La NFL est puissante aujourd’hui, mais croyez-le ou non, elle a connu des débuts bien modestes. À l’approche des dernières heures de cette centième saison, TDActu vous propose de découvrir les origines de la ligue sportive la plus riche du monde.
Après la naissance de la ligue et l’arrivée de la draft la semaine passée, place aujourd’hui aux années 1950 et 1960 avec la fusion NFL-AFL et l’apparition su premier Super Bowl.
Ségrégation et expansion du jeu au niveau national
La Grande Dépression des années 1930 et la Seconde Guerre Mondiale ont laissé les premières franchises professionnelles sans argent et sans joueurs. Certaines ont fusionné le temps d’une saison (Philadelphie et Pittsburgh, Chicago Cardinals et Pittsburgh, Brooklyn et Boston), d’autres ont stoppé leurs activités pendant un temps, à l’image des Rams de Cleveland. Cette phase était surtout marquée par la ségrégation qui frappait le pays et a déteint sur le monde du sport. La ségrégation dans le football n’était pas autant discutée qu’au baseball, bien qu’il n’y ait pas eu de joueurs noirs du milieu des années 1930 aux années 1940. Les Rams ont été la première équipe à faire des progrès, bien encouragés par la loi. En 1946, le propriétaire des Rams de Cleveland, Dan Reeves, a menacé de quitter le football si la ligue ne le laissait pas déménager à Los Angeles. Il a finalement obtenu gain de cause et les Rams sont devenus la première équipe NFL à s‘implanter sur la côte Ouest. Cependant, selon l’arrêt de la Cour Suprême des Etats-Unis « Plessy vs Ferguson », l’autorité du Los Angeles Coliseum ne pouvait pas louer son stade à une équipe uniquement composée de joueurs blancs, elle devait pouvoir offrir les mêmes conditions aux divers groupes raciaux selon la doctrine qui en découlait « separate but equal ».
Ainsi, les Rams ont signé l’ancienne star de UCLA Kenny Washington en mars 1946 et Woody Strode en mai. Les autres équipes ont suivi petit à petit ce mouvement, à l’exception sans surprise des Washington Redskins. Le propriétaire George Marshall, homme ouvertement raciste, a refusé catégoriquement de signer ou recruter des joueurs noirs. La situation a duré jusqu’en 1962, moment choisi par le secrétaire de l’intérieur Stewart Udall de menacer d’expulsion l’équipe si elle ne changeait pas sa politique, en révoquant le bail pour le stade. Marshall a été contraint de céder.
Les années 1950 ont été un grand moment pour la ligue. Pourtant le football professionnel ne pouvait rien offrir au public de comparable aux rivalités, à l’enthousiasme et à l’ambiance du football universitaire. L’intégration, l’expansion et l’impressionnante série de victoires en championnat d’équipes comme les Lions (1952, 1953, 1957) ou les Browns (1950, 1954, 1955) ont contribué à accroitre sa popularité, à un moment où les amateurs de baseball en avaient assez des victoires permanentes des Yankees de New York en World Series. Des joueurs tels que Norm Van Brocklin, Y.A Tittle, Johnny Unitas (quarterbacks), Tom Fears (receveur), Jim Brown (running back), Tom Landry (defensive back), Ray Nitschke (linebacker), Frank Gifford (halfback) ont attiré les foules et contribué à l’essor du championnat.
Le football devenait le nouveau sport populaire. Il a pu dépasser les frontières des villes franchisées pour devenir une discipline nationale avec l’arrivée de la télévision. La finale du championnat 1951 a été diffusée d’un océan à l’autre pour la première fois le 23 décembre par DuMont. Cinq ans plus tard, Columbia Broadcasting System (CBS) a commencé à diffuser certaines rencontres à l’échelle du pays. Jusque là, quelques matchs étaient diffusés au niveau local, Los Angeles est devenu la première franchise à voir toutes ses rencontres diffusées à la télévision en 1950. Pour faciliter la reconnaissance des équipes à une époque où les images étaient en noir et blanc, le halfback des Rams Fred Gehrke a eu l’idée de peindre des cornes de bélier sur le casque de son équipe deux ans auparavant.
