[portrait] Justin Tucker : le pied droit de Dieu

Connu pour son pied droit, Justin Tucker possède aussi un autre organe tout aussi puissant et précis.

Justin Tucker

Né le 21 novembre 1989 à Houston, Texas
1m85 pour 82 kilos
Kicker, Ravens de Baltimore, 8e saison

Sous les radars

Justin Tucker est une machine : Entre 2012 et 2017, il tente 205 coup de pieds pour une transformation de touchdowns. 205 réussis ! En 2018, il a un coup de mou : il en rate un. 36 réussites sur 37. Un évènement se produit en 2019 puisqu’il en rate deux (57 sur 59). Concernant les field-goals, sa moyenne est de 92 pourcent en carrière avec un pick à 97,4% en 2016. Après une saison 2019 historiquement faible concernant l’adresse des kickers en NFL, les statistiques de Justin Tucker laissent rêveurs plus d’un coach. Sur les trois premiers matchs en 2020, il est une nouvelle fois parfait : 5 sur 5 en field-goals et 8 sur 8 en point après touchdowns.

Avec cinq millions de dollars par an, il est un des frappeurs de coups de pieds les mieux payés de la ligue. Normal. Et pourtant il était difficile de l’envisager à la fin de son cursus universitaire. Non drafté, il est invité par les Ravens à un camp d’entrainement et il s’y distingue avec des patates de 55 yards passant entre les poteaux.

« J’étais comme wow, il est pas mal ce gars, où l’a t’on déniché ? », John Harbaugh pour ESPN

Pourtant Justin Tucker ne vient pas d’une université de seconde zone mais des prestigieux et médiatisés Longhorns de Texas. Avec eux aussi, il est parfait pour ajouter un point aux touchdowns : 71 sur 71. 40 sur 48 en field-goals. Mais quel média braque ses projecteurs sur les kickers ? Avec punters et long-snappers, ils sont les parents-pauvres de ce jeu, ceux qu’on négligent le plus souvent. Alors un kicker qui n’est même pas nommé dans l’équipe All-Star de la conférence, personne ne s’y intéresse. (le Viking Dan Bailey et le Bengal Randy Bullock le sont en 2010 et 2011).

Kicker de Texas ou de Norfolk State, quelle différence ? John Harbaugh, comme la plupart, n’a jamais entendu parler de lui. Ou vaguement. Son coup de pied décisif contre Texas A&M peut-être ? Et encore. Pourtant comment ne pas le remarquer ? Lui qui non seulement frappe tous les coups de pieds et qui en plus s’occupe aussi des punts avec son université.

Dieu m’a donné la voix

Avant de jouer pour l’université de Texas, Justin Tucker joue au lycée Westlake avec entre-autres le quarterback Nick Foles. Son lycée se trouve à Austin, capitale de l’état et surtout siège des Longhorns de Texas. Difficile de se figurer depuis l’Europe l’influence des universités et notamment de leurs programmes de football dans ce pays : 98 000 spectateurs habillés en orange se réunissent à chaque match de Texas. Alors pour lui la question ne se pose même pas, l’université de ses rêves lui faisant une offre, il accepte en un clin d’œil la bourse d’études.

Ses deux premières saisons, il s’occupe exclusivement des punts : Hunter Lawrence (très brièvement membre des Buccaneers) bottait field-goals et points supplémentaires en 2008 et 2009. Puis en 2010 et 2011, Justin Tucker continue d’être le préposé aux punts mais en plus il prend en charge les coups de pieds. Ces deux saisons-là, il connait un pourcentage parfait en extra-point (27/27 et 44/44) et chaque fois, il est au-dessus des 80% pour ceux valant trois points. Le football, le sport roi dans ce pays et plus encore dans cet état du Texas.

Bien que parfois le cursus académique ne soit qu’un pretexte à pouvoir jouer au football, Justin Tucker prend le sien au sérieux, celui d’un ingénieur du son. Il aime le football mais aussi la musique. La classique surtout, celle dite grande . Il l’a pratique même. Son instrument : sa voix.

