Lorsque les dernières secondes du Super Bowl LIV s’égraineront, le trophée Lombardi entrera en scène. Véritable star du spectacle d’après-match, il est le symbole immédiat du titre. Pour les bagues surdimensionnées, il faudra attendre un petit peu. Bien que la tradition soit aussi ancienne que le match en lui-même, le processus est long, onéreux (autour de 5 millions de dollars pour l’ensemble) et ne démarre que quelques jours après le match.
Pourquoi ? Comment ? Combien ? Depuis quand ? TDActu répond à toutes vos questions concernant ces objets tant convoités.
Le trophée Lombardi
Comme tout grand moment de design, l’histoire du trophée Vince Lombardi a commencé par un croquis et un peu d’imagination. Selon Don Weiss, ancien directeur exécutif de la NFL, Pete Rozelle voulait que le trophée soit conforme à sa vision élitiste du football avec un résultat haut de gamme. La seule entreprise contactée était Tiffany & Co. Le célèbre joaillier a fait appel au chef du design de l’entreprise, Oscar Riedener, un suisse qui ne connaissait rien au football. Celui-ci s’est rendu chez FAO Schwartz et a acheté un ballon de football qu’il a posé dans sa cuisine. Le lendemain matin, il a pris une boîte de Cornflakes, les a versé dans un bol et a regardé le ballon tout en mangeant. Une fois terminé, il a attrapé une paire de ciseaux et a commencé à découper l’emballage vide pour le transformer en une base susceptible de recevoir un ballon. Quelques jours plus tard, au cours d’un déjeuner avec Rozelle et une délégation de chez Tiffany’s, Riedener a dessiné un croquis de son idée sur une serviette de table. Une esquisse que le patron de la ligue a adoré et validé. Ce repas s’est déroulé en 1966 et, aujourd’hui encore, la récompense n’a pas changé de taille ou de design.
Fabriqué entièrement en argent sterling par les orfèvres de Tiffany dans un atelier du Rhode Island, le trophée mesure 52,70 centimètres et pèse 3,04 kilos. Il représente un support pyramidal de trois côtés concaves, surmonté d’un ballon de football de taille réglementaire et fixé en position de frappe. 4 mois de travail et 72 heures de travail-homme sont nécessaires pour confectionner ce petit bijou estimé à plus de 50 000$. Jusqu’en 1996, il était présenté dans les vestiaires de l’équipe gagnante. Depuis le Super Bowl XXX, le trophée est remis au propriétaire de l’équipe victorieuse sur le terrain. Une tradition récente (Super Bowl XL) voit une ancienne gloire porter la coupe immaculée vers le podium en fendant l’ensemble de l’équipe présente. Tous les joueurs apposent leurs doigts, comme pour laisser une empreinte dans l’histoire.
Décerné à Green Bay dès la première édition, il était gravé de l’appellation « World Professional Football Championship » entre 1967 et 1970. L’année suivante, il a été rebaptisé Vince Lombardi Trophy pour honorer le légendaire entraineur des Packers, décédé au mois de septembre précédent. Lombardi a toujours joué pour gagner que ce soit la pré-saison, saison régulière ou les playoffs. Avec à chaque fois des pourcentages hallucinants (respectivement 84, 72,8 et 90 % de victoire), de quoi lui permettre de glaner 5 titres en 9 années, dont les deux premiers Super Bowls . Il était la référence absolue en termes de coaching, avec de nombreuses citations à son crédit qui ont fait sa réputation, dont la fameuse « Gagner est une habitude ».
Contrairement à la coupe Stanley de hockey, qui est transmise année après année, chaque formation titrée conserve son trophée. Auparavant, le socle pyramidal comportait uniquement les mots « Vince Lombardi Trophy » et le logo de la NFL. Celui-ci est d’ailleurs le seul élément qui a évolué avec le temps, au gré des changements d’identité visuelle. Pour les quatre premiers, les logos de la NFL et l’AFL étaient présents au centre. Du Super Bowl V au XLII, le bouclier de la ligue se trouvait au premier plan et comprenait plus de 20 étoiles. Depuis l’édition XLIII, un nouveau blason modernisé avec huit étoiles et un ballon de football tourné a remplacé l’ancien logo.
