À 5 semaines du Super Bowl LII, épisode 46 de notre rétrospective exceptionnelle, le Super Bowl XLVI.
New York Giants (NFC) vs. New England Patriots (AFC) – 5 février 2012
Patriots contre Giants. Une quête de la perfection éparpillée en mille morceaux 4 ans plus tôt. Comme les Bills de 94, dispersés aux quatre vents par les Cowboys un an plus tôt, les Pats tiennent leur revanche. Comme les vieux Redskins de 89, battus par la magie de Joe Montana 7 ans plus tôt, les Pats tiennent leur revanche. Comme les Cowboys de 1979, renversés par le bras en acier trempé de Terry Bradshaw 3 ans plus tôt, les Pats tiennent leur revanche. Plus que réécrire leur propre histoire, c’est celle de tous ces vaincus malheureux qu’il faudra réécrire. Car aucun d’eux n’a jamais su aller au bout de son destin et prendre sa revanche. Ils tenaient l’occasion du bout des doigts, sans jamais parvenir à la saisir. Il ne tient qu’aux Patriots de renverser l’histoire.
Revenge Bowl
4 ans plus tôt, dans le désert de l’Arizona, les Giants de la machine à interception Eli Manning endossaient leur plus beau costume de casseurs d’ambiance et brisaient le rêve de perfection des Patriots. Un dénouement étourdissant. Une issue impensable. En 2008, surfant sur un parcours magistral en playoffs en janvier dernier, les Géants planent sur la saison régulière, s’emparent du trône de la NFC Est, s’offrent une semaine de congés et se remettent à rêver. Dès leur premier match, Philly débranche la musique et rallume les lumières. NYC ne passera pas un tour. Une saison à l’équilibre, une à 10 succès, mais sans séries. Pendant 2 ans, au fil des départs, les G-Men se réinventent. Michael Strahan parti à la retraite, Plaxico Burress suspendu, Amani Toomer envolé à KC, les nouveaux visages pullules dans le vestiaire. Un vestiaire lui aussi flambant neuf. En 2010, après 33 ans dans le Giants Stadium, les hommes en bleu déménagent dans leur nouvelle coloc du New Meadowlands Stadium.
En 2011, après un départ raté à Washington, les protégés de Tom Coughlin et ses 65 balais réalisent un automne presque parfait, portés par une attaque qui s’éclate. 6 victoires, 2 revers, les Giants battent leurs victimes préférées au Gillette Stadium de Foxboro et se mettent à rêver. Et patatra. 49ers, Eagles, Saints, Packers. 4 matchs, 4 défaites et des ambitions qui prennent un sérieux coup dans les côtes. Malgré un nouveau revers face aux Redskins, les New-Yorkais décrochent quand même le titre de la NFC Est en semaine 17, en primetime, en écœurant les Cowboys grâce à un Victor Cruz intenable. Star de la présaison un an plus tôt lorsqu’il colle un triplé aux Jets, le receveur sort de nulle part. En 2010, il joue 3 matchs, n’attrape pas la moindre passe, se blesse et est envoyé sur la réserve des blessés. En 2011, il flambe et transforme les endzones adverses en pistes de danse. 82 réceptions, 1536 yards, 9 touchdowns et des envolées folles. 68 yards, 72, 74 deux fois et 99 face à des Jets aux allures de paillasson pour les crampons de Cruuuuuz. Quelques semaines plus tôt, il n’était même pas titulaire. En semaine un, il ne touche pas le moindre ballon. 7 jours plus tard, Domenik Hixon se pète le genou. Victor tient sa chance de briller. Il va exploser. En semaine 3, face à la dream team de Philly et son recrutement de milliardaire, le numéro 80 n’a besoin que de trois réceptions pour cavaler 110 yards et marquer 2 fois. NYC tombe sous le charme de ses déhanchés.
