À 25 semaines du Super Bowl LII, épisode 26 de notre rétrospective exceptionnelle, le Super Bowl XXVI.
Washington Redskins (NFC) vs Buffalo Bills (AFC) – 26 janvier 1992
Dans le rôle des grandes plaines verdoyantes, le Hubert H. Humphrey Metrodome et sa voute blanche. Dans celui des chasseurs, les Redskins du Grand Sachem Joe Gibbs. Le gibier, des Bills revanchards, résolus à éviter les flèches ovales des Peaux Rouges. La chasse est ouverte.
Je choisis la solution offensive !
Sur les rives du Potomac, depuis 10 ans, la routine est bien connue : une grève, un sacre grandiose, quelques années de transition, une grève, un sacre grandiose, quelques années de transition, etc. Depuis leur sacre magistral du Super Bowl XXII, Doug Williams, héros superbe de cette folle nuit californienne, a raccroché. Souvent blessé, battu à la régulière par son pote Mark Rypien, il se contente d’un rôle de doublure dévouée comme jamais avant de définitivement tourner le dos aux terrains. Deux saisons vierges, l’une morne, l’autre frustrante. Malgré un bilan de 10-6, pas de playoffs. Comme en 85. La transition peine à véritablement s’opérer. Puis vient le sursaut. Comme en 86. Les Redskins retrouvent les séries, écartent Philly avec autorité avant de tomber sur la bande de Montana. Leur chemin s’arrête à quelques marches du Super Bowl. Comme en 86. Un mal pour un bien. 91 pointe le bout de son nez, mais pas la moindre menace de grève à l’horizon. Pas grave. Cette année, D.C. n’en aura pas besoin.
Si les Peaux Rouges de 87 vivent une saison étrange, entre jeu offensif parfois poussif et incertitudes au poste de quarterback, ceux de 91 sont en roue libre. Attaque la plus prolifique (485 points), deuxième défense la plus hermétique (224), les hommes de l’éternel Joe Gibbs forment un groupe complet, capable de se renouveler avec une aisance déconcertante. Figure de proue de ces ‘Skins sauce 91, sélectionné au fin fond de la draft 86, Mark Rypien éclabousse la NFL d’un talent jusque-là méconnu. Du haut de son mètre 93, le colosse de l’Alberta surprend une ligue peu habituée aux passeurs biberonnés de l’autre côté de la frontière. Pourtant, pendant l’été, le GM Charley Casserly est allé prospecter à droite à gauche. Mark est-il l’homme de la situation, celui qui va nous offrir une jolie bague ? Devrions-nous aller chercher quelqu’un d’autre ?
« Nous n’avions pas l’impression de posséder l’un des trois ou quatre meilleurs quarterbacks de la ligue, » confiait-il au Washington Post. « Autant que je m’en souvienne, Ryp avait fait de vrais progrès la saison précédente, mais nous nous étions quand même renseignés sur un échange pour John Elway durant l’intersaison. Pour bien des raisons, ça ne s’est jamais concrétisé, évidemment. »
3564 yards, 28 touchdowns, 11 interceptions, Rypien déploie un football aérien léché qui balaie tous les doutes, idéalement soutenu par un casting 5 étoiles qui avait déjà fait le bonheur de Doug Williams quelques années plus tôt. Gary Clark, ses 1340 yards et 10 touchdowns étirent les défenses dans tous les sens possibles et imaginables, Art Monk l’éternel grand sage signe une énième saison au-delà des 1000 yards et se rapproche à grands pas du record de réceptions en carrière de Steve Largent, pendant que Ricky Sanders punit n’importe quelle défense qui donnerait un peu trop d’attention à ses deux potes.
Au sol, le cubique Earnest Byner, star malgré lui de l’une des pires actions de l’histoire lors de la finale AFC de 87, lorsqu’il portait encore les couleurs des Browns, imprime un rythme de taré. Dynamique, polyvalent, revanchard comme jamais, il conquit plus de 1350 yards cumulés et marque 5 fois. Dans sa foulée, le microscopique rookie Ricky Ervins endosse le rôle de carte joker et ajoute près de 700 yards au sol. En semaine 9 face à des Giants à côté de leurs pompes depuis le début de la saison, mais encore champions en titre, les joueurs de D.C. sont asphyxiés. En stratège avisé et bien conscient que quelque chose cloche, Joe Gibbs choisit de gaver Ricky de ballons dans le second acte. La stratégie porte ses fruits, libère des boulevards pour Gary Clark dans les airs et les Redskins conservent leur invincibilité. Si toute l’attaque vit si bien depuis 10 ans au gré des saisons et des changements de visages permanents, elle le doit à cinq hommes. The Hogs. Littéralement, les Porcs. Une ligne offensive infranchissable, qui dicte sa loi sans merci au cœur de la mêlée. De toute la saison, ils ne concéderont que 9 minuscules sacks. Mieux qu’un fauteuil, Mark Rypien joue dans un lit douillet.