À l’issue de la cérémonie, le trophée était renvoyé à l’atelier de Tiffany. Le nom du gagnant et la mention « Super Bowl [chiffres romains] Champions » y était gravé. Depuis quelques années, cette étape se passe désormais directement dans le stade. La coupe passe tout de même chez le joaillier pour être nettoyée, puis ajouter le score et la date de la rencontre avant de repartir chez son heureux propriétaire. Cela a été utile l’an dernier lorsque pour célébrer le titre, Rob Gronkowski a eu la lumineuse idée de se servir du trophée comme d’une batte de baseball alors que quelques joueurs étaient invitées à effectuer le lancer inaugural d’une rencontre des Red Sox.
Tiffany & Co. a également la charge de la fabrication du trophée de meilleur joueur du Super Bowl, le Pete Rozelle Trophy, ainsi que celui des World Series en baseball ou encore le Larry O’Brien Trophy en NBA. Ce dimanche marque la 54ème édition, mais 55 récompenses officielles ont été fabriquées, même si une réplique de secours est tout de même présente en cas d’accident malheureux pendant les célébrations. Les Colts de Baltimore ont remporté le titre en 1971 et le propriétaire Carroll Rosenbloom a ensuite échangé la franchise contre les Rams en 1972. Lors d’une fête pendant un Super Bowl, il a réussi à mettre la main sur le trophée et ne l’a jamais rendu. Plutôt que de se retrouver au milieu d’une dispute, Rozelle a décrété qu’une réplique devait être fabriquée et remise à Baltimore. Quand les Colts ont déménagé à Indianapolis en 1984, mouvement connu sous le nom de « Midnight Move » ou « Midnight Mayflower », la ville de Baltimore a été autorisée à conserver la réplique du trophée dans le cadre de son règlement juridique avec l’équipe. Celui-ci se trouve aujourd’hui au Sports Legends Museum à Camden Yards.
Les bagues
Voyantes ? Certainement. Iconiques ? Absolument. Tout comme le spectacle de la mi-temps, les bagues de champion font parties intégrantes du Super Bowl. Ces souvenirs, généralement remplis de diamants et de références complexes, ornent les doigts des joueurs depuis le tout premier jour. Tous sports confondus, les premiers anneaux connus remontent aux Giants de New York, vainqueurs en 1922 des World Series de baseball. Avant cela, des montres de poche étaient des cadeaux très appréciés des champions. Depuis les victorieux Philadelphie Warriors de 1947, la NBA a toujours distribué des bagues. En football, il est plus difficile de trouver l’origine de la première chevalière. Le musée du Hall of Fame à Canton possède une bague du quarterback des Eagles Tommy Thompson, qui a été offerte à l’équipe après les titres de 1948 et 1949. Cette tradition existait donc avant le premier Super Bowl, même si certaines équipes se sont laissées tenter par des montres comme les Packers en 1962. Dans l’ère pré-bague, Akron s’est vu remettre un pendentif en forme de ballon de football en 1920 après le premier titre. Le plus original, une peau d’ours pour Chicago en 1933.
Depuis l’édition inaugurale, tous les champions ont reçu un exemplaire du fameux bijou tant convoité. En 1967, Vince Lombardi et les capitaines Bob Skoronski et Willie Davis ont travaillé avec les designers pour créer le premier exemplaire, une bague en or jaune avec un seul diamant d’un carat au milieu. Au fil du temps, les conceptions sont devenues de plus en plus ostentatoires. Généralement, l’or et les diamants sont privilégiés. Green Bay en 1996 a introduit le logo. L’année suivante, Denver a ajouté de la couleur et ses successeurs ont emboité le pas. Les Packers en 2010 ont été les premiers à opter pour un modèle serti de platine. Des détails tels que les dates, scores, séries de victoires ou autres sont présents sur des modèles qui deviennent de plus en plus imposants et difficiles à porter. Il n’existe aucune règle définitive quant à la forme qu’elles doivent avoir. Plus une franchise est victorieuse, plus la taille est imposante. La seule obligation est de placer le logo de la NFL sur le côté gauche. Le dernier modèle produit à ce jour pour les Patriots, possède 422 diamants pour 8,25 carats et 20 saphirs bleus, incrustés dans de l’or blanc 10K. Et ce pour chaque pièce.
« Les bagues d’aujourd’hui sont comme de petits trophées sur votre main », Shaun Gayle, safety des Bears en 1985.