Révélation inespérée après le départ de (l’autre) Steve Smith et la blessure de Hixon, Victor Cruz apporte un vent de fraîcheur dans une attaque portée par un Eli Manning rayonnant. S’il lance encore une fois sa traditionnelle quinzaine d’interceptions, le quarterback fait péter presque tous ses records personnels. 4933 yards inégalés pour un Géant, 29 touchdowns, une évaluation de 92.9, il livre la saison la plus aboutie de sa carrière et profite d’un large arsenal offensif. Car derrière, les jambes de feu de Salsaman, les second rôles ont de la gueule. Hakeem Nicks éclipse lui aussi la barre des 1000 yards en attrapant 76 passes pour 1192 yards et 7 touchdowns, pendant que le cubique Jake Ballard exploite son mètre 98 pour ajouter plus de 600 yards et marquer 4 fois. Après avoir explosé un an plus tôt, l’ancienne star de Michigan, Mario Mannigham, slalome tant bien que mal entre les pépins physiques pour empiler 523 yards et 4 touchdowns en 12 rencontres. Attaque résolument tournée vers les airs, l’escouade dirigée par Kevin Gilbride exploite intelligemment la complémentarité de sa paire de coureurs. Malgré une blessure qui le prive de 4 matchs, Ahmad Bradshaw compile plus de 900 yards et croise 11 fois la ligne, pendant que la montagne de muscles Brandon Jacobs court 571 yards et inscrit 9 touchdowns tout en finesse.
De l’autre côté du ballon, Michael Strahan et ses dents du bonheur partis couler des jours heureux dans les studios de la FOX, la défense s’arc-boute autour du colosse Jason Pierre-Paul. Drafté un an plus tôt en provenance de South Florida, le pass rusher rafle 16,5 sacks (4e de la ligue) et 86 plaquages dans un rôle de dynamiteur sur la ligne grâce auquel il est le seul Giant invité à Hawaï en défense. Dans un rôle de mentors, Justin Tuck et Osi Umenyiora se mettent à deux pour récolter 14 sacks et forcer 3 fumbles malgré quelques matchs sur la touche à cause de blessures. Le genou de Terrell Thomas parti en miettes en présaison à Chicago, le secondary s’en remet à un cocktail d’expérience et d’habileté en matière de revirements, mais prend régulièrement la marrée. Corey Webster, Kenny Phillips, Aaron Ross et Antrell Rolle. À eux 4, ils piquent 16 ballons dans les airs, mais pointent en queue de classement au jeu des yards à la passe. Au nombre des points, ça n’est guère mieux. Tellement que la défense concède plus de points (400 au total, 25 par match) que l’attaque n’en inscrit (394, 24.6 par match). De quoi donner des sueurs froides chaque semaine et expliquer une saison mi-figue raisin au cours de laquelle les Giants n’affichent que trop rarement la maîtrise d’un futur champion.
Pourtant, après un sprint final stressant pour les nerfs grâce auquel les G-Men remportent une NFC Est fidèle à elle-même et indécise comme jamais, les hommes de Tom Coughlin épatent en séries. Au premier tour, ils coupent la langue de l’attaque des Falcons et ne concèdent que 2 misérables points pour le baptême du feu du MetLife Stadium en playoffs. Une semaine plus tard, la doublette Manning/Hicks écœure les Packers dans leur congélateur à ciel ouvert du Lambeau Field. 280 yards, 4 touchdowns, en playoffs, le receveur est injouable. Larry Fitzgerald-esque. En finale de conférence, les Giants l’emportent en prolongations à San Francisco grâce au flegme tout british de Lawrence Tynes dans un match dicté par les défenses. 9 victoires, 7 défaites et des séries de rêve. Après les Cardinals de 2008 et les Rams de 79, les Giants de 2011 deviennent la 3e franchise de l’histoire à atteindre le Super Bowl malgré un total de victoires inférieur à 10. Dans le flambant neuf Lucas Oil Stadium d’Indianapolis, ils retrouveront des vieux amis. De vieux amis avec des comptes à régler.
