Le 4 juillet 2009 aurait dû être celui de la célébration annuelle de l’Independance Day. Le 4 juillet aurait dû être un jour de fête. Le 4 juillet 2009 restera comme un jour de deuil pour la NFL. Le jour où la ligue a perdu l’un des siens. Un jeune retraité. Une icône du tournant du nouveau millénaire. Ce jour-là, Steve McNair s’en est allé. Laissant derrière lui une carrière faite de hauts et de bas. De moments de grâce et de profonde déception.
Steve McNair grandit dans une petite maison de Mount Olive dans le Mississippi. Athlète massif et accompli dès son plus jeune âge, il est un sportif touche-à-tout et passionné. Le lycée terminé, il est temps de se trouver une fac. Et pas besoin d’attendre bien longtemps, l’université de Florida et son prestigieux programme de football lui tendent bras. Scénario idéal ? Pas vraiment. Car Steve a un but bien précis : il veut être quarterback. Et les Gators ne lui offrent qu’un poste de coureur. Déterminé à lancer le cuir, il tourne le dos à la FBS. Direction la division I-AA et l’université d’Alcorn State dans son Mississippi natal. Un choix risqué, mais qu’il assumera jusqu’au bout.
En 1992, et face à une faible opposition, McNair fait parler son talent et lance 3541 yards et 29 touchdowns. Une campagne 93 brillante et il est nommé pour la troisième année consécutive dans l’équipe type d’une Southwestern Athletic Conference qui aura donné naissance à deux autres légendes du Mississippi et de la NFL : Walter Payton et Jerry Rice. En 1995, voyant la draft se profiler à l’horizon, il met les petits plats dans les grands lors de son année de senior : près de 6000 yards et 53 touchdowns dans les airs et au sol, une douzaine de records en poche, une place de choix dans l’équipe All-American, le Walter Payton Award récompensant le meilleur joueur I-AA sous le bras et une troisième place dans la conquête du Heisman Trophy. Il quitte la deuxième division universitaire avec le record de yards à la passe (14 496) et cumulés en attaque (16 823).
Un blue collar dans le Vieux Sud
Avec le 3e choix général, les Houston Oilers et leur nouveau coach, Jeff Fisher, n’hésitent pas une seconde. Pour la première fois dans l’histoire, un quarterback afro-américain est sélectionné aussi haut. Petite université ou pas, Steve McNair a su faire étalage de son talent et du potentiel destructeur de son bras. Un contrat de sept ans en poche, il doit pourtant attendre son tour. Longtemps. Il ne verra le terrain que lors des ultimes séries de l’ultime quart-temps d’un match face aux Browns en novembre. Des miettes. Derrière Chris Chandler, le 4e meilleur passeur de la AFC cette année là, il doit se contenter de quelques apparitions furtives par-ci par-là. En travailleur chevronné, il affûte ses armes sans compter, attendant son moment. Sagement. Se cantonnant à un rôle de doublure sans broncher. Mais plus pour longtemps. Le vent du changement souffle.
En 97, les Oilers déménagent dans le Tennessee et Air McNair se voit intronisé titulaire. Sans véritablement briller, il livre tout de même quelques bonnes performances, de quoi permettre aux nouveaux résidents du Liberty Bowl de Memphis de s’offrir un bilan équilibré (8-8). L’année suivante les Oilers posent leurs valises à Nashville et leur quarterback poursuit sa belle progression : plus de yards, plus de touchdowns et moins d’interceptions. Le fruit d’un travail acharné pour celui qui n’a de cesse de se perfectionner. Une éthique de travail qui lui vaudra l’admiration de ses coéquipiers comme de ses adversaires. Dans leur nouvel antre, l’Adelphia Coliseum, ceux qu’il faut désormais nommer les Titans, vont livrer une campagne 1999 historique. Et pourtant, les choses démarrent mal. Lors d’un succès étriqué face aux Bengals en début de saison, Steve ressent une douleur et doit se faire opérer. En son absence, c’est le vétéran Neil O’Donnell qui va assurer l’intérim. Et il va le faire à merveille. 4 victoires et un revers plus tard, Air McNair revient aux opérations et va maintenir le même tempo. 7-2 pour finir la saison, une 2e place dans la AFC Central et un ticket pour les playoffs.
Face au Bills au premier tour, les Titans s’en remettent à un miracle. Ou plutôt à leur audace. À 16 secondes de la fin, dans un rencontre accrochée, les visiteurs viennent de prendre trois points d’avance. Sur le coup d’envoi, le tight end Frank Wycheck envoie une passe latérale en direction de Kevin Dyson, le receveur écrase le champignon et file dans la endzone, 75 yards plus loin. « The Music City Miracle ». Quelques semaines plus tard face aux Rams de Kurt Warner, Dyson joue une nouvelle fois les héros dans un Super Bowl XXXIV de légende. Mais malheureux cette fois-ci. Il s’en est fallu d’une poignée de centimètres. Steve McNair et les siens voient la bague leur filer sous le nez. Pas ingrate pour autant, la franchise du Tennessee récompense le quarterback avec un nouveau contrat de 6 ans et 47 millions de dollars.