Emmenée par la fusée Darrell Green au fond du terrain et toute l’énergie de l’ancien Bear Wilber Marshall, planqué en vigie derrière la ligne, la défense ne concède que peu de yards (3e de la ligue) et encore moins de points (2e). Si les Porcelets de l’attaque sont radins en sacks, ceux de la défense font morfler les quarterbacks. À l’image de la montagne Charles Mann, auteur à lui seul de 11 des 50 sacks infligés par les Redskins. Pendant 11 semaines, ils seront injouables, infligeant des volées à faire pleurer. Seuls les Cowboys de Troy Aikman, Michael Irvin et Emmitt Smith et les Eagles de Reggie White parviendront à les faire plier. Au forceps.
En playoffs, ils retrouvent des Falcons qu’ils avaient plumés et grillés vifs (56-17) plus tôt dans la saison et des Lions qu’ils avaient dépecés en semaine 1 (45-0). Sous une pluie torrentielle, ils domptent Atlanta dans une rencontre nettement plus serrée, mais sans guère plus de suspense (24-7). Possédés, ils écrabouillent une équipe de Detroit pourtant tombeuse magistrale des Triplets de Dallas au tour précédent, mais privée de Barry Sanders, dans une finale de conférence à mourir d’ennui (41-10). En dix ans, les Redskins s’apprêtent à vivre leur troisième Super Bowl. Chaque fois, ils auront été emmenés par un quarterback différent, preuve indéniable du formidable talent de stratège et de meneur d’hommes du gourou Joe Gibbs. Le plus heureux des hommes, Earnest Byner le malheureux repenti n’arrête plus de chialer. De toute la partie il n’aura su retenir ses larmes de joie. Il tient sa revanche.
« J’ai pleuré toute la journée, je peux bien pleurer maintenant, » lâche-t-il aux micros à la fin du match moitié ému, moitié hilare, totalement soulagé. « C’est tellement génial. »
À Buffalo, malgré l’immense gueule de bois du Super Bowl XXV, la K-Gun Offense et son rythme de fou furieux vit toujours aussi bien. On a beau la connaître par cœur, on cherche toujours un moyen infaillible de la faire dérailler. Si les Redksins, leur absence de véritable star, leur coach dépourvu de seconde degré et leur jeu parfois terne n’excitent pas vraiment les médias, les Bills sont l’exact opposé. Bourrés de talents et charisme, artisans d’un jeu offensif sexy comme tout, les médias les adorent. Et difficile de leur en vouloir. Portée par une paire Jim Kelly/Thurman Thomas au somment de son art, l’attaque gagne plus de yards que quiconque (6525) et n’est précédé que de Washington au jeu des points. Le quarterback expédie 3844 yards dans les airs, marque 33 fois et ne perd que 17 passes. En guise de joujoux de luxe, Jim peut toujours compter sur un duo Andre Reed/James Lofton intenable. Pendant que le premier se régale dans les secteurs courts et intermédiaires, le second n’a besoin que de 57 réceptions pour cavaler 1082 yards et marquer 8 fois au terme d’une campagne qu’il achève à 55 yards du record de yards en carrière de Steve Largent (13 089), encore lui.
Dans la forme de sa vie, Thurman Thomas engloutit 1407 yards au sol, en ajoute 620 dans les airs et croise la ligne 12 fois. Pour la troisième année consécutive, il est le joueur offensif le plus gourmand en yards. Éclaboussant. Danger de tous les instants, véritable moteur d’une attaque tout feu tout flamme, il est couronné Joueur Offensif de l’Année et MVP. Derrière lui, le compact Kenneth Davis apporte un peu de muscle dans un jeu au sol énergique et survitaminé en ajoutant plus de 700 yards cumulés en 5 touchdowns.
