Tous les vendredi, la rédaction de TDActu vous propose le portrait d’un acteur NFL. Son parcours sportif, ses succès et ses échecs, son parcours de vie. Rares sont les joueurs à ce poste avec un tel gabarit, Derrick Henry a les moyens pour démolir n’importe quelle défense mais le fait-il ?
Derrick Henry
Né le 4 janvier 1994 à Yulee, Floride
1m91 pour 112 kilos
Coureur, Titans du Tennessee, 4e saison
Titan
Dans la mythologie Grecque, un titan est un géant alors forcément Derrick Henry ne pouvait rejoindre une équipe avec un surnom lui allant aussi bien : 1m91 pour 112 kilos. En NFL, la taille moyenne d’un porteur de balle est de 1m78 pour 97 kilos. 13 centimètres et 15 kilos de plus pour Henry. En fait, son gabarit correspond aux mensurations moyennes d’un linebacker jouant en NFL. Un géant donc pour son poste sur le terrain.
Alors imaginez un linebacker NFL jouant contre des lycéens ! En 2012 il joue pour le Yulee High School et il mesure déjà 1m91. Et sur la balance, il pèse 105 kilos. Pas étonnant dés lors de le voir dominer ce niveau comme peu l’ont fait avant lui. Son année senior il signe : 4261 yards et 55 touchdowns. 328 yards de moyenne par match!
Son bilan final au lycée est un modeste 12 124 yards à la course et 153 touchdowns. Il est, non seulement bien plus costaud que les autres mais en plus, il est rapide : en 2011 il court le 100m en 11,11 secondes. Terminons avec ses stats gargantuesques en ajoutant qu’il a dépassé la barre des 100 yards dans chacun des 48 matchs qu’il dispute avec son lycée, dont une performance à 510 yards contre Jacksonville Jackson. Une homme jouant contre des ados, ou presque.
Mais qu’en est-il lorsqu’il doit affronter des hommes en pleine force de l’âge ?
Downsizing
En 2016, rookie en NFL il joue quinze fois sur seize possibles mais son rôle est loin derrière celui de DeMarco Murray, le titulaire du poste qui prend presque trois fois plus de portés que lui (293 contre 110). L’année suivante ses actions augmentent et il fait mieux que Murray en terme de yards au sol mais pas en nombre de touchdowns. Les fans montrent de plus en plus leurs frustrations envers les appels de Mike Mularkey, notamment sur sa trop faible utilisation de Derrick Henry.
Mike Vrabel arrive en 2018, avec Matt LaFleur comme coordinateur offensif et DeMarco Murray annonce sa retraite : les étoiles semblent s’aligner pour Derrick Henry.
Et pourtant non.
Sur les quatre premiers matchs de la saison, sa moyenne par course n’est que de 2,97 yards. L’autre coureur est davantage utilisé, Dion Lewis un joueur capable de courir et de réceptionner les passes. Fin septembre 2018 il est totalement insatisfait par son jeu :
« C’est à jeter à la poubelle. Je dois être plus physique, je dois faire plus de jeux explosifs. Je me dois d’aider cette attaque comme j’ai dis que je le ferai. », confie-t-il à titansonline
Sur les douze premiers matchs de la saison 2018, il ne fait pas mieux que 58 yards dans un match. Une moyenne de trente-neuf et demi par dimanche. Lui si habitué à être un joueur dominant dans une équipe dominante (Yulee puis Alabama), il ne rayonne pas et étant donné la durée de vie très courte d’un running-back dans cette ligue, si ses jours ne sont pas encore comptés, son avenir s’assombrit quelque peu. Trop grand ? Une cible un peu trop visible pour les défenseurs adverses ?
Dans une ligue où en 2018 les petits gabarits sachant se faufiler sont valorisés, tel Christian McCaffrey, certains posent la question : un coureur offrant aux défenseurs autant de surface corporelle à agripper, peut-il avoir un réel impact en NFL ?
I Am Legend
A l’époque où George Eddy commentait les matchs diffusés en France, une des stars de ce sport était un certain Eddie George. 11 217 yards à la course et 73 touchdowns en neuf saisons, dont sept avec les Titans. Et lui aussi était un vrai titan du haut de son mètre quatre vingt-onze pour plus de 100 kilos. Une apparition au Super Bowl avec une défaite face aux Rams du best show on turf, il revêt depuis 2011 une veste couleur or, celle des joueurs introduits au Hall of Fame.
ESPN avait en 2017 déjà, arrangé une rencontre entre ces deux hommes, les deux étant vainqueur du Heisman Trophy. Avec sa draft par la franchise de coeur du plus ancien, les deux sont restés en contact. Alors, après que les trois-quart de la saison 2018 soient déjà passés, Derrick Henry décide de demander conseil à son ainé.
« J’ai été honnete avec lui. Je lui ai dis qu’il devait imposer sa volonté au défenseur, qu’il est trop costaud pour ne pas se servir de cet atout. J’ai l’impression que ses jambes sont mortes après le contact or il doit continuer à les bouger. J’ai vu son match contre les Chargers et j’avais l’impression que malgré sa stature, il refusait les contacts. », confie Eddie George à yahoosports.
Arrive alors le 13e match de la saison 2018, la rivalité de division face aux Jaguars de Jacksonville.
