Un trio magique et… rien : le pari (trop) fou des Bengals

Les Bengals ont pris une décision lourde. Ils embrassent une stratégie mise en place en 2021, pour le meilleur mais aussi pour le pire.

Ja'Marr Chase et Tee Higgins Bengals 2024

Les Bengals viennent de prolonger leurs deux receveurs stars Ja’Marr Chase et Tee Higgins. La signature est à la fois logique et s’inscrit dans la continuité pour la franchise. Mais elle présente un risque sans précédent dans l’histoire de la ligue. Un risque probablement fatal.

Dans les chiffres, trois joueurs offensifs des Bengals vont vampiriser la masse salariale pour les années à venir. Si leur impact sur le cap n’est pas encore réellement connu, les trois contrats cumulés représentent 125 millions de dollars par an en moyenne, une fortune :

  • Joe Burrow (QB) : 55 millions de dollars en moyenne
  • Ja’Marr Chase (WR)  : 40,25 millions de dollars en moyenne
  • Tee Higgins (WR) : 28,75 millions de dollars en moyenne

À titre de comparaison, la marge salariale 2025 plafonne à 279,2 millions de dollars maximum. Cela fait donc 124 millions pour le trio, et 155,2 millions pour les 50 autres joueurs de l’effectif.

Payer à la fois le deuxième quarterback le plus cher de la ligue, le joueur hors-quarterback le plus cher de la ligue et le receveur numéro 2 le plus cher de la ligue ne ressemble pas à une manière adéquate de construire son équipe. C’est tout le reste de l’effectif qui va pâtir de ce choix. Le niveau global chute drastiquement. Et Joe Burrow va devoir se transformer un peu plus en héros derrière des seconds couteaux.

C’est notamment les presque 30 millions pour Tee Higgins qui vont faire rapidement regretter beaucoup de supporters, même avec un excellent niveau de jeu de la part du receveur. Cette somme aurait pu être dépensée plus scolairement. Par exemple, en AFC, les Chiefs, les Bills et les Ravens ont pris des directions très différentes en dirigeant l’argent ailleurs que sur leurs receveurs. Avec une réussite relative bien supérieure.

L’attaque à tout prix

Pour comprendre la stratégie des Bengals, il vaut remonter un peu le temps, direction 2021 et la draft. A cette époque, deux camps s’écharpent. D’un côté les adeptes de la protection prônent la sélection de Penei Sewell (OL, Lions) pour défendre coûte que coûte un Joe Burrow déjà catégorisé comme un quarterback star. De l’autre, les amoureux du football tout feu tout flamme font campagne pour Ja’Marr Chase. Le receveur exubérant et prolifique de LSU est un ancien coéquipier de… Joe Burrow.

La franchise choisit sa voie, la deuxième, pour le pire mais surtout pour le meilleur. Car ensemble et en compagnie de Tee Higgins, Cincinnati échoue de trois points au Super Bowl LVI contre les Rams dès l’année suivante.

Sur la période (2021-2024) les trois larrons noircissent les feuilles statistiques de manière exceptionnelle :

  • Joe Burrow : 59 matchs, 69,2 % de passes complétées, 16313 yards (1e en moyenne par match), 127 touchdowns (3e), 41 interceptions (164 sacks (2e), 7,11 % sack pct)
  • Ja’Marr Chase : 62 matchs, 395 réceptions (6e), 5425 yards à la réception (3e), 46 touchdowns (1e)
  • Tee Higgins : 54 matchs, 263 réceptions, 3687 yards à la réception (13e en moyenne), 28 touchdowns (12e)

Les trois joueurs portent leur équipe vers la victoire, selon Sharp Football, les Bengals ont un bilan de 21 victoires pour 10 défaites lorsque les trois joueurs sont alignés ensemble (2022-2024). Quand il en manque un, les résultats tombent dans le négatif (9 victoires, 10 défaites).

Garder ce trio peut donc être vu comme une nécessité pour assurer la continuité dans la franchise. Capitaliser sur ses forces est un facteur de réussite qui a fait ses preuves en NFL.

Parier sur d’excellents skills players au lieu des lignes surpuissantes, est moins courant.

