Tableau noir : Duane Brown

Il n’est pas rare qu’un rookie sélectionné dès le premier tour tarde à s’imposer en NFL. Les équipes le savent, et parient parfois sur le développement de leurs joueurs à...

Il n’est pas rare qu’un rookie sélectionné dès le premier tour tarde à s’imposer en NFL. Les équipes le savent, et parient parfois sur le développement de leurs joueurs à moyen terme. C’est le cas notamment de Duane Brown. Les Houston Texans l’ont drafté en 26e position en 2008. On parlait à l’époque d’un joli coup pour la franchise, mais Brown a eu du mal à s’adapter au niveau pro : le tackle gauche avait laissé filer 11 sacks pour sa première saison.

Duane Brown a ensuite progressé constamment, et n’a autorisé qu’un  seul sack sur ses 29 derniers matchs. Les Texans ont beaucoup misé sur lui, et semblent récompensés puisqu’ils détiennent désormais l’un des meilleurs, si ce n’est LE meilleur tackle gauche NFL, à un poste crucial qui consiste à protéger le côté aveugle du quarterback.

Contre Detroit, Brown a encore fait une démonstration de sa domination dans la tranchée. Pro Football Focus l’a interrogé après la partie sur son développement spectaculaire : « J’étais « brut » en tant que rookie. J’avais joué trois saisons comme tackle, et seulement une à gauche. Je ne comprenais pas exactement l’importance de la technique à ce poste, jusqu’au jour où je suis arrivé chez les pros. J’ai alors bossé comme un malade pour perfectionner ma palette. Et puis je travaille aussi beaucoup sur la vidéo, c’est crucial à tous les postes dans cette ligue, ça l’est aussi pour celui de tackle gauche ».

Puissant au sol, presque parfait dans sa protection de passe, Duane Brown est aujourd’hui une pièce maîtresse de la ligne des Texans, qui sont en course pour la plus belle saison de leur jeune histoire. Analyse de son match contre Detroit.

Crédit texte et images Pro Football Focus.

Texans @ Lions – 2e quart-temps, 14:04 à jouer – Maîtriser le schéma de zone

Ce jeu est l’exemple parfait pour illustrer la difficulté qu’ont parfois les joueurs à maîtriser le schéma de block en zone. Il diffère du traditionnel jeu « power », où il faut identifier son défenseur, se verrouiller sur lui et envoyer la sauce. Là, il s’agit avant tout d’être réactif car l’assignation de l’homme de ligne offensif est susceptible de changer à tout moment pendant le déroulement du jeu.

Beaucoup de jeux en zone démarrent par une double protection d’un côté de la ligne. Cela requiert des linemen souvent plus petits, mais plus agiles, capables de gagner l’avantage par le bas sur un défenseur pour le bouger hors du tracé de course. Un des bloqueurs peut ensuite bouger pour attaquer le second niveau de la défense, et se coltiner un linebacker par exemple. Sur ce jeu, Duane Brown double le protection avec son tight end sur le defensive end Lawrence Jackson, un bon joueur contre la course.

La course part à gauche, mais le linebacker DeAndre Levy lit bien le jeu et arrive à tout blinde sur la ligne. A cet instant il est parfaitement placé pour tué la course et la limiter à son maximum. Duane Brown reconnaît le danger et lâche son double block pour scotcher Levy sur place. Son running back peut alors contourner la ligne par la gauche et prendre 7 yards avant d’être stopper par un safety.

« Pour bien exécuter le schéma de zone, il faut être très « aware » de la situation, et avoir une bonne relation avec les tight ends » explique Brown. « Sur ce jeu, on a bien travaillé ensemble pour verrouiller le bout de ligne, et je savais grâce à la vidéo que leurs linebackers adorent blitzer quand on leur donne une ouverture, donc dès que je l’ai vu démarrer, je savais qu’il était pour moi. Il faut aussi saluer le boulot du tight end, il a vu que je ne l’aidais plus et a assuré encore un peu plus son block sur le DE, pour nous assurer une ligne de course à l’extérieur. »

Sur ce jeu, la seule lecture de Duane Brown fait la différence entre une course négative et un gain de 7 yards. En plus, il est capable de stopper net un linebacker qui arrive lancé, ce qui rajoute encore à la qualité de son travail dans le jeu au sol des Texans.

Texans @ Lions – 2e quart-temps, 11:02 à jouer – Contrôler son block avec puissance

Autre exemple de la force et de la puissance de Brown, quelques jeux plus tard, sur le même drive. Les Texans avancent bien et se retrouvent en 1ere et goal sur les 6 yards adverses. Ils vont de nouveau courir à gauche, en donnant cette fois le ballon à Arian Foster.

Duane Brown initie le contact avec Kyle Vanden Bosch, le defensive end placé à sa gauche, mais il est presque poussé au sol par la collision avec son guard Wade Smith, qui se fait sérieusement bouger par Ndamukong Suh. Le DT à moitié barge des Lions menace de tout faire foirer en sortant Smith de son assignation, et indirectement en retardant Brown, qui perd presque l’équilibre. Mais Brown se rattrape rapidement et établit de nouveau un block dominateur sur KVB, qu’il balade comme une poupée hors de la ligne de scrimmage. Au passage, Brown se récupère même deux défenseurs.

