Lorsque Jack Easterby a été nommé vice-président exécutif du développement des Texans en avril 2019, son ascension fulgurante a étonné, ou amusé. Mais le rôle obscur du conseiller du propriétaire Cal McNair ne fait que se renforcer, et le personnage inquiète.
On dit de lui qu’il est le responsable du limogeage du manager général Brian Gaine après une saison, de celui de Bill O’Brien et de la nomination de Nick Caserio en tant que nouveau manager.
Qui est l’intriguant Jack Easterby, promu vice-président des opérations football en janvier 2020 ? Eléments de réponses.
Sauf mention particulière, les témoignages de cet article proviennent de l’enquête de Sports Illustrated.
Il est pasteur et son début de carrière est obscur
Le parcours d’Easterby est un des plus étranges de l’histoire de la ligue. Pasteur de profession, sa « carrière » dans le sport commence en 2004, chez les Jaguars où son alumni Steven Drummond (actuellement VP de la communication chez les Panthers) le place. Quel était son rôle là-bas ? C’est une épineuse question à laquelle d’anciens membres des Jaguars ont tenté de répondre, sans grande réussite.
« Il ne s’est pas tenu au travail qu’il occupait. Il était partout dans le bâtiment, essayant de faire le travail des autres. »
Easterby lui-même est plus que vague dans ces explications. Au fil des interviews, il déclare avoir travaillé « à la billetterie» ou «dans les opérations de football pour travailler sur le salary cap», ou qu’il travaillait «principalement sur des questions de plafond salarial».
Sa biographie change au fil du temps
Mais cette description va changer au fil des années, puisqu’en 2008 par exemple, son rôle est devenu « un assistant du directeur des opérations football » dans sa bio. En 2015, il est devenu « l’assistant du directeur des opérations football », changement sémantique important. Mieux, en 2016, le titre devient « directeur assistant des opérations football ». Rappelons qu’Easterby a à cette époque 21 ans, et qu’il est donc difficilement concevable qu’il ait été à un si haut poste. Cette description restera jusqu’en 2020.
Bizarrement, depuis qu’il est sous le feu des projecteurs, la description est plus succincte sur le site des Texans : « a acquis sa première expérience dans la NFL à l’été 2004 avec les Jaguars de Jacksonville, aidant aux opérations de football et aux relations publiques ».
La deuxième étape de sa progression a lieu dans l’université de South Carolina. Pas en football, mais bien avec l’équipe masculine de basketball. Et dès sa première fonction, le mystique côtoie le sportif. Voici son rôle selon le coach de l’époque, Dave Odom.
« Nous avons donné à Jack l’occasion d’apporter sa foi à notre équipe. Nous ne l’avons imposé à personne, mais j’ai été étonné de voir combien de nos enfants l’ont pris. C’était un conseiller et un entraîneur – on disait que c’était un coach de vie. »
Sa carrière en NFL a décollé aux Patriots
Jack Easterby est sorti de l’ombre pour la première fois chez les Patriots, ou sa présence a été remarquée. Interrogé sur son ancien conseiller, Bill Belichick a précisé son rôle dans une conférence de presse avant la semaine 11, comme le rapporte ESPN.
« Son rôle était varié. Il a travaillé à plusieurs niveaux pour l’organisation – avec les joueurs, les entraîneurs, les fonctions support, etc. C’était une personne qui pouvait bien s’entendre avec tout le monde, du propriétaire de l’équipe au responsable de l’équipement ou à la personne qui ramassait les serviettes et toutes les personnes entre eux. C’était une personne très précieuse dans cette organisation à l’époque où il était ici. »
Un plébiscite ? Pas forcément, puisque Belichick a conclu son intervention par un constat cinglant sur les capacités de Jack Easterby.
« Il n’est pas un gestionnaire d’effectif. »
C’est pourtant le rôle qu’il a obtenu en 2019 chez les Texans.
L’ancien quarterback Matt Cassell a également donné son avis sur le rôle du pasteur.
« Il ressemblait plus à un coach de vie. Nous l’avons utilisé de cette manière, comme plus d’un aumônier. C’était un énorme atout à cet égard. Mais ce n’était jamais des opérations de football, parce qu’il n’avait rien à voir avec le football, d’après mon expérience. »
Cependant, la relation entre le pasteur et les dirigeants des Patriots n’est pas au beau fixe. Selon Jenny Vrentas de Sports Illustrated, Easterby a menacé de poursuivre SI suite à une enquête sur lui, et il est persuadé que c’est Robert Kraft, le propriétaire des Patriots, qui tente de le discréditer par l’intermédiaire des médias.
Son rôle aux Texans est large
Les fonctions d’Easterby aux Texans sont diverses, et il est notamment d’une grande influence lorsqu’il s’agit de virer ou de nommer les principaux décisionnaires de la franchise, du General Manager à certains assistants.