Toujours aussi étincelants en attaque, les Bills tirent sérieusement la gueule en défense. De quoi faire peser une ombre menaçante sur leurs ambitions. 27e formation (sur 28 !) la plus généreuse en yards concédés, 19e en points, l’escouade défensive galère à compenser les blessures et absences prolongées de Bruce Smith et Jeff Wright. De 43 sacks en 90, le pass rush dégringole à 31. Rares lueurs d’espoir dans une défense souvent dépassée, les linebackers Pro Bowlers Cornelius Bennett et Darryl Talley amassent 168 plaquages à eux deux, saupoudrés d’une poignée de sacks, fumbles et interceptions précieux.
Une défense aux performances parfois inquiétantes qui ne les empêche pourtant pas d’enchaîner les succès. Après une pré-saison réduite à un seul match, les Bills sont invaincus de tout le mois de septembre. Et quand bien même ils attaque octobre par un revers cuisant dans le Missouri face aux Chiefs, c’est pour mieux rebondir. Du reste de la saison, ils ne s’inclineront que deux autre fois, dont en clôture, dans un match sans enjeu, la première place déjà empochée. Comme les Redskins. Forts d’un bilan de 13-3, ils prennent leur revanche sur KC au premier tour en les corrigeant 37-14 dans un match maîtrisé de bout en bout. En finale de conférence, face aux Broncos d’un John Elway déterminé à aller conquérir sa bague, les Bills s’en remettent à leur défense et la maladresse au pied de David Treadwell dans un match ultra-cadenassé pour s’offrir une seconde chance. La chasse est ouverte.
Buffalo Grille
Malgré leur succès acquis au courage face aux Broncos et un deuxième ticket consécutif pour le Super Bowl, la victoire en finale de conférence soulève davantage de questions qu’elle n’apporte de bonnes nouvelles. Surtout, elle offre à Joe Gibbs de quoi monter un plan de jeu sur mesure pour de nouveau dégoûter les Bills. Car si la défense a probablement livré la performance la plus aboutie de sa saison en éteignant littéralement John Elway, la K-Gun a été inexistante, incapable de marquer le moindre point. Sans une chance monstre et la complicité malheureuse du kicker du Colorado, les joueurs de Buffalo seraient dans leur canap ou en train de jouer au golf en Floride, mais sûrement pas en train de se geler les miches dans le Minnesota.
Car oui, dehors, on se les pèle. Comme 10 ans plus tôt, dans le Silverdome de Pontiac, la NFL a décidé de déployer son grand cirque annuel dans des contrées au climat des plus hostiles au cœur de l’hiver. S’il règne dans le Hubert H. Humphrey Metrodome une douceur artificielle printanière, dehors, le mercure refuse de passer au-dessus de zéro et flirte allègrement sous les -10. Devant la plus faible affluence depuis le Super Bowl I (63 130 fans) et dans le plus petit stade à ne jamais avoir accueilli le Big Game, Marv Levy savoure chaque instant.
« Où préféreriez-vous être qu’ici ?, » glisse-t-il à ses joueurs, certain de la réponse, devant les caméras de NFL Films.
Nulle part. Évidemment. Loin de l’effervescence, Joe Gibbs le terne et pragmatique prépare la bataille dans le calme. La même routine, les même gestes, le coach veut que ses joueurs abordent le match de vie comme n’importe lequel.
« La règle de base de Joe Gibbs était de tenir les joueurs aussi loin que possible de la frénésie du Super Bowl et de toutes ses animations durant la semaine précédent le match, » se souvient Rypien. « Nous étions à des kilomètres de Minneapolis ou St. Paul, où se déroulaient toutes les festivités. L’idée était de nous relaxer et de réfléchir à ce que nous allions accomplir. »
Détendus d’un côté, surexcités de l’autre. Mais de part et d’autre, la même impatience. Le jour J, à 5h du mat’, ils sont déjà une dizaine de Redskins attablés dans la salle manger pour prendre le petit déj’ se remémore Mark Rypien. Visiblement lui aussi pressé d’en découdre le botteur des Bills Brad Daluiso exécute le coup d’envoi avant même que l’arbitre ne lui en ait intimé l’ordre. Tout le monde s’arrête, on recommence. Premier couac. Nourrie au yaourt pendant une semaine, la défense des Bills entame le match avec une énergie sauvage.