Après leur rendez-vous raté avec l’histoire lors du Super Bowl XLII, les Patriots vivent une sale saison 2008. Le genou ruiné en semaine 1 face aux Chiefs, Tom Brady rate tout le reste de la saison. Éternelle doublure coincée derrière les Heisman Trophy Carson Palmer et Matt Leinart à USC, Matt Cassel connaît sa première titularisation depuis le lycée une semaine plus tard face aux Jets. Bien aidé par une défense qui verrouille tout, le quarterback l’emporte et après deux semaines, les Pats sont toujours invaincus. Plus pour longtemps. Pour leur 3e rencontre consécutive au Gillette Stadium, ils sont corrigés par les Dolphins et leur wildcat offense et s’inclinent en saison régulière pour la première fois en 22 matchs. Un record. Malgré un bilan de 11-5 et un Jerod Mayo couronné Rookie Défensif de l’Année, les protégés de Bill Belichick abandonnent leur titre de l’AFC Est aux Fins et tirent un trait sur les séries pour la première fois depuis 2002. Un an plus tard, Tom Brady revient. Sacré Comeback Player of the Year, il tombe d’entrée face aux Ravens en playoffs. En 2010, malgré 14 victoires, un Brady tout puissant nommé MVP et Joueur Offensif de l’Année et le Coach de l’Année sur la ligne, les Patriots sont emportés par la tornade Mark Sanchez dès le premier tour. Un goût d’inachevé qui leur reste en travers de la gorge. Pas question que 2011 s’achève de la même manière.
Après un mois de compétition, les Patriots tombent en congé avec une seule défaite au compteur. 5-1. Au retour de leur bye week, ils se cassent la tronche deux fois de suite face aux Steelers et contre des Giants qui aiment décidément bien trop leur ruiner la vie. Du reste de la saison, ils ne s’inclineront plus une seule fois. 8 victoires de rang. Après l’accro de 2008, leur monopole sur l’AFC Est vit de nouveau des jours heureux. Une évaluation à trois chiffres, 39 touchdowns, 12 interceptions et 5235 yards jamais égalés en carrière, Tom Brady rayonne. De toute l’histoire, seul Drew Brees et ses 5476 yards la même année ont fait mieux. Randy Moss parti se perdre dans le Minnesota et le Tennessee un an plus tôt, le numéro 12 réinvente son arsenal offensif. Un nain et deux colosses. Dans un rôle de slot receiver qu’il aura révolutionné, Wes Welker capte 122 ballons pour 1569 yards et 9 touchdowns. Pas de grand receveur longiligne capable de dynamiter les défenses, pas de fusée sur les ailes, pas de géant capable d’attraper même la pire des passes, Tom Brady se régale et gave comme deux gros porcs des tight ends hors normes. Rob Gronkowski et Aaron Hernandez. Les deux meilleurs de la ligue à leur poste. Du haut de son mètre 98, drafté un an plus tôt au deuxième tour, Gronk revisite la position de tight end. 1327 yards, 17 touchdowns, du jamais vu. Sur l’aile opposée, l’ancien de Florida drafté deux tours plus tard lui aussi en 2010, attrape 79 passes pour 910 yards et 7 touchdowns, pendant que le revenant Deion Branch ajoute 702 yards et croise 5 fois la ligne.
Derrière ce quatuor de feu, le reste de l’attaque ramasse les miettes. Chad Ochocinco et Tiquan Underwood réduits à de simples rôle de figurants, Julian Edelman et Matthew Slater se tapent même des piges en défense dans un secondary décimé par les blessures. Au sol, comme à son habitude, Bill Belichick bricole. Après avoir explosé un an plus tôt et éclipsé la barre des 1000 yards, BenJarvus Green-Ellis plafonne à 667 yards et 11 touchdowns dans un backfield offensif bien fourni. Drafté en provenance de LSU quelques mois plus tôt, Stevan Ridley ajoute 447 yards pendant que le polyvalent et microscopique Danny Woodhead cumule plus de 500 yards dans les airs comme au sol. Tranquillement planqué derrière les guards Pro Bowlers Logan Mankins et Brian Waters, Tom Brady n’est sacké que 32 fois et anime la 3e attaque la plus prolifique de la ligue.