Un nouveau bilan de 13-3 en 2000, une course en playoffs stoppée prématurément par les Ravens et voilà la saison 2001 qui pointe le bout de son nez. Sur le plan personnel, elle sera un succès pour le passeur de Nashville ; sur le plan collectif, nettement moins. McNair a beau lancer 3350 yards et 21 touchdowns, les Titans perdent plus qu’ils ne gagnent et finissent 4e de la division Centrale de la AFC. Invité au Pro Bowl pour la première fois de sa carrière, il doit faire l’impasse dessus à cause d’une blessure à l’épaule. L’année suivante, les hommes de Jeff Fisher décrochent le premier titre de la toute nouvelle AFC Sud. Après un succès en prolongation et dans la controverse face aux Steelers, il subissent la loi des Raiders de Rich Gannon en finale de conférence (24-41). L’été suivant, Steve et son image de mari idéal et dévoué auprès de sa communauté animent la chronique judiciaire en étant arrêtés pour conduite sous influence et port d’arme illégal. Les charges seront abandonnées, mais le lanceur semble dans une mauvaise passe et son image jusqu’ici policée se voit quelque peu égratignée. Et pourtant. Privé de deux matchs à cause de pépins à la cheville et au mollet, Steve McNair livre la plus belle saison de sa carrière : 3215 yards, 24 touchdowns, 7 petites interceptions, un bilan de 12-4 et un titre de MVP partagé avec son rival de division, Peyton Manning.
« Beaucoup de nos défenseurs rappelaient à quel point l’affronter constituait un défi, » confiera le Shérif après la mort de McNair. « Nous avons livré quelques batailles mémorables l’un contre l’autre. »
Les Ravens écartés, les Titans butent sur des Patriots en route vers le titre. À 30 ans, McNair devient le plus jeune quarterback de l’histoire à lancer 20 000 yards et courir 3000. Après deux saisons marquées par des blessures à répétition, les Titans décident de bannir purement et simplement de leurs locaux durant l’été 2006. La raison : la crainte de devoir lui payer la modique somme de 23,46 millions s’ils le laissent faire sa réadaptation dans leurs installations. Froid réalisme dans une ligue gouvernée par l’argent. Le syndicat des joueurs se fâche et se saisit du cas. La franchise est reconnue coupable d’avoir violé les termes du contrat et le joueur devient disponible pour un échange. La fin de ce qui ressemblait jusque là à une belle histoire d’amour.
Même les héros sont mortels
Après de longues semaines de spéculation, Steve McNair est envoyé à Baltimore en échange d’un choix de 4e tour. 13 victoires, le titre de la AFC Nord en poche, le nouveau passeur se plaît sous ses nouvelles couleurs. Mais la belle machine s’enraye dès le premier tour. 173 yards, 2 interceptions et pas le moindre touchdown. C’est (déjà) le début de la fin. Une nouvelle histoire de drogue et de conduite dans un état proche de l’Ohio et une campagne 2007 qui le voit passer plus de temps à l’infirmerie que sur le terrain ont finalement raison de lui. Après 13 saisons, il se retire officiellement en avril 2008.
Le 4 juillet 2009, il est retrouvé mort dans un de ses logements de Nashville. Son corps sans vie criblé de balles. À ses côtés gît le corps d’une jeune femme, la maîtresse de l’ancien quarterback, une balle dans la tête. L’enquête conclut rapidement à un homicide-suicide.
« C’est avec peine et abattement que nous apprenons la nouvelle du décès de Steve McNair, » déclarera le propriétaire des Titans, Bud Adams, dans un communiqué. « Il a été l’un des tout meilleurs joueurs à évoluer au sein de notre organisation et l’un des joueurs les plus appréciés de nos fans. Il jouait avec un dévouement indéniable et un esprit de leader, nous menant là où nous n’avions jamais été auparavant, notamment notre seul Super Bowl. Nos pensées et nos prières accompagnent sa famille dans ses moments de grande peine. »
Warren Moon, Eddie George, légendes passées des Titans, anciens coéquipiers, les témoignages affluent de partout. Drafté l’année de son départ du Tennessee et destiné à être son successeur, Vince Young est inconsolable. Plus qu’un modèle, c’est un véritable héros qu’il vient de perdre.
« Steve était comme un héros pour moi, » confiera-t-il très ému. « Et les héros ne sont pas censés mourir. »