« Une course deux lancers rapides, je n’ai pas souvenir d’avoir jamais été dézingué sur des passes avec trois pas en arrière comme je l’ai été sur les trois premières actions, » confiait récemment Rypien à NFL.com. « Je suis retourné sur le bord du terrain et j’ai demandé au centre jeff Bostic, ‘Qu’est ce qui se passe ?’ Il m’a répondu, ‘T’inquiètes, t’inquiètes, ils ont une montée d’adrénaline. J’ai déjà vu ça par le passé.’ En vrai, le premier coup m’avait brisé les côtes, mais je ne le réaliserais pas avant le Pro Bowl. Je débordais d’adrénaline moi aussi. »
Après ce rapide et rugueux stop, Jim Kelly entre en scène. Pas Thurman Thomas. Le coureur joue à cache à cache avec son casque, planqué sous le banc, et rate les deux premières actions. Deuxième couac. Sur la première, Kenneth Davis se retrouve sur le terrain malgré lui et semble complètement paumé. Hut ! Kelly se tourne sur sa droite prêt à lui transmettre le ballon, son coureur s’enfuie sur sa gauche, le jeu est tué dans l’œuf, le quarterback doit improviser et s’en sort comme un grand. Troisième couac. Il ne se passe pas grand chose, les deux formations sont sans idées et se rendent systématiquement la balle. L’adrénaline retombe tranquillement et le rythme de taré du début de match avec. Et quand Washington, bien aidée par un Art Monk bondissant, parvient à remonter 89 yards sur un drive d’école et pense enfin trouver la faille, c’est pour mieux être désavouée par la reprise vidéo. Le pied du receveur a glissé en touche avant qu’il ne saisisse le cuir. Le touchdown est annulé. Merci la vidéo. Une première dans un Super Bowl. Il faudra se contenter de trois points. Ou pas. Le holder Jeff Rutledge foire le snap comme un grand et les Peaux Rouges repartent bredouilles. Quatrième couac.
Jim Kelly remet les mains sur le ballon et repart en chasse. Re-ou pas. Sur le premier jeu après le field goal raté, le quarterback expédie le cuir dans les mains du safety Brad Edwards qui remonte jusque sur les 12 de Buffalo. Cinquième couac. Un jeu infructueux, un second, puis Mark Rypien lui rend la pareille dans la redzone. Sixième couac. On croirait presque à une mauvaise blague. Au terme d’un premier quart bien pourri, ruiné par des maladresses indignes d’un Super Bowl, les deux meilleures attaques de la saison régulière sont restées muettes. Nada. Que dalle. 0-0. On préfère oublier. Même le MVP Thurman Thomas, enfin casqué et sur le terrain, galère. Pris à la gorge par une défense de D.C. sauvage, il est déjà hors-jeu. Jim Kelly va devoir dégainer le gadgeto bras. Souvent. Très souvent. Trop souvent. Privée de son atout maître, l’attaque de Buffalo devient terriblement prévisible et vulnérable. Un problème que les Bourgogne et Or ne connaissent pas.
En deux actions d’éclat les Redskins vont se reprendre en main. Une passe de 41 yards dans les mains de Ricky Sanders, 19 yards d’un Earnest Byner qui vit le plus beau moment de sa vie et Chip Lohmiller débloque enfin le compteur de 34 yards. Pendant que les joueurs de la capitale arrêtent enfin les bêtises pour se comporter en adultes responsables, bien conscients de l’enjeu immense qui pèse au-dessus de leurs casques, les Bills continuent d’empiler les bourdes grossières. Après un three-and-out express, Chris Mohr dévisse complètement et expédie un punt tout moisi directement en touche, 23 yards plus loin. Affligeant. Le ballon est sur les 49 de Washington, et il ne va pas y rester bien longtemps. 5 jeux plus tard, Byner se détend de tout son long pour plonger en coin dans le bonheur, un sourire immense sur sa face illuminée. Un gamin à Disneyland. 10-0. En face, les Bills tirent méchamment la gueule. Et ça ne va pas s’arranger. Jim Kelly tente de montrer l’exemple en gardant la tête froide, mais expédie une pauvre passe bien trop faiblarde dans les mains du TGV Darrell Green. Un lancer de 34 yards dans les gants de Gary Clark, 14 yards au sol de Ricky Ervins et le massif fullback Gerald Riggs conclut le dernier yard au pas. 17-0. En 5 minutes et 45 secondes, Washington vient de passer 17 pions et d’assommer de Bills amorphes.
