Marshawn Lynch, Calvin Johnson, Patrick Willis, etc. Les retraites anticipées se multiplient depuis quelques saisons et se mettent même à affecter les grands noms. Pas de quoi inquiéter la NFL pour autant. Car si de plus en plus nombreux sont les joueurs à se retirer plus tôt que prévu les motivations varient et les soucis de santé pour l’avenir n’en sont pas toujours la raison. Si Anthony Davis a fait passer sa santé, et celle de son cerveau, avant sa carrière, Jake Locker, pas épargné par les pépins physiques, avait perdu son envie de jouer. Le jour où les rookies ou joueurs au sommet de leurs carrières tireront leur révérence en pagaille, la ligue pourra commencer à se faire du mouron.
Chaque année, ils sont des centaines à croiser les doigts et prier en silence pour que leur nom retentisse le jour J. Il sont des dizaines de milliers à frapper le gazon de centaines de terrains partout dans le pays chaque fin de semaine dans l’espoir d’un jour enfiler un uniforme NFL. Car si les préoccupations quant aux répercussions sur la santé trouvent de plus en plus d’échos dans les médias, et même dans les salles noires, on ne découvre pas aujourd’hui que le football est un sport violent et éprouvant pour les organismes. Et surtout, la NFL conserve un remarquable pouvoir d’attraction et de séduction.
Les joueurs qui se présentent aujourd’hui à la draft savent mieux que personne dans l’histoire de ce sport à quoi ils s’exposent. Ils seront pourtant des centaines à attendre fébrilement d’être draftés ou de décrocher un contrat ou même une petite place dans une équipe réserve, dans l’espoir que leur chance viendra. 32 franchises, des effectifs de 53 hommes, 1696 postes à pourvoir et pour chaque joueur qui se désiste par peur de dommages irréversibles pour sa santé, des centaines de candidats à sa succession, biens conscients des risques, mais habités par une passion infaillible. Jusqu’à quand ?
Pour certains, ça n’est qu’une question de temps avant que le vivier de joueurs prêts à tout pour devenir footballeurs professionnels ne commence à s’effriter. C’est faire fi de ce sentiment de toute puissance qui anime souvent les jeunes recrues. D’autant plus pour des athlètes gonflés à la testostérone et des rêves plein la tête. Une tendance semble pourtant bien s’installer : de 5 en 2011, le nombre de joueurs à avoir pris leur retraite avant l’âge de 31 ans a grimpé à 19 en 2015, rapporte Business Insiders. Si le nombre de joueurs prêts à embrasser une carrière de plus de 10 ans et franchir le cap des 30 ans un casque vissé sur le crâne pourrait diminuer graduellement dans les années à venir, rien ne semble pouvoir enrayer le flux des jeunes recrues.
Et ça n’est pas le peut-être futur premier choix général Carson Wentz qui vous convaincra du contraire. Le jeune homme ne semble pas trop se soucier des commotions.
« Ça n’est pas vraiment un soucis, » explique-t-il. « Je n’ai eu qu’une seule commotion, il y a longtemps au lycée. Je connais les technologies pour les casques et tout, et le jeu n’a de cesse de devenir plus sûr. En tant que compétiteur, ça n’est pas vraiment une chose à laquelle tu penses à moins que ça ne t’arrive et que tu y sois confronté. Personnellement, je n’y pense pas trop. Je sais que c’est le cas de certains gars, mais ça n’est pas mon cas, je crois juste que les technologies, ce qui est fait avec les casques et tout vont continuer de s’améliorer et que ce sport va devenir plus sûr. »
Un état d’esprit optimiste qui résume l’approche des futures recrues au moment de sauter dans le grand bain. Tant que leur santé n’a pas directement été menacée, ça n’est pas leur problème, c’est celui des autres.
Car en attendant, Chris Borland demeure l’un des seuls noms clinquants à avoir dit ciao sous l’empire de son contrat de rookie. Les autres cas n’affectent que des joueurs de moindre profil. Quant aux athlètes renonçant en plein processus pré-draft, ils sont aussi rares que ceux à comprendre pourquoi Jeff Fisher est encore à la tête des Rams. Pas de quoi minimiser ces cas pour autant. En septembre dernier, le rookie des Packers Adrian Coxson mettait déjà un terme à sa carrière après une commotion, expliquant que « le prochain coup pourrait bien [lui] être fatal. » Un cas qui pourrait connaître de plus en plus d’échos et inciter la ligue à toujours davantage protéger les joueurs.
Si l’impression générale dans les médias est celle d’un accroissement des retraites anticipées, et bien qu’aucune base de données précise ne permette un véritable état des lieux sur le long terme et une étude chronologique complète, le phénomène n’a rien de nouveau. En 1998, au sommet de sa carrière et à seulement 30 ans, Barry Sanders tirait sa révérence à la surprise générale. Idem pour la légende Jim Brown quelques décennies plus tôt. Joe Namath et Gale Sayers ont dû raccrocher à cause de blessures. Même combat pour Terrell Davis, dont la carrière aurait pu être toute autre. Sans pépins physiques pouvant les affecter de façon irréversible, Michael Irvin et Sterling Sharpe auraient encore galopé quelques saisons de plus. Et la liste est loin d’être exhaustive. Pourtant à l’époque, la survie de la ligue ne semble absolument pas en péril.
D’Brickashaw Ferguson a tiré sa révérence par souci de santé (même si un joli chèque des Jets aurait aisément pu le faire changer d’avis apprenait-on samedi), Heath Miller en a fait de même. Et ils ne sont pas les seuls. Et surtout pas les premiers. En 2000, l’ancien coureur des Vikings Robert Smith raccrochait à 28 ans et après seulement 7 saisons, arguant qui craignait que le football puisse affecter sa santé au long terme. À l’époque, pas un média ne s’émeut et ne prédit la fin de la NFL. Quand bien même, leurs craintes respectives ne les ont pas empêchés d’arpenter les terrains de la NFL pendant près d’une décennie. Et c’est bien là que réside la clé du maintien en vie de la ligue. Si la durée moyenne des carrières pourrait bien chuter dans un avenir proche, la recrudescence apparente du phénomène de retraites anticipées ne semble pas prête à dissuader purement et simplement les jeunes athlètes à tirer un trait sur leur rêve.
Si l’heure est à la prise de conscience et si l’attention médiatique autour des conséquences néfastes sur la santé de certaines blessures n’a fait que croître ces dernières années, dans la vague de départs à la retraite anticipés chocs et de poursuites judiciaires d’anciens joueurs, l’ensemble de ces problématiques ne constitue pas vraiment une nouveauté. Seulement, elles profitent aujourd’hui d’une plus grande visibilité. Non, l’avenir de la NFL n’est pas en péril. Oui, la NFL a bien raison de ne pas se faire (trop) de soucis. De là à se reposer sur ses lauriers ? Pas vraiment. Car c’est bien à la ligue que revient le devoir de protéger les joueurs. Des joueurs qui pourraient bien revoir leurs plans de carrière, et la reléguer de plus en plus au second plan, après leur santé. De là à remettre en cause leurs carrières purement et simplement avant même qu’elles ne commencent ? Nous n’en sommes pas encore là. Roger Goodell peut dormir sur ses deux oreilles. Pour le moment.