Easterby se gargarise d’ailleurs d’être un décisionnaire, puisqu’il affichait sur le site de sa fondation (Greatest champion Foundation) la bio suivante : «S’est vu confier plus de 50 recherches d’entraîneur-chef dans des universités puissantes et moyennes pour plusieurs sports.» Il n’existe aucune trace de cette fonction, et une fois l’information sorti le site est passé en « maintenance », avant de réapparaître sans ladite bio.
Pour l’anecdote, selon les derniers états financiers de cette fondation, Easterby aurait travaillé 40 heures par semaine pour la fondation en 2019, alors qu’il était en poste à temps plein chez les Texans. S’il est impossible de vérifier cette réalité et qu’Easterby a confirmé que les informations sont exactes, il parait difficilement plausible qu’il ait pu cumuler deux postes aussi prenants.
Il semblerait que Mcnair lui donne également son mot à dire dans le cadre des échanges, et plusieurs sources ont confirmé à SI et à ESPN qu’il a personnellement encouragé et approuvé le départ de DeAndre Hopkins dans un échange controversé.
Sa promotion en janvier 2020 a élargi son influence, et il est maintenant en charge de nombreux domaines dont certains sont traditionnellement ceux du général manager. En plus du conditionnement, Easterby a tout supervisé, de la logistique des équipes à la gestion du salary cap en passant par la science du sport, l’équipement, la vidéo, le développement des joueurs et la sécurité pour les opérations de football.
Ce rôle va-t-il se réduire avec l’arrivée d’un nouveau manager général ? Rien n’est moins sûr.
Surtout que le recrutement de Nick Caserio recèle lui aussi son lot d’anecdote. Selon ESPN, la firme de recrutement engagée par les Texans a proposé une liste de noms, et principalement celle d’Omar Khan comme étant le meilleur candidat. Cal McNair avait également promis à Deshaun Watson de l’inclure dans la recherche. Finalement, et à la surprise générale, il a changé d’avis et a choisi Nick caserio, connaissance d’Easterby mais aussi cible des Texans il y a deux ans. Caserio ne figurait même pas sur la liste proposée par le cabinet de recrutement payé par la franchise.
Il n’est pas aimé par une partie des anciens Texans
Dans la courte histoire des Texans, seul un homme a obtenu l’honneur d’être intégré dans le « Ring of Honor », le receveur Andre Johnson (nul doute que J.J. Watt le rejoindra). Ce dernier a utilisé sa notoriété pour alerter sur la situation à Houston et donner son avis sur le « cas Deshaun Watson. » Et pour lui le coupable est clair :
« Si je suis Deshaun Watson, je tiendrai ma position. L’organisation Texans est connue pour gâcher la carrière des joueurs. Depuis que Jack Easterby est entré dans le bâtiment, rien de bon ne s’est produit dans/pour l’organisation et pour une raison ou une autre, quelqu’un ne semble pas voir ce qui se passe. Pathétique!!! »
Un avis qui semble partagé par de nombreux anciens joueurs, dont DeAndre Hopkins, Kareem Jackson, Kenny Stills et D.J. Reader. Mais les joueurs actuels ne sont pas en reste, puisque Deshaun Watson a fait part de son mécontentement sur Twitter, et Randall Cobb a également donné son avis de façon imagé.
— Randall Cobb (@rcobb18) January 17, 2021
Et maintenant ?
Quel avenir pour une franchise au bord du gouffre ? La question se pose pour une équipe encore en recherche d’un entraîneur en chef. Ce dernier devra accepter de cohabiter avec Cal McNair mais également Jack easterby, qui semble avoir une relation plus que fusionnelle avec le propriétaire, comme l’illustre ce passage édifiant de l’enquête.
« Easterby avait pris l’habitude de demander à ses collègues de lui prendre la main et de prier pour la sagesse lors de la prise de décisions sur le lieu de travail. Il le faisait souvent avec des personnes qui relevaient de lui; certains ont estimé qu’ils n’avaient d’autre choix que de le faire, même si cela les mettait mal à l’aise. McNair, cependant, s’identifie fortement à la foi chrétienne d’Easterby. Les deux ont été parmi les dernières personnes à quitter NRG Stadium le soir de la défaite de fin de saison. Et, selon plusieurs membres de l’organisation, alors que la décision la plus importante pour l’avenir de la franchise se profilait – qui dirigerait l’équipe à l’avenir – le message s’est répandu dans tout le bâtiment que Easterby et McNair ont prié pour être éclairés. »
Le personnage le plus atypique de la ligue, personnage de roman dont l’histoire ne cesse de s’écrire.
Nul doute que l’influence de l’ancien pasteur aura une importance dans la décision du futur coach d’intégrer l’organisation de Houston.