Dans les sports américains et plus particulièrement en NFL, les statistiques tiennent une place prépondérante à tel point qu’environ 99 % des joueurs possèdent aujourd’hui leur propre record dans une catégorie qui n’est probablement connue de personne. Du coup, Touchdown Actu vous propose une nouvelle rubrique basée sur l’analyse statistique, tout en remettant les chiffres dans leur contexte.
Au programme aujourd’hui, l’importance de la défense en playoffs.
Que disent les chiffres ?
Chaque année, avant le début des playoffs, on entend souvent dire « Offense wins games, but defense wins championships ». Autrement dit, selon ce cliché très américain, il faudrait avant tout avoir une défense de fer pour espérer gagner le titre.
Du coup, étant donné que la postseason approche à grands pas, il est intéressant de voir si cela se vérifie au niveau des chiffres. Pour cela, voici ci-dessous les statistiques offensives et défensives (points par match puis ranking parmi toutes les équipes NFL) des vainqueurs du Super Bowl depuis 2000 (en saison régulière, selon Pro Football Reference) :
2000 : Baltimore Ravens = 20,8 (14è) / 10,3 (1er)
2001 : New England Patriots = 23,2 (6è) / 17,0 (6è)
2002 : Tampa Bay Buccaneers = 21,6 (18è) / 12,3 (1er)
2003 : New England Patriots = 21,8 (12è) / 14,9 (1er)
2004 : New England Patriots = 27,3 (4è) / 16,3 (2è)
2005 : Pittsburgh Steelers = 24,3 (9è) / 16,1 (3è)
2006 : Indianapolis Colts = 26,7 (2è) / 22,5 (23è)
2007 : New York Giants = 23,3 (14è) / 21,9 (17è)
2008 : Pittsburgh Steelers = 21,7 (20è) / 13,9 (1er)
2009 : New Orleans Saints = 31,9 (1er) / 21,3 (20è)
2010 : Green Bay Packers = 24,3 (10è) / 15,0 (2è)
2011 : New York Giants = 24,6 (9è) / 25,0 (25è)
2012 : Baltimore Ravens = 24,9 (10è) / 21,5 (12è)
2013 : Seattle Seahawks = 26,1 (8è) / 14,4 (1er)
2014 : New England Patriots = 29,3 (4è) / 19,6 (8è)
2015 : Denver Broncos = 22,2 (19è) / 18,5 (4è)
Parmi les équipes championnes NFL ces 16 dernières années, neuf ont terminé la saison régulière dans le top 5 des meilleures défenses, alors que seulement quatre ont fini dans le top 5 des meilleures attaques. D’après ces chiffres, la tendance se confirme. Par contre, si on élargit au top 10, c’est un peu plus équilibré puisque l’on est à 11-8 en faveur des défenses (il est normal que le total soit supérieur à 16, car une équipe peut figurer dans les deux catégories). Cela montre que cinq équipes ont réussi à gagner le Super Bowl sans forcément être très fortes (voire médiocres) défensivement, comme par exemple les Colts de 2006, les Giants de 2007 et 2011, ainsi que les Saints de 2009.
Une autre série de statistiques, tirée de l’ouvrage « This is Your Brain on Sports » de L. Jon Wertheim et Sam Sommers, est également intéressante. Selon eux, 30 des 49 Super Bowls (l’ouvrage est sorti avant le Super Bowl 50) ont été remportés par la meilleure des deux équipes défensives (aux points par match) et 25 par la meilleure des deux équipes offensives (le total excède 49 car une équipe peut être la meilleure dans les deux catégories). On ne peut pas dire que la différence soit significative. Si l’on se base sur le top 5 de la saison régulière comme au-dessus, cela donne du 31-27 en faveur des défenses. Encore une fois, l’écart est faible. Enfin, sur les 462 matchs de playoffs disputés en 49 saisons, c’est même l’attaque qui prend un léger avantage puisque les meilleures équipes défensives l’ont emporté 58 % du temps, contre 62 % pour les meilleures équipes offensives (le total excède 100 % car l’équipe victorieuse peut être meilleure dans les deux catégories).
Dans le contexte
Avec les sacres récents de Seattle (2013) et Denver (2015), il est clair que le dicton « Defense wins championships » est plus que jamais d’actualité. En effet, les Seahawks ont avant tout remporté le Super Bowl grâce à la « Legion of Boom », tandis que les Broncos ont pu compter sur un pass rush dévastateur et une ligne arrière performante pour compenser la faiblesse relative de leur attaque.
Cependant, comme vu auparavant, il n’est pas forcément indispensable d’avoir une défense exceptionnelle pour gagner le titre. Si l’on prend les Colts de 2006, ils ont fait un bon boulot pour limiter les attaques adverses en playoffs, mais ils ont surtout été guidés par un Peyton Manning en mission qui a inscrit 32 points aux Patriots lors de la deuxième mi-temps de la finale AFC, avant de terminer MVP du Super Bowl. Cette année-là, Indianapolis avait la deuxième meilleure attaque aérienne de la ligue, avec notamment deux receveurs à plus de 1 300 yards sur la saison (Marvin Harrison et Reggie Wayne). Quant aux Saints de 2009, ils étaient certes très performants pour voler le ballon aux adversaires (39 takeaways sur la saison), sauf que c’est d’abord l’attaque menée par Drew Brees qui a permis à New Orleans de terminer au sommet, avec un peu plus de 400 yards accumulés par match !
De plus, il y a un paramètre qui est souvent sous-estimé et on le retrouve dans une autre expression, un peu plus française celle-là, à savoir « la meilleure défense, c’est l’attaque ». Quand une équipe est performante offensivement et est capable de rester sur le terrain, elle a forcément beaucoup moins de chances d’encaisser des points. Il y a qu’à regarder les Cowboys de cette année pour s’en rendre compte. Porté par une grosse attaque (4è de la NFL avec 27,2 points marqués par match) et surtout un jeu de course dévastateur (155,1 yards en moyenne), Dallas arrive à combler les faiblesses de sa défense, très bien classée d’un point de vue statistique (4è de la ligue avec 18,6 points encaissés par match) mais pas forcément élite au niveau de sa valeur intrinsèque. Ce n’est pas par hasard si la majorité des équipes championnes sont bien classées défensivement comme offensivement. Tout cela pour dire que les deux secteurs de jeu fonctionnent toujours ensemble et qu’il n’est pas très pertinent de les analyser à part. Cela ne signifie pas qu’il y a équilibre mais simplement corrélation.
Verdict
Au final, il n’y a pas vraiment de formule magique. Bien sûr, une excellente défense peut vous permettre de gagner, mais l’attaque doit remplir son rôle. L’inverse est vrai également étant donné qu’une grosse équipe offensive peut très bien remporter le titre, à condition qu’elle ne soit pas en mode portes ouvertes. Dire que c’est la défense qui fait gagner des titres est donc très réducteur voire même incorrect selon les situations.
Alors oui, en playoffs, quand les conditions climatiques deviennent difficiles, le jeu a tendance à changer et les défenses peuvent peut-être prendre plus d’importance. Mais dans le même temps, il faut aussi tenir compte du fait que les règles actuelles de la NFL favorisent clairement les attaques, ce qui diminue forcément l’impact des escouades défensives.
Bref, pour remporter un Super Bowl, il faut tout simplement être une équipe complète, capable d’être décisive des deux côtés du terrain.