La fusion AFL-NFL de 1966 a entrainé la création d’une finale dont le vainqueur devait déterminer quelle était la ligue dominante chaque année. Aujourd’hui connu comme le Super Bowl, ce premier rendez-vous était loin de l’extravagance actuelle.
Petit tour d’horizon des 10 faits marquants ou amusants.
Le Super Bowl I n’était pas appelé Super Bowl
En 1966, les officiels de la ligue nouvellement unifiée discutaient de l’organisation de la toute première finale. En plus de la localisation et de la logistique, la question de la dénomination est arrivée sur la table. Malgré les propositions de Pete Rozelle, commissionnaire de l’époque, comme The Big One ou The Pro Bowl, AFL-NFL World Championship Game a été retenu. Un nom pas très inspiré pour une alliance qui avait besoin de quelque chose de plus puissant.
Le fondateur de l’AFL et propriétaire des Kansas City Chiefs, Lamar Hunt, a suggéré « Super Bowl » en référence au jouet Super Ball (une balle rebondissante) de Wham-O. Celui-ci avait les faveurs de ses enfants et très populaire dans tout le pays dans les années 1960. Ce nom a recueilli le soutien des fans et des médias, mais Rozellle le détestait. Il considérait le mot « Super » comme informel, trop fantaisiste et indigne du standing de la ligue. Malgré la dénomination choisie par le commissionnaire, le public le désignait toujours comme le Super Bowl. À la quatrième année, la ligue a cédé et a finalement imprimé le nom Super Bowl sur les billets de match. Depuis la cinquième édition, les chiffres romains ont fait leurs apparitions et y sont restés chaque année à l’exception du Super Bowl 50 en 2016. Les trois premiers matchs ont été officiellement renommés rétroactivement.
Le stade désigné à la dernière minute
Alors que les villes hôtes sont désormais sélectionnées plus de trois à l’avance, le Los Angeles Memorial Coliseum n’a été choisi que six semaines avant le coup d’envoi.
« Le grand match était une affaire montée de toute pièce, organisé à la hâte. C’était d’une certaine manière, une réflexion après coup sur l’accord de fusion », Harvey Frommer, auteur de When it was just a game.
Pas d’engouement populaire
La semaine dernière, le ticket d’entrée le moins cher était affiché à 4189 dollars, sans compter les frais de réservation faisant gonfler la note à plus de 5600 billets verts. Même avec des prix plus élevés encore, le match se jouerait quand même devant des gradins remplis. C’est peut-être difficile à croire aujourd’hui, mais la première finale était loin d’afficher complet. Sur les 94 000 places disponibles, 62 000 ont trouvé preneurs, la seule édition encore à ce jour où toutes les places n’ont pas été vendues. De nombreuses personnes se sont plaints du prix élevé des billets (en moyenne 12$), ou n’étaient tout simplement pas intéressées. Un exemple illustre parfaitement la situation. Selon Frommer, le coffre-fort des Chiefs a été dévalisé peu de temps avant le match. Le voleur s’est emparé de l’argent caché à l’intérieur et a laissé derrière lui les 2000 tickets de match présents.
La vaste étendue de siège vide a cependant permis d’éviter un drame. Juste après le coup d’envoi, une énorme aiguille en fer forgé s’est détachée de l’horloge du tableau d’affichage et a plongé de 15 mètres après le dysfonctionnement de son système de commande à distance. Un accident qui aurait pu être fatal si les sièges avaient été occupés.
Quelle que soit la raison, la vue de dizaines de milliers de sièges vides pour ce qui était censé être le match le plus important de l’histoire de ces deux ligues n’était pas ce que Rozelle avait en tête lorsque le Super Bowl a été conçu.
Diffusé simultanément sur deux chaines différentes…
CBS détenait les droits de diffusion des matchs NFL depuis de nombreuses années. NBC ceux de l’AFL. Aucune des deux entités n’allait rater le match de sa ligue respective, moyennant 1 million de dollar pour les droits de diffusion. Ainsi, cette première édition a été la seule diffusée sur deux réseaux simultanément. Tandis que CBS produisait les images, chacun employait ses propres équipes. La tension était si forte avant le jour J qu’une clôture a dû être construite entre les camions de production pour garder tout le monde au calme.