Percluse de blessures, la défense aérienne prend l’eau. 4703 yards. De toute la ligue, seuls les Packers et leur défense fromage font pire. Au sol, Vince Wilfork et ses 150 kilos montent la garde et ajoutent 3.5 sacks et 3 turnovers. Sur le bout de la ligne, Andre Carter et Mark Anderson signent chacun 10 sacks et animent un pass rush qui envoie 40 quarterbacks au tapis. Derrière eux, Rob Ninkovich et Jarod Mayo fauchent tout ce qui traine. Le premier rafle 74 plaquages, 6,5 sacks et 2 interceptions pendant que le second empile 95 plaquages. Arrivé deux ans plus tôt en provenance de Tampa, Kyle Arrington surnage dans un secondary souvent asphyxié. Après avoir intercepté une seule passe en trois années de carrière, il vole 7 ballons dans les airs (1er dans la ligue) et signe 88 plaquages. Malgré ses déboires, la défense peut compter sur une attaque qui colle presque systématiquement plus de 30 points dans une fin de saison en roue libre. Les Broncos de Tim Tebow écrabouillés au premier tour (45-10), les Pats coiffent les Ravens sur le poteau et s’envolent vers Indy à la conquête d’un nouveau titre. Bill Belichick et Tom Brady filent vers leur 5e Super Bowl. Mieux que les 4 de Terry Bradshaw et Chuck Noll. Le coach égale Tom Landry et se rapproche de Don Shula et ses 6 Big Games.
La parole est à la défense
4 ans après l’immense déconvenue du Super Bowl XLII, les Patriots veulent réécrire l’histoire. 4 ans après leur exploit du Super Bowl XLII, les Giants veulent la répéter.
« Je me sens tellement bien. Je me sens tellement bien. Je me sens prêt comme jamais, » glisse Tom Brady à Wes Weler casque contre casque.
Pour la première fois en 14 Super Bowls, l’AFC remporte le toss. En hôtes bienveillants, les Pats choisissent de laisser le ballon aux Giants. Dans une entame de match prudente, Eli Manning choisit de tâter le terrain dans le petit périmètre et d’envoyer ses coureurs en éclaireurs. Passes courtes, courses stériles, rassuré par ce qu’il voit, il allonge un peu la distance et trouve Hakeem Nicks pour 19 yards. Sack. 2 yards en arrière. Course dans le mur. Moins un. Sack. 6 yards dans la mauvaise direction. Les poteaux rendus trop loins, Steve Weatherford et ses abdos en béton doivent déjà dégager le ballon. Tom Brady entre en scène. Tom Brady descend de scène. Play action pass. Sur sa première action, acculé sur ses 6 yards, le quarterback recule. Posté dans la peinture bleue de sa endzone, il patiente, patiente, patiente, pour finalement dégainer une passe dans le vide dans le fond du terrain juste avant de se faire aplatir comme une crêpe par un Justin Tuck qui beuglait à la face de ses hommes quelques minutes plus tôt : « C’est notre heure ! » Pas un rat dans les parages. Les arbitres se consultent brièvement. Dans sa poche, personne à la ronde à la retombée du ballon, le mouchoir jaune s’envole. Intentional grouding dans son propre en-but. Safety. Les Giants ouvrent le score. 2-0. Sur le bord du terrain, Belichick a beau plaider qu’un receveur s’en allait dans la direction du ballon, l’arbitre, sans lui donner totalement tort, lui explique son application stricte de la règle avant d’aller tranquillement siroter un verre d’eau.