Pendant cette décennie, plusieurs modifications d’organisation ou de règlement ont aidé à structurer le jeu. Si beaucoup n’ont eu qu’une durée de vie courte, certaines sont encore valables en 2019. Le 3 mars 1950, les conférences Américaine et Nationale ont été créées pour remplacer les divisions Orientale et Occidentale. L’année suivante, le Pro Bowl, comme il existe actuellement, a été relancé après 9 ans d’absence. La fin d’une action est sifflée lorsque le porteur de balle touche le sol avec une partie quelconque de son corps, à l’exception de ses mains ou pieds depuis 1955. En 1956, le syndicat des joueurs a été créé et la saisie de la grille de protection est devenue illégale.
L’American Football League, caillou dans la chaussure
1959, autre année charnière avec l’arrivée sur le devant de la scène de deux personnalités qui allaient changer la perception du jeu, sur et en dehors du terrain. Homme intimidant et motivateur hors pair, Vince Lombardi a été nommé à la tête des Packers. Cette nomination a marqué l’ascension de Green Bay comme équipe phare des années 1960, probablement la première dynastie avec cinq titres en neuf ans. Après une défaite en finale en 1960 face aux Eagles, les Cheeseheads ont remporté 3 titres (1961, 1962 et 1965), ainsi que les deux premiers Super Bowl (1966, 1967). Pour rendre hommage à ses performances et à celles de son équipe, le trophée remis aux vainqueurs a été rebaptisé en son nom après sa mort en 1970.
Lamar Hunt est peut être la clé de la réussite actuelle de la National Football League. Entrepreneur hors pair et héritier du pétrole, le natif d’El Dorado dans l’Arkansas a tenté en vain de racheter une équipe pour la baser à Dallas, siège de ses activités. N’arrivant pas à ses fins, mais croyant que le football professionnel pourrait générer des bénéfices, il a annoncé son intention de former une seconde ligue professionnelle, plus ouverte. La première réunion s’est tenue à Chicago le 14 aout en présence de Hunt pour Dallas, Bob Howsam (Denver), K.S Adams (Houston), Barron Hilton (Los Angeles), Max Winter et Bill Boyer (Minneapolis), Harry Wismer (New York). Leur plan initial était de commencer à jouer dès l’année suivante.
Les choses se sont donc enchainées très vite. Le 22 aout, l’American Football League (AFL) était officiellement créée. Le 28 octobre, Ralph Wilson de Buffalo s’est vu attribuer la septième franchise. Boston et William H.Sullivan la huitième le 22 novembre. Ce même jour s’est tenue la première draft de cette nouvelle organisation avec 33 tours au programme, avant une seconde de 20 tours le 2 décembre. Entre temps, Joe Foss a été nommé commissionner le 30 novembre.
Pendant qu’en NFL Pete Rozelle était élu commissionner en 1960 après 23 tours de scrutins, et que Dallas se voyait offrir une équipe (Cowboys), le championnat AFL a terminé de se structurer. Hunt a été nommé président de « sa » ligue qui a adopté la possibilité de convertir à deux points à la suite d’un touchdown. Surtout, l’AFL a signé un contrat de diffusion avec la chaine ABC. Au niveau sportif, les représentants du Minnesota se sont retirés pour évoluer dans l’autre ligue ; en contrepartie, Oakland s’est vu octroyer la place vacante. Ainsi, le premier championnat a débuté le 9 septembre suivant avec 8 équipes sur la ligne de départ : Boston Patriots, Buffalo Bills, Dallas Texans, Denver Broncos, Houston Oilers, Los Angeles Chargers, New York Titans, Oakland Raiders. Les Broncos ont battu les Patriots 13 à 10 chez eux devant 21 597 spectateurs pour l’ouverture de la saison, et les Oilers sont devenus les premiers champions en prenant le dessus sur les Chargers 24 à 16 lors de la finale.
Mis à part deux déménagement (Chargers à San Diego en 1961 et Chiefs à Kansas City en 1963) et un changement d’identité (Titans de New York devenant Jets en 1963), le succès sur le terrain était relatif et n’a pas vraiment menacé la NFL. Hors du terrain, les deux organisations s’affrontaient sur la plan juridique. L’AFL reprochant à sa grande sœur un monopole et une conspiration dans les domaines de l’expansion, la télévision et la signature des joueurs. Le procès initial a duré deux mois. Trois ans et demi pour l’affaire, dont les jugements en première instance et en appel ont débouté l’AFL. En revanche, les représentants se sont bien débrouillés pour signer un nouveau contrat plus lucratif en 1964 avec NBC. 36 millions sur 5 ans, bien plus que les 4,65 millions annuels de son homologue.