.@KingHenry_2 freight 🚂💨💨 comin' through!!! #TitanUp
(The stiff arm Bouye took though😫)
(via @NFL)https://t.co/L0TriNg1Mj
— Yahoo Sports NFL (@YahooSportsNFL) December 7, 2018
238 yards et 4 touchdowns! Dont un en partant de sa propre ligne des 1 yard et, plus que la distance parcourue, c’est la manière qui marque les esprits : enfin, il se sert de son physique pour repousser les défenseurs comme il le faisait au lycée. Certains tentent alors de minimiser son action en focalisant sur des défenseurs tentant par trois fois de plaquer un joueur aussi costaud non pas aux jambes mais sur le haut du corps. Certes.
Pourtant cette défense est celle des Jaguars, une escouade qui la semaine précédente a complètement éteint un Andrew Luck connaissant ce jour-là le tout premier zéro de sa carrière, lors d’une défaite 6 à 0. Honnête ou diplomate, Henry remercie avant tout sa ligne offensive pour cette remarquable performance.
« Ce n’est pas que moi mais surtout ces gars qui bloquent alors donnez-leurs du crédit pour cela. », pour titansonline
La semaine suivante, Derrick Henry enchaine face aux Giants avec 170 yards et deux touchdowns. On ne parle plus désormais de rumeurs d’échanges et le terme Heisman Trophy est à nouveau mentionné dans les commentaires à son propos. Si remporter le titre de meilleur joueur universitaire n’est pas gage de réussite au niveau supérieur, il n’en reste pas moins un accomplissement exceptionnel, plus encore lorsque le joueur n’évolue pas à la position de quarterback. Et pour y arriver, Derrick Henry a, ô surprise, travaillé. Dur.
Le tracteur au nitrométhane
En 2013, il est considéré comme une recrue 5 étoiles. Ses attributs physiques sont tels que les sites spécialisés ne le catégorisent pas en tant que coureur mais comme athlète. Bien entendu il reçoit des offres des meilleurs programmes du pays : Georgia, Clemson, Florida, Miami etc Alors autant rejoindre le meilleur d’entre-eux. L’université de Alabama vient de remporter le titre de champion national et son coureur vedette se présente à la draft (Eddie Lacy) alors logiquement, il porte son choix sur l’équipe de coach Nick Saban.
D’ailleurs, il n’est pas la seule recrue labélisée 5 étoiles à se rendre à Tuscaloosa cette année-là : OJ Howard, Rueben Foster et Jonathan Allen prennent le même chemin. De même que Robert Foster (Bills), A’Shawn Robinson (Lions) et un autre coureur mais au gabarit complètement différent du sien, Alvin Kamara (Saints).
Jouer pour Alabama est le gage d’être entrainé par un staff compétent, celui aussi d’évoluer avec quelques-uns des meilleurs joueurs du pays. Mais rarement, aussi impressionant fut-il au lycée, celui d’avoir beaucoup de temps de jeu dès sa première année. Barré par TJ Yeldon et Kenyan Drake, il joue dix matchs avec la faible moyenne de 3,5 tentatives par match. Six contre Arkansas pour une performance à 111 yards, 8 autres lors de la défaite au Sugar Bowl face à Oklahoma où il termine la saison 2013 en signant 100 yards et un touchdown.
Au sein d’une telle powerhouse le talent ne suffit pas, il faut travailler. Au site Bleacher Report, il confie au printemps 2014 qu’il du s’ajuster à la vitesse bien supérieure des défenseurs ou encore à savoir bloquer les blitz adverses. Son équipier (à Alabama et pendant quatre saisons avec les Titans) Jalston Fowler ajoute :
« Il se bouge le c**. Ce gamin est toujours en train de bosser, constamment. Que ce soit sur le terrain ou en salle de musculation, il en fait toujours plus que demandé. On sent qu’il veut devenir un grand. », Yahoo Sports
Dès la saison 2014 il approche la barre des 1000 yards (990) tout en partageant les snaps et il porte par onze fois le cuir dans la zone d’en-but. En 2015, il est enfin le numéro un au poste : de 172 portés en 2014, il passe à 395 et le résultat est impressionnant avec 2219 yards et 28 touchdowns ! Il conclut cette saison lors de la finale universitaire, une victoire face à Clemson en signant 158 yards et 3 touchdowns. Et il remporte le trophée du meilleur joueur universitaire devant Deshaun Watson et Christian McCaffrey. Il est prêt. Les Titans le sélectionne lors de la draft 2016 avec le 45e choix.
En 2019, Derrick Henry confirme. Il confirme qu’il adore jouer contre les Jaguars avec à nouveau un match (24 novembre) de géant : 159 yards et 2 touchdowns. Après tout, sa ville natale de Yulee se trouve à seulement 40 kilomètres au nord de…Jacksonville. 188 yards la semaine précédente contre Kansas City, 149 la suivante contre les Colts. Derrick Henry dépasse les 1000 yards en saison alors qu’il reste encore quatre matchs à disputer !
Enfin il semble jouer au niveau attendu. L’année où jamais puisqu’il arrive en fin de contrat après la saison. Avec Tennessee, Tractorcito (surnom reçu lors d’un match contre Oklahoma par le commentateur de ESPN Deportes) n’a pour l’instant montré que des promesses, belles certes mais devant devenir plus régulières pour devenir en NFL aussi, un joueur dominant, un géant, un titan.