Galvanisés, les Giants traversent les 78 yards qui les séparent de la endzone à fond la caisse, bien aidés par une course de 24 yards d’Ahmad Bradshaw et sauvés par un 12e homme en défense sur un fumble de Victor Cruz. À côté de leurs pompes, les Pats enchaînent les erreurs. Eli Manning ne lâche pas son jeu prudent dans les airs et envoie son jouet favoris se déhancher dans la peinture sur une passe agressive dans le slot que le receveur parvient à maîtriser en deux tempos. 9-0. Entame parfaite pour les New-Yorkais, désastreuse pour les hommes de Foxboro.
« Hey, un jeu à la fois les gars. Il est temps de monter un vrai drive offensif maintenant, » lâche Tom Brady à se joueurs dans le huddle.
Message reçu. 7 yards. 15. 19. Tom Brady distribue intelligemment le ballon en essayant de contourner une forêt de bras tendus vers les étoiles sur la ligne, BenJarvus Green-Ellis arrache péniblement quelques yards au sol, Wes Welker perce pour 10 yards sur un end around et de 29 yards, Stephen Gostkowski ouvre le compteur des joueurs de la Nouvelle-Angleterre. Il faudra attendre les 15 dernières secondes de la première mi-temps pour revoir des points. Malgré les jambes de Brandon Jacobs et les mains d’Hakeem Nicks, les Géants ne traversent pas la ligne médiane et doivent rendre le ballon. La faute à un holding offensif des plus discutables. Même quand l’arbitre se renseigne auprès de la victime, Vince Wilfork lui rétorque avec un grand sourire : « c’était un mauvais coup de sifflet. » En face, même combat. En trois action expresses, les Pats se cassent les dents contre la défense new-yorkaise. Ahmad Bradshaw à beau trouver des failles au sol, l’issue est la même sur la série suivante : punt.
Il reste 4 minutes, 96 yards à remonter et 7 points à aller cueillir juste avant la pause. Tout ce dont Tom Brady raffole. Entre deux courses du feu follet Danny Woodhead, le Gronk, gêné par les chevilles chancelantes et jusque-là réduit à un simple rôle de diversion, se téléporte de 20 yards dans les airs avant que le quarterback n’arrose Aaron Hernandez comme un malade. En 4 passes entrecoupées d’un holding offensif, le tight end propulse l’attaque des Patriots 38 yards en avant. Wes Welker vient d’attraper le ballon sur la ligne de 22 des Giants quand Belichick grille son premier temps mort. Il reste 29 secondes. À deux pas de la redzone, Brady oublie le reste de son arsenal offensif et s’amuse avec Danny Woodhead. 3 actions, 22 yards dans les airs, le running back conclue avec malice et dans le trafic. Il reste 15 secondes. Les Pats passent devant. 10-9. En 14 jeux et 96 yards, New England vient d’égaler le plus long drive de l’histoire du Super Bowl. Eli Manning ne prend pas de risque, pose le genou à terre et s’enfui vers le vestiaire pour aller écouter le show de Madonna en douce.
Mannigham, l’autre Manning
Au retour de l’interminable pause, les Patriots ne regardent pas derrière eux. 8 jeux, 8 gains. Chad Johnson donne le ton en attrapant une passe de 21 yards, son premier catch de tous les playoffs. BenJarvus Green-Elli lui emboîte le pas, un coup dans les airs, un coup au sol et les joueurs de la Nouvelle-Angleterre sont déjà confortablement installés en territoire ennemi. Wes Welker, Danny Woodhead. Tom Brady s’en remet à se modèles réduits pour finalement expédier Aaron Hernandez et ses bras tatoués dans la peinture et prendre ses distances avec les G-Men. 17-9. La réplique new-yorkaise débute par un long retour de 35 yards de Jerrel Jernigan avant qu’Eli Manning ne s’essaie au gagne petit. Passes courtes et rapides dans le secteur rapproché, jeu au sol, les Giants flirtent avec la redzone, mais le quarterback butte dans les airs et Lawrence Tynes réduit l’écart de 38 yards.