Cincinnati montre donc qu’il est possible de construire son équipe « différemment » sans suivre des préceptes prédéfinis. Les Eagles sont la troisième équipe à dépenser le plus sur leur trio quarterback + receveurs 1 et 2. (108 millions de dollars cumulés). Ces derniers sont les plus récents vainqueurs du Super Bowl. Mais pour arriver à un tel succès, il faudra cocher des conditions sine qua none. Et c’est ici que le bât blesse dans l’Ohio.

De la poudre au yeux mais pas de fond de jeu

Si les Eagles ont réussi en payant leur trio d’attaquant c’est qu’ils ont aussi plus que réussi leurs drafts récentes, que cela soit sur la stratégie ou l’évaluation des joueurs. La construction d’une ligne défensive dominante est notamment passée par là. Mais Howie Roseman (GM, Eagles) a aussi réussi ses paris (Mailata, Becton) sur la ligne offensive. Ce mardi même, ils ont prolongé le contrat de Lane Johnson, un choix de Draft maison, pour assurer une protection solide à Jalen Hurts et des lignes de courses à Saquon Barkley.

Et c’est probablement ce qui sépare dans l’histoire récente les Bengals d’une franchise comme Philadelphie. Cincinnati se rapproche plus d’une gestion « à la Miami. » Les Dolphins sont la deuxième franchise à dépenser sur leur trio quarterback + receveurs 1 et 2 (111,4 millions de dollars). Mais ils n’ont jamais su entourer ailleurs leur quarterback, que cela soit par la protection ou le jeu de course. En 2024, Tua Tagovailoa est passé près d’arrêter sa carrière après de multiples commotions.

Les blessures subies par Joe Burrow sont d’ailleurs le principal argument des suiveurs qui préféreraient voir le quarterback dans un fauteuil derrière sa ligne. En 5 ans de carrière, Joe Cool a déjà encaissé une rupture de tous les ligaments de son genou gauche et de son ménisque lors de son année rookie ainsi qu’une rupture des ligaments de la main en 2023. Ces scories lui ont valu de remporter deux fois le trophée de « retour de l’année » (2021 et 2024), un faible lot de consolation.

La banqueroute pour le reste des Bengals

À nouveau, retour au Super Bowl perdu en 2022. Si l’arrivée des Bengals sur la dernière marche est un tour de force, elle personnifie parfaitement les problèmes récurrents de la franchise. Ce jour-là, Joe Burrow encaisse 7 sacks.

Les Bengals n’ont donc jamais trouvé de solutions par la draft ou la signature d’agents libres pour protéger leur quarterback :

  • 164 sacks encaissés depuis 2021 (2e)
  • Pass Block Win Rate de 50 % en 2024 (32e)

Pourtant, le management n’a pas hésité à investir dans les années récentes (6e budget NFL pour la ligne offensive en 2023, 11e en 2024). Avec les nouveaux deals pour les receveurs, la tâche s’annonce plus complexe dorénavant.

L’argent est évidemment le nerf de la guerre. Trey Hendrickson (EDGE) l’a bien compris, et la franchise hésite encore à le payer. Des économies doivent être faites par les Bengals. C’est la défense qui va certainement écoper des choix de la direction. Hendrickson en est le symbole.

La défense a régressé au fur et à mesure que les contrats rookies de ses stars offensives se sont étiolés (6e en points encaissés en 2022, 25e en 2024). Une tendance qui attend confirmation en 2025.

Oui, la masse salariale est amené à augmenter exponentiellement… tout comme les salaires des joueurs. La famille Brown, propriétaire et décisionnaire va devoir trouver des solutions pour se bâtir un effectif de 53 joueurs capable de rivaliser avec les meilleures équipes. En AFC, les Chiefs, les Bills et les Ravens ont pris des directions très différentes en dirigeant l’argent ailleurs que sur leurs receveurs. Les Eagles et les Lions construisent sur des lignes ultra-solides du côté de la NFC.

Les Bengals ont décidé d’aller à rebours des tendances. Leur défense, leur ligne offensive et leur jeu au sol sont, au mieux un mystère, au pire un point faible. Malgré un trio ultra-glamour, la réalité pourrait donc être impitoyable.

Partagez cet article sur : Twitter Facebook
Afficher les commentaires