…Mais quinze millions de personnes n’ont pu regarder le match
À cause du black-out télévisuel. Le stade n’était pas suffisamment rempli, la finale n’a pas été retransmise à la télévision dans un rayon de 75 miles autour du Coliseum de Los Angeles. Conformément aux règles de l’époque, les enceintes devaient atteindre un taux de remplissage prédéfini sinon le match en question n’était pas diffusé à la télévision. Le but étant d’inciter les fans à se déplacer. C’est aussi l’une des raisons du désamour pour cette rencontre. Certains petits malins ont tout de même réussi à capter un signal étranger à la région en confectionnant des antennes aériennes de fortune avec des cintres et des balais.
Les entraineurs sur leur 31
Les pulls à capuche sont le summum de la mode chez les entraineurs NFL aujourd’hui, mais pas pour les deux protagonistes de ce premier Super Bowl où costume foncé, chemise blanche et cravate étaient de rigueur.
Différence de règles et de ballons
La règle de conversion à deux points, que l’AFL a toujours utilisé, n’a pas été autorisée pour la rencontre. Seule la transformation classique à un point était possible. Lorsque les deux ligues ont définitivement fusionné, la transformation à deux points a été bannie jusqu’en 1994.
L’autre changement était le ballon lui-même, les deux entités utilisant des marques concurrentes. Pour que chaque équipe se sente à l’aise, le cuir de sa propre ligue serait utilisé chaque fois qu’elle était en attaque. Les Packers ont joué avec le fameux « The Duke » de Wilson. Les Chiefs utilisaient le J5-V de Spalding, qui était plus long, étroit avec une surface plus collante et donc plus facile à passer. Malgré cet avantage, c’est bien Green Bay qui a décroché la victoire.
Jetpacks, fanfares et pigeons au menu de la mi-temps
Oubliez les Maroon 5, Katy Perry ou bien Shakira. Pas non plus de dysfonctionnement au niveau de la garde-robe lors du premier spectacle de la mi-temps. Au lieu de cela, la fanfare du lycée d’Anaheim a rejoint celles de l’Université d’Arizona et du Grambling College au milieu du terrain. Deux hommes portant des jetpacks de Bell Aerosystems remplis de peroxyde d’hydrogène se sont élevés à 31 mètres au-dessus du sol avant d’atterrir sur la ligne des 50 yards. Les festivités se sont achevées avec un lâcher de 10 000 ballons gonflés à l’hélium et des centaines de pigeon. Toujours selon Frommer, l’un d’eux a laissé un souvenir sur la machine à écrire du jeune écrivain sportif Brent Musburger qui a présenté par la suite les émissions d’avant-match sur CBS « The NFL Today ». Il n’existe que de rares vidéos du spectacle, mais cette performance a été revisitée lors de la mi-temps du Super Bowl XIX avec un retour des jetpacks.
Deux coups d’envoi en seconde période
Lorsque la deuxième moitié de la rencontre a débuté, tout le monde était prêt pour le coup d’envoi des Packers. Enfin presque tout le monde. Il s’avère que NBC a manqué le coup d’envoi car elle était toujours en coupure publicité, l’interview de l’acteur Bob Hope ayant duré plus de temps que prévu. Au grand dam de Vince Lombardi, les arbitres ont annulé l’action et demandé à Green Bay d’effectuer à nouveau la remise en jeu.
Il n’existe pas d’enregistrement vidéo complet
Contrairement à aujourd’hui où tout est sauvegardé, enregistré, découpé pour des vidéos, il n’y a pas de de copie complète de cette première édition. En 2005, un homme de Wilkes-Barre en Pennsylvanie a trouvé une copie du match diffusé sur CBS dans son grenier. Celle-ci avait été enregistrée par son père sur des bandes quadruplexes de deux pouces. Cependant, le spectacle de la mi-temps et des jeux du troisième quart-temps sont manquants. Les images ont été restaurées numériquement et sont actuellement enfermées dans une chambre forte au Paley Center for Media à Manhattan. À ce jour, elles n’ont pas été montrées au public. Troy Haupt, le propriétaire de la cassette, est dans une impasse juridique avec la NFL sur la valeur exacte des images.
Pour montrer à Haupt qu’ils n’avaient pas besoin de ses cassettes, NFL Network a sorti une version concoctée non pas à partir des séquences de CBS ou NBC, mais à partir des vidéos montées par la division NFL Films alors naissante. Comme il n’y avait pas de bande son, les commentaires ont été enregistrés en 2016 lors du montage. Beaucoup d’approximations pendant toute la durée de la diffusion ont contraint la chaine de la ligue à rediffuser les images sans les commentaires de ses propres analystes.