Impuissante sur ses deux dernières séries, la défense de Tom Coughlin sort les crocs. Justin Tuck croque Tom Brady tout cru et le ballon revient déjà dans les mains d’Eli. La prudence ayant porté ses fruits sur le drive précédent, le passeur récidive. Et il est à deux doigts de le regretter lorsque Hakeem Nicks imite Victor Cruz et relâche le ballon après une réception de 13 yards. Vigilant, le fullback Henry Hinosky se jette sur le cuir et sauve la peau des hommes en blanc. Brandon Jacobs et Ahamd Bradshaw se relaient au sol, les poteaux se rapprochent, Manning est séché par Rob Ninkovich et Mark Anderson à 9 yards de la ligne, il faudra se contenter de 3 points. 17-15. Lentement, l’écart se réduit. La tension monte. Les muscles se crispent. Les Patriots connaissent trop bien ce scénario. Les Giants aussi.
Après deux séries offensives d’école où elle n’aura été que la spectatrice impuissante de la puissance de feu des joueurs en bleu, les G-Men resserrent l’étau autour d’un Brady qui sent de plus en plus le pass rush lui rentrer dans les côtes. À force de prendre des coups et de précipiter son jeu, le quarterback va commettre une erreur. Celle qu’attendaient si patiemment les hommes de NYC. En position shotgun, le passeur échappe miraculeusement à deux sacks, s’extraient sa poche, glisse vers la droite, jette un dernier coup d’œil derrière et balance le ballon loin en direction de Gronkowski avant de se manger un bon gros tampon dans les flancs. Descendu en couverture, Chase Blackburn saute plus haut que le tight end et intercepte le cuir sur sa ligne de 8. Tête baissée, Tom Brady reste assis au sol, bien conscient qu’il vient de faire basculer le match du mauvais côté. Pourtant, dans son malheur, le quarterback va recevoir l’aide providentielle d’une défense bien décidée à ne pas baisser les armes. Dès la première action, elle fait parcourir un frisson dans les rangs new-yorkais lorsque Ahmad Bradshaw échappe à son tour le ballon. Sans conséquence là non plus. Les signes ne trompent pas. Les Giants sont vernis comme jamais dans la nuit d’Indianapolis. Mario Manningham, Victor Cruuuuz, Hakeem Nicks. Eli distribue le ballon à son trident offensif, Tom Coughlin grille déjà deux temps morts et les G-Men sont stoppé trop loin des poteaux jaunes. Punt. Une fois de plus, la défense va devoir les maintenir en vie.
« Un drive de 7 minutes avec un touchdown au bout ça vous dit ? » demande Brady dans le huddle.
Hell yeah ! 24 yards dans les airs en deux temps, 15 de plus en trois courses. Les choses commencent bien. Les deux tight ends se relaient pour gratter 10 yards et passer la ligne médiane. Du football made in Pats qui raffole tant de ces fins de matchs échevelées et de ces interminables drives. Les choses prennent forment. Si loin quelques instants plus tôt, la peinture de la endzone se rapproche irrémédiablement. Puis soudain, tout s’arrête. Green-Ellis est renvoyé dans son camp, Wes Welker signe le drop de l’année sur une passe un brin trop haute, mais à portée de ses gants, Deion Branch ne fait pas mieux.. Avec 4 minutes à jouer et un avantage minimaliste de 2 points, il faut se résoudre à punter.
« Forcez-les à lancer à Manningham, forcez-les à lancer à Pascoe, » ordonne Belichick à sa défense.