À l’université de Texas il a la chance de pouvoir développer son talent naturel avec l’un des tous meilleurs. Nikita Storojev est un chanteur d’opéra mondialement reconnu et depuis quelques années, il s’est installé à Austin et y enseigne à l’université. Justin Tucker est capable, avec sa voix de baryton, de chanter en sept langues : Anglais, Espagnol, Français, Italien, Allemand, Russe et bien sur en Latin.

Ave Maria. Une œuvre représentant bien plus pour lui qu’une façon de mettre en valeur sa voix.

Religion et superstition

Justin Tucker est croyant. De confession catholique, la foi tient une place majeure dans sa vie. Les fans des Ravens ont pu remarquer sa routine avant chaque coup de pied : avec sa main droite, il fait le signe de la croix sur sa poitrine. Mais il ne le fait pas avec l’intention d’obtenir quelques faveurs quant à la réussite de sa tentative.

« Avant et après chaque tentative, je remercie Dieu pour l’opportunité qu’il m’a donné. Mes deux parents m’ont élevé dans la foi et chaque fois que j’ai du affronter une difficulté, je m’en suis remis à la sainte trinité et à notre sainte mère Marie. », confessait t’il au National Catholic Register

S’intégrer dans un vestiaire en NFL n’est jamais évident. Surtout pour un kicker, qui s’intéresse à ces gens ? Mais Dieu ne saurait laisser une de ses fidèles brebis sans soutien. Justin Tucker en trouve auprès d’un joueur respecté de tous : deux fois All-Pro, six fois élus au Pro-Bowl, le centre Matt Birk prend Justin Tucker sous son aile bienveillante. Bien sur, les deux partagent la même dévotion catholique. Si Matt Birk prend sa retraite après une victoire au Super Bowl et quinze saisons au plus haut niveau, Justin Tucker se rend toujours chaque dimanche, avec quelques coéquipiers, à l’office organisée par les Ravens pour joueurs et staff.

Justin Tucker est croyant mais quelque peu païen aussi, si l’on considère que les superstitions en tout genre relèvent davantage de l’agnosticisme. Comme beaucoup de sportifs, Justin Tucker a une routine d’avant-match et il n’y déroge jamais. Mais la sienne est assez originale : Il pose tout son uniforme, du casque aux crampons, en passant par épaulières et pantalons, au sol devant son vestiaire.

Pourquoi ? Il confie à ESPN que quand il était enfant, il a entendu dire que son idole faisait cela avant chaque match. Un certain Deion primetime Sanders. Et c’est vrai. Alors depuis, Justin fait pareil. À chaque match. Lors d’un impressionnant total de 131 de saison régulière et 8 de playoffs et pourtant, il a failli ne pas connaitre le bonheur d’un seul.

C’est qui le patron ?

Lors du camp 2012 des Ravens, Justin Tucker fait l’unanimité auprès du staff, avec en soutien Jerry Rosburg (entraineur de l’équipe spéciale). Seuls les médecins de l’équipe font trainer la signature en raison d’interrogations sur l’état du dos du joueur. Ayant eu vent de ses performances au camp des Ravens, d’autres équipes se signalent. Une surtout : les Steelers de Pittsburgh. Les rivaux et ils souhaiteraient le signer. Inenvisageable pour Jim Harbaugh.

« Je respecte le travail des docteurs mais bon c’est un kicker, un kicker quoi ! Il vient de jouer 4 saisons à Texas avec ce qu’il a, ça va non ? J’ai pris cette décision sans attendre leur aval. », John Harbaugh pour ESPN

Et alors qu’il n’est pas drafté, pas certain d’intégrer l’équipe pour raisons médicales, voila comment Justin Tucker se retrouve quelques mois plus tard dans le Superdome de la Nouvelle-Orléans, avec les Ray Lewis et Ray Rice, Ed Reed et Anquan Boldin pour une victoire au Super-Bowl contre les 49ers de San Francisco. Justin y est une nouvelle fois parfait : 2 sur 2 en field-goal et 4 sur 4 en transformation.

Ses deux index levés vers le ciel, il pense alors : loué soit Dieu.

 

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