La fusion AFL-NFL et la naissance du Super Bowl
Cette entente signifiait plus d’argent pour la ligue, et soudainement les équipes avaient les fonds nécessaires pour rivaliser avec la NFL dans la signature les meilleurs joueurs. Les deux ligues se sont dès lors battues avec acharnement pour attirer sportifs, attention des médias et profits. Joe Namath (drafté dans les deux ligues), Lance Alworth, Jack Kemp ont opté pour la petite nouvelle et l’ont aidé à s’établir au même niveau que la NFL. L’American Football League est devenue plus populaire, alors que les deux entités se retrouvaient essentiellement mêlées à des guerres de surenchères. Chacune essayant de convaincre les joueurs universitaires de rejoindre leurs rangs en proposant de plus en plus d’argent, ou bien en se volant les meilleurs éléments. La guerre a atteint son apogée lorsque 7 millions de dollars au total ont été dépensés en 1966 pour signer les choix de draft. Trop aux yeux du commissionner Foss qui a démissionné de son poste à la tête de l’AFL le 7 avril, remplacé dès le lendemain par Al Davis des Raiders.
Pour stopper l’escalade, le propriétaire des Cowboys Tex Schramma a approché Lamar Hunt au sujet d’une éventuelle réunification des deux entités. Une série de réunions secrètes ont eu lieu au printemps entre les deux protagonistes, débouchant sur une fusion prononcée par Pete Rozelle le 8 juin 1966. En vertu de l’accord, les deux ligues se combineraient pour former une organisation de 24 équipes avec l’arrivée des Falcons et Dolphins. Ce nombre a ensuite été porté à 26 en 1968 (Saints et Bengals), puis 28 à partir de 1970. Toutes les franchises existantes seraient conservées et aucune ne serait transférée à l’extérieur de leur région métropolitaine.
Une autre partie de l’entente stipulait que l’AFL et la NFL joueraient chacun selon un calendrier de saison régulière distinct jusqu’en 1969. À la fin de la saison, les vainqueurs de chaque ligue s’affronteraient lors d’un match pour déterminer le champion, l’AFL-NFL World Championship Game. La première édition s’est tenue le 15 janvier 1967 au Los Angeles Coliseum devant 61 946 personnes et a vu les Packers du MVP Bart Starr prendre le dessus sur les Chiefs 35 à 10. La rencontre, ainsi que les trois éditions suivantes, ont été diffusées par NBC et CBS qui ont déboursé 9,5 millions de dollars pour les droits. Cette même année, une seule et unique draft a été organisée pour toutes les équipes, ainsi que des rencontres de pré-saison inter-ligue. Petite innovation dans l’AFL qui a établi un système de playoffs en 1969. Ainsi, chaque vainqueur de division après la saison régulière affrontait l’équipe classée en seconde position dans l’autre division. Les deux lauréats se retrouvaient pour une finale qui déterminait le représentant de la ligue lors de l’ultime rendez-vous.
Au moment de choisir un nom pour désigner la finale, Lamar Hunt a de nouveau marqué l’histoire. Réunis pour planifier la première édition, Hunt et les autres piliers du football n’arrivaient pas à trouver une appellation accrocheuse. Des suggestions comme The Big One, Pro Bowl, World Series of Football ont été repoussées. Le propriétaire des Chiefs a alors laissé échapper une solution de rechange : Super Bowl, en référence au jeu préféré de ses enfants, le Super Ball. Balle en caoutchouc rebondissante, il était le jeu le plus populaire du pays dans le milieu des années 1960. Bien que les fans et les médias aient rapidement adopté le titre, il avait ses détracteurs. En premier lieu, le patron de la ligue Pete Rozelle, qui ne supportait pas le terme « Super », le trouvant trop familier. Hunt lui même n’était pas non plus trop convaincu aux premiers abords, jugeant la dénomination trop ringarde. Mais ni un concours organisé en 1969 avec Ultimate Bowl ou Premier Bowl comme propositions, ni une meilleure suggestion n’a fait mouche aux yeux des décideurs. Le terme Super Bowl est resté et n’a été officiellement employé pour la première fois que pour sa quatrième édition en 1970.
Prochain chapitre, les dynasties et les bases du système actuel.