Dans un Metrodome de Minneapolis aux allures de Grandes Plaines au beau milieu d’une partie de chasse, les Redskins s’abattent sans pitié sur un troupeau de bisons apeuré, dépassé. À défaut de pouvoir sauver leur peau, ils tentent de maintenir en vie le semblant d’honneur qu’il leur reste. La défaite d’il y a un an avait été déchirante, celle-ci sera cuisante. Malgré un punt immobilisé sur la ligne de 1 de D.C. qui force les hommes de Joe Gibbs à rendre le ballon rapidement et offrir une position idéale aux joueurs de Buffalo à 90 secondes de la pause, les Bills déraillent une nouvelle fois, dans un premier acte calamiteux. Après un joli bon de 21 yards en avant qui les propulse à 20 yards de la endzone, pour mieux reculer de 8 unités sur un sack de Wilber Marshall, Andre Reed pète un câble. Sur un 3e essai cruciale, Brad Edwards surgit devant lui et coupe la passe. Seulement, le receveur estime avoir été percuté par le safety bien avant que la balle ne file dans sa direction. Pas le moindre mouchoir jaune à l’horizon. Andre disjoncte, écrase violemment son casque contre le sol, se mange une pénalité de 15 yards pour comportement anti-sportif, met les poteaux jaunes hors de portée et contraint les siens à punter. Bien ouéj ! C’est la pause.
A Bittersweet Symphony
Au terme de 30 minutes d’une gabegie de football à faire vomir les puristes, les consignes de Marv Levy sont simples : faites l’exact opposé de ce que vous avez fait pendant la première mi-temps. Si seulement c’était si simple. Dans l’histoire du Super Bowl, des 9 équipes rentrées fanny au vestiaires, 8 se sont inclinées. Sombre présage. Surtout qu’en face, après avoir galéré à trouver l’interrupteur, les Redskins récitent leur football avec application. Si bien que 16 secondes de jeux après le retour de la pause fraicheur, ils mènent déjà 24-0. Merci Kurt Gouveia. Merci Jim Kelly. Merci les coachs. Dans le bus menant au Metrodome, les têtes pensantes défensives de D.C. se disent qu’ils devraient exploiter la vitesse de leurs pass rushers pour contrer une ligne offensive imposante, mais pas franchement mobile. Sur le premier jeu, un blitz agressif se rue sur Kelly, le quarterback balance le ballon dans les bras du linebacker et ses épaulières surdimensionnées qui remontent 23 yards avant d’être poussés en touche à 2 yards de la peinture. Une poignée de secondes plus tard, Riggs s’offre un doublé. RIP le suspense.
Pas encore découragé, le passeur de Buffalo expédie une bombe de 43 yards vers Don Beebe et après un prometteur et inespéré drive de 77 yards, les Bills congnent aux portes de la endzone. Refoulés de la peinture, ils doivent s’en remettre à un Scott Norwood qui brave son traumatisme du Super Bowl XXV et réduit timidement l’écart. Le vent souffle enfin dans leurs voiles trouées et le cornerback Martin Mayhew leur file un gentil coup de main en commettant une interférence défensive dans son en-but. Sur la ligne de 1, Thurman Thomas exécute la sentence et comble le déficit. 24-10. Et si… Non. 11 jeux et 79 yards plus tard, Gary Clark est à la tombée d’une passe de 30 yards pour briser les rêves de comeback. 31-10. Mark Rypien gigote tout les sens, ivres de joie. Bonheur total, image réjouissante. Jim Kelly clôt le 3e quart sur un combo sack-fumble perdu fatal. Il ne leur reste plus que leur honneur à sauver.
Après le turnover, les Redskins remontent tranquillement le terrain, sans se presser, et ajoutent trois points qui mettent les Bills à trois touchdowns et trois conversions à 2 points d’écart. Plus qu’un matelas confortable, un véritable rayon literie chez Conforama. Surtout que les affaires de Jim Kelly ne s’arrangent pas. Encore sacké, il trouve les gants de Brad Edwards pour la seconde fois. Le safety remonte jusqu’aux 33 yards de Buffalo et Lohmiller signe un triplé au pied. Pour la forme, Jim conclut une jolie série 79 yards dans les mains de son tight end Pete Metzelaars, puis ajoute un dernier touchdown dans celles de Beebe après un onside-kick heureux. La deuxième tentative de renvoie court est infructueuse. Washington tue le chrono et scelle le score. 37-24. Une fessée de plus pour l’AFC, une bague de plus pour la NFC. Au sol, dans les airs, en attaque, en défense, sur équipes spéciales, « une victoire d’équipe, » se réjouit Rypien.
« Ils sont meilleurs, et ils l’ont démontré, » concède un Marv Levy fataliste et lucide.
Pour Washington, une victoire délicieuse. Pour Buffalo, un sale goût amer sur le bout de la langue. La chasse est terminée. Les Redskins triomphent, les Bisons gisent sur le synthétique de Minny. La logique a été respectée.