre côté du terrain. Routt joue un pressing-relâche, et recule en parallèle au WR Darius Heyward-Bey, qui court le long de la touche. Palmer est pressé sur sa gauche et retarde sa passe, puis lance. Très bien placé du début à la fin de jeu, Routt pique le ballon au dessus de DHB, qui ne peut rien faire.
Raiders @ Chiefs – 2ème quart-temps, 9:04 à jouer. Routt s’en sort bien.
Sur ce jeu, Routt parvient à défendre la passe, mais on comprend bien ce que les Raiders ont vu dans ce jeu, et quelle tendance ils comptaient exploiter. Oakland force les Chiefs à sortir une défense en nickel, et Stanford Routt se retrouve seul à la couverture du WR Denarius Moore.
Là encore, Routt joue très bien le coup. Il ouvre du côté de la touche, maintient sa position, et serre au maximum Moore sur le côté, en n’offrant à Carson Palmer aucune fenêtre de tir. Cette excellente couverture doit forcer le QB à regarder ailleurs. Mais avec la volonté d’attaquer Routt et celle de donner au receveur une chance de réussir le jeu, Palmer tente sa chance quand même.
Alors que le ballon est en phase descendante, Denarius Moore essaie de contourner le corps de Stanford Routt pour réussir la réception. A la dernière seconde, le corner parvient à étaler son bras sur la trajectoire de passe et à la briser. Alors oui, l’amorce du jeu, la technique de couverture, et l’issue du jeu sont en faveur de Routt. Mais ce qui terrifie les coordinateurs défensifs et ce que Oakland voulait exploiter, c’est ce que Routt ne fait pas pendant le jeu. Quand on regarde les meilleurs corners en homme à homme, on les voit tourner la tête et devenir des receveurs eux-mêmes, une fois que leur receveur est verrouillé en couverture. Routt ignore complètement où se trouve le ballon pendant tout le jeu. Il prend ainsi le risque, lorsque son receveur ajuste sa course, d’un contact amenant une interférence de passe.
Là, il a du bol dans le timing de sa couverture. Mais il mise tout sur la lecture du corps de son receveur pour intervenir, au lieu de prendre une information supplémentaire en localisant le ballon. Stanford Routt a la vitesse et la technique de couverture, mais il est vulnérable en un contre un lorsqu’il ne localise pas le cuir. Les Raiders le savaient, et ils ont voulu en profiter.
Raiders @ Chiefs – 3ème quart-temps, 5:49 à jouer. Oakland récompensé.
Sur une 2ème et 8, les Raiders profite de tout le travail effectué sur Routt depuis le début de la partie. Ils trouvent Hayward-Bay sur un crochet court intérieur, qui termine 32 yards plus loin, dans l’endzone.
Les Raiders n’ont cessé de mettre la pression sur Stanford Routt en profondeur. Bien qu’il soit rapide, les receveurs d’Oakland le sont tout autant, et avec toutes les passes lancées au loin de son côté, on ne peut pas lui reprocher d’avoir un peu la trouille de se faire gauler sur une bombe, et donc de reculer un peu plus que nécessaire. Avec opportunisme, Oakland exploite cette faille.
Routt est encore sur une technique pressing-relâche : il initie le contact avec le receveur au niveau de la ligne de scrimmage avant de reculer en anticipant sa trajectoire, pour ensuite le coller dans ses pas. Pas évidemment à réussir, et plus risqué qu’une technique en pressing sur l’homme, qui consiste à frapper sur la ligne, puis à scotcher le receveur pour prendre l’avantage sur son épaule intérieure. Sur ce jeu, Heyward-Bay ne file pas en profondeur, il s’arrête au niveau de la ligne de first down, et casse son tracé pour revenir intérieur et montrer son torse au QB, qui a déjà lancé à ce moment là.
Stanford Routt réagit trop lentement au stop de DHB. Lorsque le catch est fait, Routt est 4 bons yards en retrait. Il peut encore intervenir en solo s’il ne foire pas son placage. Mais il ne reconnaît pas le mouvement intérieur du receveur après réception, et passe complètement au travers. Ce tackle manqué transforme un first down en touchdown, et donne à Oakland un avantage suffisant pour l’emporter. Jusque là, Routt ne s’était pas troué dans ce match. Mais le fait d’avoir cumulé autant de passes longues de son côté l’a obligé à devenir trop conservateur, et le coussin qu’il se donne sur ce jeu, c’est précisément ce qui cause sa perte.
A l’arrivée, les Raiders ont eu raison de leur ex-cornerback. Mais le match qu’a réalisé Stanford Routt laisse penser qu’Oakland a voulu trop en faire. Les Raiders ont finalement fait craquer Routt en pilonnant son côté du terrain mais ce succès, ils l’auraient sans doute aussi bien acquis en distribuant le ballon de partout, et en jouant avec prudence.