Victor Cruz et Hakeem Nick estampillés dangers numéro un de l’attaque new-yorkaise, le stratège veut forcer Manning à s’en remettre à ses maillons faibles. Des joueurs moins fiables, plus susceptibles d’être rattrapés par l’enjeu. Pourtant, 4 ans plus tôt, c’est un David Tyree qui n’inquiétait pas vraiment grand monde qui avait enfilé son plus beau costume de sauveur. 4 ans plus tard, la leçon n’a toujours pas été retenue. Me contraindre à dégainer vers Mario Mannigham ? Pas de soucis. Sur la première action, adossé à son en-but, Eli Manning navigue tranquillement dans sa poche et décoche une spirale à se pâmer dans une lucarne minuscule en bord de terrain 38 yards plus loin. Coincé dans une prise à deux parfaite, Manningham attrape le ballon du bout des gants, ajuste parfaitement ses deux pieds dans le terrain et réalise l’action la plus importante de sa carrière. L’action du match. Les pieds du bonheur. Belichick balance son mouchoir rouge. Les images le désavoue. Le coach vient d’être battu à son propre jeu. Mannigham une fois. Mannigham deux fois. Mannigham trois fois. Manning exauce le souhait de Bill et n’a d’yeux que pour le numéro 82. Si le receveur ne capte pas la première, il fait bondir les siens de 18 yards sur les deux suivantes. Hakeem Nicks et Ahamd Brashaw se relaient un coup dans les airs, un coup au sol et es Giants se retrouvent à 6 yards du bonheur à 64 secondes de la fin.
« Il ne va nous rester que 10 secondes, » lâche un Brady impuissant sur la touche.
Il faut les laisser marquer. Le plus longtemps les Patriots résisteront, le moins de temps il leur restera pour tenter de mener une réplique désespérée. Les joueurs de Foxboro ouvrent grandes les portes de leur défense, Ahmad Bradshaw s’y engouffre sans opposition, marque un temps d’hésitation, s’accroupit et se laisse finalement tomber mollement sur le dos dans la peinture bleue. Comme s’il n’avait pas voulu croiser la ligne. Comme s’il avait préféré s’arrêter juste devant pour laisser s’envoler de précieuses secondes. « Ne marque pas ! Ne marque pas ! » Les hurlements d’Eli Manning en voyant la ligne défensive des Pats se redressent sans combattre auront été vains. Sur la ligne de touche, pas de d’effusion de joie, pas de grandes embrassades. Une retenue mêlée de gène. Pourquoi avoir marqué si tôt ? Surréaliste.
« C’était clairement bizarre, » concédera Brandon Jacobs au NY Times.
Les Giants passent pourtant devant. La conversion à deux points est ratée. 21-17. Le ballon sur ses 20 yards, Tom Brady a 57 secondes en main pour réécrire l’histoire. Armé de son plus beau stylo, il commence par raturer sa feuille avant de trouver l’inspiration. Deux passes dans le vent, un nouveau sack plus malvenu tu meurs de Justin Tuck puis une passe de 19 yards vers un Deion Branch jusque-là fantomatique sur un 4e et 16 à se pisser dessus. Sur le bord du terrain, Victor Cruz ne tient pas en place. Aaron Hernandez déposé sur les 44 de New England, Brady spike le ballon pour arrêter le chrono. 17 secondes. Passe ratée, mais 5 yards en avant grâce à un homme en trop dans la défense new-yorkaise. 9 secondes. Passe ratée. 5 secondes. Ultime espoir. Go post 66. Hail Mary. Faites vos prières. Sous pression, le quarterback dégaine une ogive dans la endzone en direction d’Aaron Hernandez, coincé entre 3 défenseurs, le tight end ne peut rien faire. Kenny Phillips rabat le ballon au sol. Gronk se jète désespérément pour tenter de cueillir le cuir. En vain. Le tight end est trop court. Tom Brady vient de péter sa mine. Il voulait réécrire l’histoire. Il vient de la revivre. L’accolade entre Bill Belichick et Tom Coughlin au milieu du terrain est longue et chaleureuse, mais dans le camp des Patriots, la déception est gigantesque. La défaite, évidemment, mais aussi l’impression de revivre un mauvaise souvenir, un cauchemar qu’ils auraient tant souhaité balayer pour toujours. Occasion manquée. Pour Eli Manning, un 100%. Deux Super Bowls, deux bagues, deux titres de MVP. Il n’est plus seulement le frère de, il aura su se bâtir sa propre légende.