Au moment où Arian Foster traverse la ligne pour marquer, Duane Brown a fait un pancake de trois défenseurs (le pancake chez les lineman consiste à mettre au sol le défenseur adverse). Brown a bougé son vis-à-vis au large, au point de le placer pile poil dans l’angle d’attaque d’un linebacker et d’un safety. Les trois Lions se retrouvent au sol.

« Maintenir son block, c’est un aspect sur lequel le coach de la ligne (John Benton) insiste sans arrêt, explique le tackle. Prendre son gars ne suffit pas, il faut le bouger pour créer de l’espace pour ne pas lui laisser la moindre chance de réussir un tackle. Ça peut vite devenir la foire là dedans, avec tous ces corps qui bougent dans tous les sens, mais une fois que l’on a verrouillé son homme, on a tendance à tout écraser sur le chemin, peu importe ce qui vient. Sur ce coup, j’ai trouvé ma cible, mis mes mains dessus, et j’ai gardé mes pieds en mouvement en permanence pour finir le block à fond. Je n’avais pas la moindre idée que deux autres gars étaient tombés à cause de moi jusqu’à ce que je vois la vidéo le lendemain. Tant mieux si ça se termine comme ça ! »


On parle quand même d’un bonhomme qui a la capacité de mettre sur leurs fesses trois défenseurs, et qui est tellement concentré sur son objectif qu’il n’a même pas remarqué qu’environ 200 kilos en maillots bleus se sont ridiculisés en tentant de l’arrêter…

Texans @ Lions -Overtime 7:57 à jouer – Être athlétique et dur au block

L’autre aspect du schéma en zone consiste à faire un block sur un joueur assez éloigné au départ. La plupart des linemen ont du mal à réussir un tel jeu, mais la capacité de ceux qui en sont capables permet aux runnings backs de prendre se gros gains au sol. Duane Brown réalise ici un nouveau pancake sur son défenseur, mais ce n’est même pas la partie la plus impressionnante de ce jeu.

Duane Brown doit sceller le defensive tackle Sammy Lee Hill, un puissant défenseur contre la course, qui est placé à sa droite, sur une course qui part elle aussi à sa droite. Hill est aligné sur l’épaule extérieur du guard gauche. D’un point de vue protection, il est relativement éloigné de Brown et semble avoir l’avantage de la distance.

« Le schéma de zone est long a assimilé, avoue Brown. Mais il me convient bien car mon point fort c’est d’être athétique, donc j’arrive à bouger assez loin pour prendre un DE ou un OLB. Même si c’est parfois difficile, j’aime bien utiliser ma vitesse pour ouvrir des trous à la course. »

C’est là que l’on s’aperçoit de l’immense talent de Brown, parce qu’il décolle de sa position de départ si rapidement qu’il parvient à initier le contact comme s’il était parti en face de son défenseur. Il a anéanti l’espace entre lui et Hill, mais n’a pas encore tout à fait l’avantage pour le verrouiller.

Il décale donc son épaule extérieure pour la placer sous le gros DT avant de tourner son corps entier pour lui faire face. Ainsi il se place à la perfection entre Hill et son unique angle d’attaque contre la course. Peu de tackles en NFL disposent de cette flexibilité et de cette vivacité. Mais Brown y ajoute encore de la force et de la puissance pures pour scotcher Hill sur place, le déplacer au large, et finalement le mettre sur le dos.

Avec Wade Smith (# 74) qui passe au second niveau sur le linebacker, Arian Foster dispose d’un trou dans lequel il peut couper. Le coureur est quasiment à la hauteur du marqueur de first down lorsqu’un défenseur est un mesure de le toucher.

A la TV, le commentateur Phil Simms s’est émerveillé du boulot de Smith, sans remarquer un block de très haut niveau juste à côté.

Ce match contre les Lions nous a donné un tour complet du niveau élite auquel joue Duane Brown. Les tackles gauches NFL sont avant tout des protecteurs de passe. Mais le schéma en zone de Houston qui sied si bien à Brown lui permet de développer des techniques et une agilité qui se traduit aussi par un niveau de protection du quarterback exceptionnel.

« Ça m’aide vraiment à devenir meilleur en protection de passe, confirme Brown. Le travail avec les pieds, le contrôle du corps et mon agilité me mettent en bonne position pour réussir mes blocks. Mais de bonnes mains et une base forte sont nécessaires contre des pass-rushers élites. Être athlétique c’est bien, mais vous n’êtes pas capable de vous rabaisser pour contrôler un rush énorme, c’est inutile. Je travaille beaucoup là dessus pour progresser dans ce sens. »

C’est peut-être le point le plus impressionnant de la version 2012 de Duane Brown. Plusieurs tackles gauches de la ligue sont des athlètes nés, capables de stopper de sacrés pass-rushs et de limiter la pression à laquelle ils font face, mais peu sont capables d’y allier la force et la puissance que Brown a développé dans le jeu au sol. Il n’a concédé que 15 pressions depuis le début de la saison à la passe. Cette statistique, combinée à son efficacité au sol, fait aujourd’hui de lui le meilleur tackle gauche en activité.

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