Beaucoup supposent que seulement le personnel sportif champion est honoré, mais en réalité, les deux vainqueurs de conférence remportent une bague. Une bague de la deuxième place, celle dont personne ne veut. De 300 à 900 anneaux sont produits chaque année, selon la taille de l’organisation et le nombre d’unité à produire. Alors que les joueurs obtiennent une version personnalisée complète, avec nom et numéro de maillot, les membres du personnel décrochent généralement une version standard moins chère, avec moins de matière précieuse. La NFL contribue à hauteur de 5 000 $ l’unité, pour un maximum de 150 bagues, soit 750 000 $. Le reste est payé par la franchise. Bien que le prix soit gardé secret et varie d’un produit à un autre en fonction des matières désirées, les équipes ne regardent pas à la dépense pour l’occasion. La franchise perdante ne peut toutefois pas dépenser plus de la moitié de ce que le vainqueur dépense pour son lot de consolation.
La plupart de temps, ce ne sont pas grands bijoutiers, mais des sociétés de souvenirs sportifs comme Josten et Balfour qui les fabriquent. Tiffany & Co. est la seule exception et a déjà réalisé plusieurs versions, dont celle des Giants en 2011. À ce jour, Jostens a créé 35 des 53 anneaux, dont le premier et les quatre derniers. L’équipe décide de l’entreprise et celle-ci n’est par la suite pas autorisée à faire des répliques, sauf demande du lauréat. Et même dans ce cas de figure, elle ne peut pas être exactement la même. On dit souvent qu’on ne peut pas acheter une bague de champion. Techniquement, ce n’est pas vrai. De temps en temps, une pièce est mise aux enchères. En 2012, celle de Lawrence Taylor remportée avec les Giants lors du Super Bowl XXV a été adjugée à 230 401 $. Le record appartient à un exemplaire de la famille de Tom Brady, édition 2017, parti à 344 401 $. Un bijou 10% plus petit qui ne possédait « que » 265 diamants au lieu des 283 et qui était évalué à 29 700 $.
Le processus de conception, de fabrication et de distribution prend environ quatre mois et les équipes sont fortement impliquées. L’entreprise rencontre les représentants de la franchise, généralement le propriétaire et quelques membres de l’organisation, pour démarrer quelques jours seulement après la rencontre. La phase de conception (idées, rendus, échantillons) dure en général six à huit semaines. Six de plus pour la production, où 42 à 48 personnes et 28 brevets sont impliqués. Cette étape se passe généralement à Denton, au Texas, dans la plus grande usine de fabrication de bague d’Amérique du Nord. Chaque modèle a son histoire unique. Parmi les plus récentes, Philadelphie a voulu 127 diamants. Ce nombre correspond à la somme des trois maillots de Corey Clement, Trey Burton et Nick Foles, auteur du Philly Special. 283 pour le modèle de New England contre Atlanta, en hommage au score qu’ils ont dû remonter avant de l’emporter. Les Giants de 2008 ont choisi un » 11″ en référence aux 11 victoires sur la route cette année-là.
La plupart du temps, elles finissent dans une boite ou dans une vitrine. Mais quelques-unes ont eu un destin tumultueux. L’anneau de Walter Payton (Bears) a été retrouvé dans un canapé alors qu’il le croyait perdu. C’est un de ses coéquipiers, William « The Fridge » Perry qui possède la plus grosse bague jamais fabriquée. Une taille 25, alors que l’homme moyen a une taille 10, qui a nécessité deux machines pour la confectionner. Elle est tellement large qu’une pièce de 50 cents U.S passe au travers. Une mauvaise communication a conduit Vladimir Poutine à garder l’anneau du Super Bowl 2004 de Robert Kraft. Lors d’une réunion d’hommes d’affaires au palais de Konstantin à l’extérieur de Saint-Pétersbourg, le président russe a admiré la bague incrustée de 124 diamants pour 4,94 carats. Il l’a essayé, puis s’est éloigné avec elle à son doigt. Croyant que c’était un cadeau, il ne l’a jamais rendu et elle se trouve aujourd’hui dans une bibliothèque du Kremlin. Le propriétaire de New England a révélé plus tard que des responsables de l’administration Bush lui avaient conseillé de laisser Poutine la garder et dire que c’était un cadeau.